The Slap acte III
Après l'incident du barbecue où il a giflé le petit Hugo, Harry croit pouvoir reprendre une vie normale, mais ce geste provoque chez lui un bouleversement profond sur sa propre image. Chacun l'observe, guettant le moment où il va perdre le contrôle, pendant que la justice semble vouloir le poursuivre pour violence envers un mineur. Hector lui propose alors de mettre fin à tout en allant à la rencontre de Rosie et Gary, mais la situation va vite devenir incontrôlable.
Résumé de la critique
Un épisode exceptionnel que l'on peut détailler ainsi :
- un épisode qui pose les questions de morale au travers d'un portrait superbe
- une histoire sur la famille et la sincérité
- un récit qui définit l'être humain et son rapport à la violence
- une réalisation intense et superbe
Le visage du père
Pour son troisième épisode, The Slap poursuit son étude de personnage au travers du portrait brillant de l'homme par lequel le scandale arrive, Harry (Alex Dimitriades, absolument génial) étant le responsable de la gifle au centre de toute l'histoire. Très vite, l'épisode nous initie à sa routine, ce père agissant avec une arrogance et un égoïsme affirmé, représentant une image assez classique du père, à la fois dominateur et fier de lui-même. Reprenant l'entreprise de son père, il ne cesse de se comparer à lui, se construisant autour des valeurs fortes et viriles que sont la loyauté, la famille et le besoin du respect des autres.
Plus que le portrait d'un macho rétrograde, The Slap nous raconte l'histoire d'une certaine image du père, dominateur et roi en son royaume, s'assurant avant tout de la sécurité de sa famille. Comme un seigneur, il agit avec un sens de la justice bien personnel et de l'honneur assez fort où la famille devient le coeur par lequel il existe, un temple impénétrable pour le monde extérieur. Et surtout, il se doit d'être un exemple pour un fils qui va occuper une place forte, sauvant en partie son âme lors d'un final absolument bouleversant.
Là où l'épisode est brillant, c'est dans le talent avec lequel il tire parti des nombreux silences pour nous laisser entrer dans la peau d'un être complexe, en quête d'une respectabilité qui est en train de lui échapper. Le problème de Harry vient du visage de son père qui le poursuit partout, hormis chez sa maîtresse qui devient une échappatoire à sa vie, un lieu où il croit pouvoir rejeter toutes ses frustrations. Seulement, le visage du père est toujours là, en particulier lors de cette scène sublime au cimetière où est évoqué la violence de celui-ci.
Harry n'a pas vraiment conscience de la profonde remise en cause que cela entraîne sur sa propre existence, surtout lors de la scène sublime où il agresse physiquement son épouse (Dianna Glenn formidable). Le thème de l'épisode est en fait celui de la violence et de la construction d'un homme par rapport à elle, le père servant fréquemment à imposer les limites de celle-ci par une gifle, marquant la ligne à ne pas franchir. Certes, Harry est un monstre d'un certain point de vue, mais il est aussi une victime d'un changement de l'image du père qui définit notre monde du 21ème siècle.
Le visage de la mère et du fils
Au centre de la vie de Harry, il y a son fils Rocco et sa femme Sandie, qui compose une cellule familiale dont le bonheur matériel est indéniable. Reprenant l'entreprise de son père, il ne s'est pas limité à n'être qu'un simple fils à papa, gagnant le respect de ses ouvriers en montrant une vraie fermeté, essayant de gagner le respect de chacun d'entre eux. La sincérité se définit comme une valeur, sauf lorsqu'elle met en péril le bien-être de la famille, ce qui explique sans rien justifier son comportement envers son épouse. Comme à chaque fois dans The Slap, la question morale est laissée au spectateur, les auteurs composant uniquement des portraits forts et complexes d'un réalisme fascinant.
Le regard de l'épouse témoigne de la difficulté à juger un tel personnage, Harry s'étant construit sur une image de la place de l'homme plutôt complexe, essayant d'équilibrer générosité et rigueur. Sandie est une femme bafouée, sa place au sein de la cellule familiale repose entièrement non pas sur l'amour en premier, mais sur la loyauté qui se trouve mise en péril par sa relation avec la victime de l'enfant victime de cette gifle. Le centre du débat moral est de savoir si celle-ci est le fruit d'un désir de protéger son fils ou la réaction d'orgueil d'un macho méprisable, évacuant sa colère sur l'être le plus faible.
Gardez le contrôle, ne pas laissez éclater sa rage est ce qui définit l'homme comme animal social et permet de lui donner la force pour accepter et surtout comprendre les reproches. Seulement, par son comportement avec son épouse, Harry va montrer qu'il peine clairement à se remettre en cause et à gérer cette soif de domination qui le tenaille par rapport aux femmes. Avec cette gifle, il a découvert un désir de puissance et de violence nouveau, celui qui transforme le commun des mortels en un monstre sanguinaire et perd petit à petit son self-control au fur et à mesure de l'avancée de l'épisode.
