Les superhéros ont envahi nos écrans avec une rapidité dont aurait bien besoin Christophe Lemaître. T’aimes ou t’aimes pas, mais pas moyen d’y échapper. Pour les gros amoureux du genre – tel que votre humble serviteur – la période actuelle ressemble à un rêve éveillé. Pour les autres, bah allez cordialement vous faire cuire un œuf dans un coin, cela ne vous concerne pas ! Pardonnez-moi, je m’excite très rapidement lorsque l’on parle de superhéros.
Je disais donc que l’on ne voit que capes, collants et costumes en ce moment. Du coup, le but des deux machines de guerre que sont DC Comics et Marvel est de terraformer l’autre, un gros succès après l’autre. Si pour le moment, le cinéma Marvel a indéniablement l’avantage – mais attention à l’année prochaine –, la domination du monde des séries revient pour l’instant à DC. Sauf qu’il existe un terrain encore quasiment vierge d’expérimentations. Un terrain sur lequel personne n’a osé s’aventurer. Un terrain qui fait peur aux hommes : celui des superhéroïnes.
Marvel a posé la première pierre avec sa superbe mini-série Marvel’s Agent Carter, qui reviendra en 2016. Ni une ni deux, DC réplique et ordonne une nouvelle série au grand manitou du monde télévisuel, le it-man du moment, celui qui rajoute un peu de diversité dans le monde souvent cloisonné des superhéros : Greg Berlanti. Ainsi naquit Supergirl, la première série DC sur une personne qui possède plus d’un chromosome X.
Je voulais juste avoir une vie normale… quoique non en fait, avoir des pouvoirs c’est cool :
Supergirl raconte l’histoire de Kara Danvers – née Zor-El – la cousine du mec qui porte ses caleçons au-dessus de ses collants. Kara devait être envoyée sur Terre en même temps que ce dernier, pour le protéger. Sauf qu’à la suite d’un problème technique, son vaisseau a mis 24 ans à se poser sur notre chère planète bleue. La prochaine fois que vous souhaitez vous plaindre à la SNCF pour son retard d’une demi-heure parce que Pascal et René – vos conducteurs de train – se sont mis une mine à la Villageoise, réfléchissez-y à deux fois.
Kara arrive donc sur Terre, est adoptée et élevée par les Danvers. Elle a une sœur, Alex (Chyler Leigh), et refuse d’utiliser ses pouvoirs, aspirant à une vie normale. Accélération dans le temps et on retrouve Kara travaillant pour un conglomérat de média géré par Cat Grant (Calista Flockhart). Pour vous résumer ce que fait Kara dans cette entreprise, allez voir Anne Hathaway dans Le Diable s’habille en Prada. La superhéroïne qui veut seulement être normale a un collègue informaticien, Winn (Jeremy Jordan), qui est clairement amoureux d’elle. Seulement, de son côté, Kara flashe sur James « Jimmy » Olsen (le magnifique Mehcad Brooks), qui connaît Superman.
Au milieu de tout cela, Kara va à des rencards à l’aveugle, demande de l’aide à sa sœur sur ce qu'elle doit porter et se plaint de sa boss, qui, faut bien le dire, est pénible. Elle vit donc une existence normale de chez normale, excepté qu’elle possède des pouvoirs tout sauf normaux. Lorsqu’un avion, avec sa sœur à l’intérieur, risque de s’écraser, Kara va sauver la situation et par la même occasion entretenir la belle tradition existant entre la famille des Super et les engins ailés. Plus sérieusement, elle risque surtout d’attirer des aliens dans sa ville. Qu’importe, elle est juste euphorique d’avoir pu faire quelque chose sortant de la normalité.
Pour cela elle va être servie, avec ce qui l’attend. Toute une belle tripotée d’aliens sont ainsi en chemin pour se venger de la mère de Kara. Le premier qu’elle rencontre est Wayne Rigsby (Owain Yeoman), un des anciens du Mentalist, chauve et avec une hache qui possède des pouvoirs – oui il ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. Ici le scénario est plus que classique, et le méchant quelque peu terne – un des gros problèmes de The Flash par ailleurs –, ce qui nuit au déroulement de l’épisode.
C’est un oiseau ! Non c’est un avion ! Non c’est une… fille ! Attendez... quoi !?!
Ce qui est notable dans ce pilote, c’est que l’atmosphère y est considérablement fun. Tout comme The Flash, l’univers de Supergirl est coloré, sympa et sans prise de tête. Melissa Benoist opère dans la même veine que Grant Gustin (le Flash), à savoir une personne qui trouve que le fait d’être un superhéros est résolument trop cool. Cela donne une ambiance résolument détendue, ce qui est rare chez les superhéros depuis la fameuse trilogie de Nolan.
Attention néanmoins, parce que si être détendu ou frivole n’est pas la même chose, la frontière entre les deux peut se révéler plus ténue qu’elle n’y paraît. À vrai dire, frivolité est un terme qui n’est jamais très loin de « jeune femme » dans le monde des séries. Ce qui fait que le pilote de Supergirl possède son lot de clichés.
