Cette triste nouvelle est pour moi l'occasion de revenir sur la première saison de Spartacus : Blood and Sand, qui m'a étonnament marquée. Vous ne vous offusquerez pas j'espère que j'adopte par la suite un ton peu adapté à un éloge funèbre, mais Spartacus est une série fun et jouissive, que diable !
Un peu de finesse dans un monde de brutes ?
Avec ses litres de fausse hémoglobine, ses scènes de cul nombreuses et sa nudité omniprésente, Spartacus a toutes les apparences d’une série bas de plafond racoleuse, un produit commercial de série Z qui mise sur les bas instincts de son public pour le fidéliser.
Mais parfois, les apparences sont trompeuses... car oui, j'ose l'affirmer haut et fort : Spartacus Blood and Sand est une série bourrée de qualités. Et je vais tâcher de vous en convaincre !
Spartacus : Blood and Sand est une série produite par la chaîne cablée américaine Starz, dont la première saison a été diffusée durant l’hiver 2010. Une deuxième saison (sans Andy Whitfield donc, snif) est prévue pour 2012, et un préquel « Spartacus : Gods of the Arena » a été diffusé début 2011.
Spartacus a été un carton pour la petite chaîne Starz, et lui a permis d’atteindre des audiences flirtant avec celles des grosses chaînes du câble, ce qui n’est pas rien. Elle a aussi déchaîné les passions sur la toile, les fans absolus défendant becs et ongles cette série face à des détracteurs non moins virulents. C’est ces débats passionnés qui m’ont donné envie de me faire ma propre opinion, et donc de regarder la série. Et si au final je comprends les deux camps, j’ai choisi le mien : cette série a été en définitive un véritable coup de cœur !
NB : cet article a été écrit pour donner envie de voir la série et ne contient donc aucun spoiler majeur qui pourrait gâcher votre plaisir. Mais si vous êtes allergiques aux spoilers de tout poil, passez votre chemin car il y en a tout de même de petits par ci par là)
Joey, tu aimes les films sur les gladiateurs ?
Un thrace à suivre…
Rétrospectivement, les trois premiers épisodes de Spartacus me font l’effet d’un bizuthage. Parce que, oui, ils font peur. Mais ils sont nécessaires car il faut un temps d’adaptation au « style » Spartacus.
L’histoire débute donc avec Spartacus, le héros, un (très !) beau thrace qui, après des démêlés avec un général romain salopard se retrouve esclave et gladiateur chez un « lanista » ambitieux dénommé Batiatus. Séparé lors de cet incident de sa femme, qu’il aime à la foliiiiie, il a désormais un seul but dans la vie : regagner sa liberté, la retrouver, et la délivrer (car elle est devenue esclave elle aussi), et qu’ils retournent couler des jours heureux en Thrace comme au bon vieux temps jadis, quand ils s’embrassaient passionnément devant des couchers de soleil kitschs mal incrustés en post-prod’.
c'est beaauuuuuu l’amûûûûr !
Un point de départ très tarte à la crème, donc, et dès le début on a l’impression que tout va se dérouler de façon non moins évidente : que grâce à sa force et son courage (chabadabada), Spartacus va devenir le plus fort de tous les gladiateurs (chabadabada), parce que c’est un gars super exceptionnel ; se faire plein de potes parmi ses congénères (chabadabada) parce qu’au fond c’est un gars trop cool et hypra intelligent ; et libérer sa dulcinée et se venger de ce salaud de général romain puisqu’après tout telle est sa quête (chabadabada). Et que, à l’image des premiers épisodes, le rythme de la série va rester sur sa lancée « un combat gore – une scène de cul léchée – des femmes lascives à poil - un combat gore – une scène de cul léchée – des femmes lascives à poil, etc.. »
Oui, mais en fait non. Ça ne va pas se passer comme ça, rien n’est cousu de fil blanc dans cette série. Bon, certes, quand on connaît l’histoire du Spartacus historique, ça ne peut qu’aller au-delà. Mais je confesse qu’au début j’avais l’impression qu’ils n’avaient emprunté le nom du fameux leader de la révolte des esclaves que pour de basses raisons mercantiles, tellement le scénario semblait flirter avec le ras des pâquerettes. Mais à l’épisode 4, on commence à sentir les prémices d’un scénario beaucoup plus fin et ambitieux. Cette impression ne fera que se renforcer au fur et à mesure des épisodes : la série va alors quitter les sentiers battus pour s’aventurer sur des chemins beaucoup plus tortueux, qui convergent tous vers un final vertigineux…
D'un Spartacus à l'autre...
