La fin d'une innocence
Connie a dix-sept ans, vivant chez sa tante après la disparition de ses parents et travaille avec Aisha dans sa clinique vétérinaire en dehors des heures de cours. Par moment, elle fait du babysitting avec le petit Hugo, la victime de la gifle, avec son meilleur ami Richie, un garçon timide peu mature sur le plan émotionnel. Encore vierge, Connie découvre la passion avec Hector, le mari d'Aisha, une liaison qu'elle va alimenter en se proposant comme baby-sitter pour le couple.
Résumé de la critique
Un épisode épatant que l'on peut détailler ainsi :
- un portrait élégant entre passion et fragilité
- une histoire de virginité et de quête du soi
- un épisode contemplatif et élégant
- un virage narratif vers un drame qui devient inévitable
La passion comme un rêve, le fantasme comme un mensonge
Toujours dans un registre naturaliste, The Slap nous propose un portrait à l'opposé de celui d'Harry la semaine dernière avec l'histoire de Connie, une jeune femme piégée dans une enfance artificielle sur le point de s'interrompre. La gifle l'avait éloignée d'Hector, mais le désir est encore présent, troublant petit à petit la conception du réel, transformant la réalité en un songe. Transparente jusqu'ici dans un univers où elle ne contrôle rien, la jeune femme éprouve le désir de s'affirmer, de sortir de son image trop lisse en explorant sa féminité et ses pulsions.
Sa passion pour Hector va alors reprendre le dessus, virant à une forme d'obsession, superposant son propre fantasme à une réalité bien plus pathétique. Profitant d'elle, Hector répond à ses avances, profitant d'elle pour lui procurer son premier plaisir charnel par des caresses intimes. Aussitôt, son corps réclame un passage à l'acte complet, voyant dans le mari d'Aïsha le candidat idéal à qui offrir une virginité qui commence à l'encombrer. Surtout que le destin semble l'aider à se rapprocher de lui, la poussant à plusieurs reprises à retrouver seule en face à face avec lui.
Portrait touchant et complexe d'une femme qui essaie de comprendre le monde des adultes, cet épisode nous fait entrer dans l'intimité de Connie qui vit avec comme seul souvenir de ses parents des photos à qui elle a pris l'habitude de donner vie et une lettre si souvent lue qu'elle a perdue une part de son sens réel. Là où le spectateur entend le désespoir d'un père qui comprend qu'il ne pourra plus rien pour sa fille, elle voit l'expression d'un amour inconditionnel envers elle. Trop immature, son cerveau n'a pas conscience des mots, submergé par des sentiments qui troublent sa perception et l'empêche de voir la réalité en face.
Toujours joueur et cruel, le destin va renverser la situation, transformant une occasion en or à ses yeux de séduire Hector en un spectacle pathétique d'une jeune femme incapable de créer le trouble du désir chez l'autre. L'amour au premier coup d'oeil n'existe pas, il est le fruit d'une lente construction et dépend beaucoup du hasard d'une certaine alchimie qui ne fonctionne pas ici, transformant le fantasme en frustration, puis en colère autodestructrice. Si aucune gifle lui est donnée, le comportement d'Hector envers elle est bien plus violent encore, marquant la barrière du cynisme et l'adolescence et l'âge adulte.
Une description complexe qui prend le temps de faire exister Connie, magistralement interprétée par Sophie Lowe, piégée entre la fragilité de l'enfance et le besoin du passage à l'acte. Un portrait au féminin très léger qui évoque Kieslowski par son aspect contemplatif, avec une scène superbe où la photo d'Hector disparait de l'album, symbole fort pour cette femme-enfant pour qui les instantanés représentent bien plus qu'une simple image.
La quête du soi et le pouvoir des icônes
Pour Connie, la construction du soi s'est faite sur la base d'une série de photos, dernière trace d'un père qui a disparu, d'une mère qui n'existe qu'en image. Comme des icônes, elles sont le symbole d'un passé qu'elle a lentement rempli de tout un ensemble de fantasme, apprenant à effacer la réalité d'un destin tragique, l'imaginaire se chargeant de compléter le vide. Pour lui témoigner de l'existence de ses parents, elle possède une lettre très impersonnelle et une tante qui cultive avec elle la mémoire de son frère disparu.
Cherchant à se montrer à la hauteur de cette représentation fantasmé de parents aimants, Connie répond au profil type de la fille trop sage, partageant son existence avec Richie, un garçon assez immature cherchant à se démarquer des autres. Sans la moindre ambiguïté apparente, leur relation frère - soeur va occuper une place importante dans le dernier acte, portrait froid et réaliste d'un passage à l'acte nécessaire. En effet, plus qu'un simple épisode, The Slap commence à construire une continuité, orientant la série vers un dernier acte forcément tragique dont Richie sera le personnage central.