Déjà, et cela a le don de prodigieusement m’énerver, Kara est maladroite. En soi ce n’est pas la fin du monde, mais vu que c’est son seul défaut dans le pilote, bah c’est pénible. Une jeune femme maladroite c’est drôle cinq minutes (Felicity pendant deux saisons d’Arrow), mais à un moment trop c’est trop !
Ensuite, Kara est timide et pas à l’aise avec les mots et les situations. Notamment lors de sa première rencontre avec Jimmy Olsen, où elle perd complètement ses moyens. Bon, pour être honnête, je ne pense pas être super à l’aise devant le superbement magnifiquement prodigieusement beau Mehcad Brooks. Donc je laisse un peu de répis aux scénaristes. Mais quand même. Si les échanges sont drôles, le processus en lui-même est tellement usé que même Chuck Lorre ne veut plus l’utiliser. Du coup c’est frustrant, parce que cette fois ce n’est pas une sidekick qui est affublée de ce genre de clichés, c’est bel et bien la tête d’affiche ! Si l’on rajoute à cela quelques blagues douteuses, Supergirl possède des scories qui rendent le visionnage moins agréable.
Eh mais il y a des femmes aux côtés de Kara !
Une des grosses qualités de Supergirl réside dans la présence de plusieurs femmes au casting. Pour prendre l’exemple de Marvel’s Agent Carter, Peggy devait faire sa place toute seule au sein de la SSR. Pas une seule femme ne travaillait pour l’agence, ce qui a renforcé le caractère exceptionnel de ce qu’a accompli Peggy. Dans le même temps toutefois, la série a pâti de l’absence d’un contrepoids qu’Angie ne pouvait résolument pas offrir.
Supergirl n’a donc pas ce problème. En plus de Melissa Benoist, Chyler Leigh et Calista Flockhart renforcent les rangs. Parlons d’abord de la seconde, qui m’a irrité à un point seulement connu de ceux connaissant Barbara Gordon. Flockhart joue le rôle de Cat Grant, femme à la tête d’une des entreprises les plus influentes du monde. Bon je dois concéder que c’est cool de représenter des femmes de pouvoir. Le souci c’est qu’imiter Meryl Streep – toujours dans Le Diable s’habille en Prada – ça ne marche que si tu t’appelles Mery Streep. C’est le cliché de la chef autoritaire et elle ne possède que très peu de bons moments. L'un d'entre eux notamment est celui où elle justifie le choix de « Supergirl » en lieu et place de « Superwoman ». Néanmoins ce genre de personnages peut très vite devenir un atout plus qu’une contrariété pour la série. Il n’y a plus qu’à voir !
Pour Alex, la donne est différente. Déjà c’est Chyler Leigh qui l’interprète et ça, c’est un sacré bon point. Ensuite cela va permettre un développement des relations entre femmes, et a fortiori sœurs. Le sujet n’est que trop peu abordé dans le pilote, mais le potentiel est là. Y a plus qu’à, comme on dit dans le milieu des promesses. Pour en revenir au personnage d’Alex, elle travaille au Department of Extra-Normal Operations, une agence gouvernementale dirigée par Hank Henshaw (David Harewood), qui ressemble d’ailleurs au personnage de Dr. Wells dans The Flash. Son organisation est chargée de gérer tous les gugus se baladant avec des superpouvoirs, de façon à ce qu’ils ne détruisent pas la Terre. Au vu des habilités de Kara, il y a les prémices d’une relation entre sœurs qui promet d’avoir plusieurs couches de complexité.
Ce pilote de Supergirl possède ses qualités et ses défauts, mais reste plus que sympathique à suivre. Malgré un rythme quelque fois mollasson, elle bénéficie de bons effets spéciaux – merci le budget de CBS – et possède un côté féministe rafraîchissant ainsi que résolument subtil. Avec le talent que l’on connaît à Greg Berlanti pour gérer ses mythologies et le potentiel que possède une histoire à propos d’une superhéroïne, Supergirl est en bonne position pour s’imposer rapidement sur nos écrans !
J’ai aimé :
- Le cast, à la fois dans le choix des acteurs et celui d’avoir trois personnages féminins principaux
- Les effets spéciaux
- Les touches de féminisme çà et là
- Kara
J’ai moins aimé :
- Cat Grant, ou la Meryl Streep du SDF
- Le vilain de l’épisode
- Quelques blagues – très – peu inspirées
Ce qui promet :
- La mythologie, comme souvent dans une série estampillée Berlanti
- La relation Kara-Alex, et la place des femmes en général
- Hank Henshaw
- Des aliens !
Mises en garde :
- La romance : même si c’est sur CBS, à la base cela devait être diffusé sur la CW
- Cat Grant : elle peut couler Supergirl aussi bien qu’elle peut l’améliorer considérablement ; les paris sont ouverts !
Note : 13,5/20 (je sais qu'on ne met pas de ,5 mais je ne pouvais me décider)