Outre le scénario, ce qui m’a rebuté dans ces premiers épisodes, c’est l’esthétique kitschissime. Je ne fais pas partie des adeptes de « 300 » de Zack Snyder, et cette débauche de torses virils et épilés qui se lattent la gueule vigoureusement au ralenti, ces fontaines de sang écarlate, ces fonds informatisés mal incrustés, et ces filtres bleus ou jaunes omniprésents, le tout servi par une musique pompière, autant le dire tout de suite : c’est pas trop ma came. Mais, au moins, il y a un parti pris esthétique totalement assumé et qui n’a jamais peur d’en faire trop : car dès le début, Spartacus assume à 200 % son côté Peplum gore et érotisant racoleur. C’est too much, mais comme c’est voulu, ça passe. Et finalement, une fois qu’on s’y est habitué, ça dégage même un charme certain (oui, je sais, c’est dur à croire au premier abord).
Un autre point qui peut rebuter, c'est qu'il ne faut pas être trop tatillon sur la crédibilité historique : ne cherchez pas, les gladiateurs n'ont en vrai JAMAIS ressemblé à ce que nous montre la série, et les spectacles d'arène encore moins.
Bref, il faut bien se farcir les 3 premiers épisodes de Spartacus pour s’habituer au style et commencer à voir les prémices d’un décollement du scénario. 3 épisodes, soit 3 heures… ça peut sembler long, mais ça en vaut la peine…
Un scénario bien plus fin qu’il n’y paraît
La première qualité du scénario est ses personnages bien dessinés. Certes, ils n’ont pas la profondeur psychologique des héros de SFU ou The Wire, mais ils ont la qualité d’être totalement cohérents d’un bout à l’autre de la série, et surtout d’avoir chacun leurs parts de lumière et d’ombre.
Spartacus himself (Andy Whitfield)
Tenez, prenez le héros : Spartacus, joué par le magnifique Andy Whitfield, paix à son âme. Il se révèle certes tout de suite être un gladiateur de très haut niveau, mais il n’est pas le plus fort, et je doute qu’il le sera jamais. Sa ténacité et son côté franc-tireur le rendent sympathique, mais il n’agit presque toujours qu’en son intérêt propre et se fiche bien des autres – à quelques rares exceptions près. Ce n’est pas un « gentil », il massacre ses adversaires avec aussi peu de scrupules que ses congénères, et peut se révéler très salaud par moments.
A l’inverse, Batiatus (John Hannah), le « propriétaire » des gladiateurs, est une enflure de premier ordre, mais il n’est pas dénué d’empathie et d’affection pour ses hommes, et on ne peut que compatir aux humiliations qu’il subit à longueur de temps de la part de la haute société romaine. Et puis il est intelligent et manipulateur, ce qui force toujours l’admiration.
Tous les personnages sont ainsi : Lucretia, la femme de Batiatus (Lucy Lawless, tout droit rescapée de Xena, la princesse guerrière !) a à peine plus de scrupules que son mari, mais son désir d’enfants, son intelligence et son attachement à Crixus la rendent très humaine. Crixus, justement, le rival bas du front de Spartacus, dévoile petit à petit un cœur d’artichaut pétri d’honneur sous sa carapace de brute épaisse. Varro, le grand ami de Spartacus, un jeune homme si sympathique, a causé la perte de sa famille en dilapidant au jeu l'argent du ménage et se comporte en gros con avec sa femme. Doctore, le sergent instructeur vachard, est en fait un homme d’une droiture exemplaire (et un combattant sacrément balaise !). Ashur, l’ancien gladiateur blessé et méprisé de tous, cache une intelligence rusée qui fera des merveilles, etc…
En haut : Batiatus, l’ambitieux lanista, et sa femme Xena Lucretia
En bas : c’est moi Crixus, le joyeux Mirmillon / Doctore, le sergent instructeur
Tous les personnages sont ainsi croqués de façon savoureuse et ambiguë, jamais totalement sympathiques ni antipathiques, (presque) tous passionnants à suivre. Mais de bons personnages ne suffisent pas à faire une bonne histoire… Pour faire une bonne histoire, il faut également une bonne intrigue bien construite. Et c’est le cas dans Spartacus, qui révèle une véritable qualité d’écriture, et une finesse surprenante, surtout dans les derniers épisodes.
Ainsi, l’excellent final de la première saison apparaît comme la pierre d’achoppement d’un gigantesque édifice, où chaque storyline, chaque rebondissement, trouve son aboutissement logique, comme autant de pièces d’un grand puzzle dont on ne percevrait le motif qu’un fois la dernière pièce posée.
Il y a parfois des errements au cours de cette saison. Quelques péripéties un peu faciles et prévisibles, mais la plupart le sont beaucoup moins. Sans doute quelques épisodes de trop. Mais l’ensemble est globalement de très haute tenue, original, rythmé et bien mené. Et terriblement addictif.