Pourtant, le regard du fils va tout changer et le sauver de ses propres démons, celui-ci assistant impuissant à l'accrochage entre ses deux parents. Imprévisible, sa réaction sera au centre d'un final bouleversant, car il n'y a rien de plus juste et sincère que le regard d'un fils sur son père. La vérité apparaît alors, celle d'une violence bien plus complexe où la culpabilité occupe une place centrale, ce qui amène au dernier acte de cette critique un peu longue (désolé), mais qui essaie de retranscrire au mieux toute la force de cet épisode sublime.
Le visage de Dieu et des hommes
Après cette gifle, le spectre qui s'approche d'Harry est celui de devoir accepter le jugement d'autres êtres humains et d'une société dans lequel il ne reconnaît plus ces valeurs. Sa confrontation avec Rosie et Gary correspond bien à la façon dont notre monde moderne a pris la mauvaise habitude de réagir par la passion, les parents du petit Hugo ressemblant finalement beaucoup à celui qu'ils se permettent de juger. Comme lui, ce couple cède à une violence plus sociale, qui cache dans un débordement d'affection l'aveuglement de leur propre rejet envers leurs fils.
Cette scène de confrontation est intéressante, car elle renverse la position d'Hector, le témoin numéro un dans cette histoire d'agression qui reprend alors la défense d'Harry. Là où il tente de montrer un repenti sincère et d'agir avec raison, Rosie réagit avec une violence qui trahit sa propre impuissance face à un fils qui la dévore lentement, l'épuisant peu à peu. Refusant le manque de respect à son égard, le bourreau devient victime d'une colère qui détruit le lien social et transforme l'humain en une créature dominée par ses seuls émotions, thème récurrent de la série.
Mais ce qui fait vraiment peur à Harry est la justice divine, le regard qu'il se pose sur lui-même en découvrant la bête qui est à l'intérieur de lui. Comme Rosie, il voudrait ouvrir les vannes, laisser éclater toute sa rage, exprimer ses sentiments comme l'être humain moderne le fait, réclamant une justice fondée sur la passion et l'immédiat. Mais l'homme, comme le présente The Slap, doit apprendre à refouler ces passions pour ne pas devenir un être égoïste, motivé par un accomplissement de soi qui s'achève toujours par une autodestruction.
Le visage de Dieu, c'est celui que l'on croise chaque matin dans le miroir et Harry témoigne dans le dernier acte superbe de l'importance non pas de pouvoir se regarder dans le miroir, mais de savoir discerner ce que l'on est vraiment. La foi surgit alors lorsqu'il embrasse la croix, espérant que son égoïsme qui l'a tenu écarté de sa famille n'a pas engendré le pire. En un épisode, The Slap aura ainsi exploré tous les visages de l'être humain et offert un épisode simplement magnifique et clairement inoubliable.
Un portrait d'un réalisme troublant et poignant
Finissons cette critique légèrement excessive et dithyrambique par une dernière éloge sur la mise en scène qui sait utiliser avec sagesse la voix off et poursuit au même niveau que les épisodes précédents. Au plus proche d'un héros qu'elle suit à la trace, elle possède l'élégance pour dire beaucoup avec une légèreté et un style indéniable et impressionnant. Sans jamais ennuyer, l'heure propose de nombreuses variations de ton, d'éclairages et propose une succession de scènes vraiment émouvantes et poignantes.
En conclusion, un épisode simplement parfait, porté par un Alex Dimitriades incroyable et une mise en scène quasi Rossellinienne pour une heure digne de passer au cinéma. Un épisode qui pose un regard acerbe et juste sur la place de l'homme dans la société, sur son rapport à la violence et les conséquences d'un geste aussi complexe qu'une simple gifle. Mais plus que tout, The Slap nous parle de notre monde moderne et nous oblige à nous poser des questions éthiques et morales fortes.
Je remercie les membres de Serie All pour leur débat passionnant sur la place de la femme dans le monde moderne qui m'aura inspiré cette critique définitivement trop longue. Pour ceux qui veulent en savoir plus, allez dans les dernières pages du topic "Fourre-tout" du forum du site.
J'aime :
- absolument tout
Je n'aime pas :
- rien
Note : 18 / 20
Un épisode monumental, porté par un Alex Dimitriades omniprésent et impressionnant et un scénario d'une grande intelligence. The Slap confirme au-delà de mes attentes qu'elle est une grande série humaniste, parlant à la perfection des hommes comme des femmes et de ce qui constitue l'être humain dans sa complexité. Simplement éblouissant.