Plutôt que de se focaliser uniquement sur leur héroïne, le scénario se perd un peu dans la dernière partie à préparer la suite des évènements. Simple et naturel, le passage à l'acte va étrangement ramener à une certaine douceur, celui de la fin des tourments et du début des vrais sentiments, non parasités par un désir manipulateur. Le sexe y est vu comme maladroit, acte basique et assez triste surtout s'il n'est pas lié à un attachement sentimental, frustrant même devant le besoin insatiable du corps envers le toucher et la caresse.
La gifle aura poussée Connie à sortir du rêve d'une vie fantasmée pour découvrir une réalité pas forcément triste, le final gardant le même ton doux et aérien que le reste de l'épisode. En restant ainsi au contact d'un amant d'un soir, elle obtient finalement bien plus que ce qu'une liaison avec un homme marié aurait pu lui offrir, celle du moment après le sexe où l'attachement sentimental et la force d'une relation se construit.
Une réalisation remarquable
Si l'histoire peut sembler assez classique au premier abord, la force de The Slap va résider dans sa mise en scène remarquable de précision et le choix affirmé d'une certaine simplicité. Très crédible, la mise en scène trouve le ton juste pour nous aider à comprendre Connie, au travers d'une mise en scène qui se coupent fréquemment du réel pour nous emmener dans les pensées de son héroïne. Au plus près de la jeune femme, la réalisation se construit autour d'une gestion du hasard, du tempo qui évoque immédiatement Kieslowski, la comédienne Sophie Lowe montrant tout du long un talent absolument remarquable.
La plongée dans l'intimité de Connie ose quelques passages troublants, surtout pour une série télévisée, cherchant à aller au-delà de la pudeur, quitte à franchir la barrière du malaise. La scène du bain, terriblement explicite et culottée, montre la capacité du show à oser sans aucune hésitation, se rapprochant encore plus d'une vision naturaliste du récit. Hors de question de construire un portrait idéalisée d'une vierge, les auteurs n'hésitent pas à la ridiculiser, surtout lors de la scène où elle tente de séduire Hector, portrait pathétique d'une femme qui mélange désir et sentiment.
Au final, un épisode superbe, parfaitement photographiée, description élégante et sincère d'une femme qui se cherche et finit par se découvrir à la fin du chemin imprévisible qu'est l'existence. Un parcours émotionnellement fort pour un épisode à l'écriture très cinématographique, manipulant les non-dits avec une certaine adresse.
Tout drame commence par un mensonge
Arrivant à sa mi-saison, The Slap commence à préparer la réorientation du récit, tandis que les différentes opinions cessent de blâmer Harry pour la gifle, s'orientant lentement vers Rosie qui sera au centre du prochain épisode. Le souvenir de la gifle s'efface, les témoignages correspondants de moins en moins à la réalité, et les conséquences passent du direct au secondaire, du prévisible à l'imprévisible. Le drame qui commence à se nouer sera forcément tragique, preuve qu'en plus de dresser des portraits saisissants et superbes, la série gère parfaitement sa progression dans le chaos d'une série de destinées qui basculent soudainement dans l'imprévisible.
En conclusion, un épisode très réussi de plus pour The Slap qui confirme toutes ses qualités et forme un tout cohérent grâce à un fil directeur commence lentement à apparaître. Interprétée par une Sophie Lowe remarquable, cet épisode dresse le portrait complexe de la fin de l'adolescence où une jeune femme découvre la valse troublante des sentiments, perdant le contrôle de son corps sous le poids du désir. Une histoire à la fois touchante et très réaliste, portée par une réalisation qui évoque Kieslowski, maniant avec adresse les non-dits tout en s'amusant devant l'imprévisibilité du hasard.
J'aime :
- tout sauf un petit chipotage signalé en dessous
Je n'aime pas :
- la scène finale aurait pu être mieux amenée, en particulier l'identité du partenaire
Note : 16 / 20
Un superbe épisode qui confirme la capacité des auteurs de The Slap à adapter leur récit au personnage central, permettant ainsi de s'imprégner de leur état d'esprit. Construisant un fil directeur ambitieux qui commence à apparaître, la série s'impose lentement comme incontournable et superbe. Du grand art.
Gros remerciement à Sandrine pour cet article qui lui doit beaucoup et Altair, Puck et Tammuz pour leur passionnant débat dans le topic fourre-tout sur la féminité et sa représentation dans les séries TV qui m'a bien inspiré.