Mon principal regret provient de certains dialogues, souvent vulgaires sans nécessité : je ne sais combien de fois on entend le mot « cock » par épisode, mais ça finit par lasser.
Et le côté racoleur, alors ?
Reste à parler de la réalisation, qui reste tout de même un aspect important de la personnalité du show. Malgré des effets spéciaux pas toujours très réussis et des fonds informatisés rarement heureux, la réalisation est généralement bonne, voire très bonne, et a réussi a faire des miracles avec un petit budget. A imposer un style, qu’on pourrait résumer par « du cul, du nu, du gore ». Et mon sentiment diffère énormément selon ces différents aspects.
Du cul du cul du cul
Côté cul, c’est très réussi, toujours très bien filmé et sans vulgarité, et les scènes se raréfient au fur et à mesure de l’avancement de la saison. Je dirais même que certaines d'entre elles sont vraiment belles. Et finalement, sur le grand nombre de scènes que compte la série, peu sont totalement gratuites et présentes uniquement pour faire plaisir au spectateur – car l’abus sexuel est un des aspects importants de l’oppression que vivent au quotidien les esclaves, qu’ils soient serviteurs ou gladiateurs. De plus, contrairement à 99% des films ou séries qui misent sur le cul, on n’est jamais ici dans un rapport homme dominant/femme dominée. C’est même souvent le contraire : Lucretia n’hésite pas à utiliser ses gladiateurs comme sex toy, ou à les prostituer, car leur physique musculeux fait se pâmer les romaines en chaleur… c’est un des aspects dérangeants (et intéressants) du scénario.
Du nu du nu du nu
Côté nu, je ne peux qu’applaudir ! Au début ça fait un peu bizarre, on voit des scènes crypto-gay partout, avec tout ces mâles nus comme des vers qui discutent virilement tout en s'huilant le corps... et puis finalement on se dit que ça fait du bien de sortir de la pruderie hollywoodienne, et d’admettre que oui, une femme ou un homme nu, c’est beau. Surtout quand ils ont la plastique des acteurs de « Spartacus »…
A noter que le ratio hommes nus/femmes nues est largement en faveur des hommes (je ne m’en plains pas J ) – ce qui est assez rare pour être souligné.
De plus, cette nudité (totale ou partielle) est rarement gratuite. Souvent dans la série, les gladiateurs sont comparés à des animaux. Les faire évoluer en permanence nus ou quasiment nus dans des cellules où on les entasse renforce cette impression de « fauves en cage », et quand ils sont exhibés nus en public on se croirait en présence d’un nouveau genre de bétail de foire…
Du sang qui gicle
Reste l’aspect gore, et de façon plus générale les scènes d’action. Et là, je suis nettement moins emballée. Le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne font pas dans la dentelle.
Je ne regrette pas la violence en tant que telle : elle est nécessaire, puisqu’il s’agit finalement de montrer que les gladiateurs de « Spartacus : Blood and Sand» sont des machines à tuer au bord de la rupture. Mais il y a à mon goût une esthétisation à outrance des scènes d’action hyperviolentes, qui en deviennent gores (le gladiateur moyen doit avoir en moyenne 10 ou 15 litres de sang vu ce qu’ils répandent dans l’arène) et complaisantes. Loin de dénoncer la violence des combats, la série l’exalte souvent, et joue sur la surenchère. Cet aspect me dérange. Surtout qu’historiquement les gladiateurs mouraient très rarement dans l’arène, le match s’arrêtant généralement aux premières blessures. Heureusement, il reste certaines scènes qui mettent franchement mal à l’aise et qui replacent un peu les choses à leur place.
Plus globalement, les combats (qui sont pour beaucoup de fans une des attractions du show, je le sais) ne m’ont pas emballés, je les ai même trouvés pour la plupart ridicules. Trop exagérés. Absolument pas crédibles. C’est vrai, quoi : dans les vrais combats, les boucliers servent vraiment à quelque chose, genre à se protéger, pas juste à faire joli ou *je n’invente rien* à servir de tremplin pour les copains…
Bref.
Pour conclure…
Finalement, Spartacus, c’est comme un bon confit : ça a l’air gras, lourd et indigeste… Mais c’est également tout à fait savoureux, surtout avec des petites patates rissolées à la graisse d’oie (le confit, pas Spartacus)… mais je m’égare !
Spartacus, c’est comme le confit : c’est gras et lourd, mais néanmoins savoureux
J'ai aimé :
- des personnages non manichéens et intéressants
- la cohérence et la finesse du scénario
- une esthétique certes kitsch mais travaillée, et assumée à 200 %
- plein de beaux specimen mâles nus et huilés
J'ai moins aimé
- les premiers épisodes nullissimes
- les scènes hyperviolentes esthétisées à outrance
- la crédibilité historique absente
- des combats absolument pas réalistes