La french touch.
La semaine dernière, nous avons comparé différentes introductions de séries et remarqué que si Lost optait pour une entrée en matière entièrement visuelle mais explicite, Dexter était présenté de manière verbale. Nous remarquons de fait que la série télévisée de notre époque se rapproche de ce que nous dit le manuel du scénario américain de Bloch John W. et Fadiman William à savoir : « Tout doit être visuel. Le dialogue est une prothèse; vous n'y aurez recours qu'en cas de besoin. »
Bien entendu, pour les besoins liés au format d'une série, ce manuel ne peut pas s'appliquer à la lettre à la fiction télévisuelle. Le cas de Dexter illustre bien cela car le partie pris de la série est de nous dévoiler le mystère du personnage dés le commencement pour jouer ensuite sur le secret que connait le téléspectateur. Le dialogue est donc capital pour les séries et la suite de Lost nous le rappellera. En attendant, pour nous remettre dans le contexte, je vous remet l'extrait qui avait conclut l'article de la semaine dernière :
Lorsque nous observons cet extrait de Plus belle la vie, nous nous apercevons que le code de la série télévisée est respecté. Nous ne sommes pas là pour parler de la réalisation, du thème, de la qualité des dialogues ou de tout ce qui pourrait être critiquable. Nous sommes ici pour constater la construction de l'intrigue dans l'esprit du téléspectateur.
Que voyons nous dans cet extrait ? Une famille qui rentre de vacances. Tous les protagonistes semblent entrer dans notre propre normalité. Comme dans la vie de tous les jours, les personnages parlent de choses courantes et vivent des choses qui pourraient bien faire partie de notre quotidien. Nous pouvons aussi remarquer l'accent marseillais, l'architecture de la ville, l'environnement, la tenue vestimentaire. Tout est normalisé pour permettre au téléspectateur de trouver ses repères instantanément et se concentrer sur la tenue de l'intrigue. Comme au théâtre, l'important ce n'est pas l'image, mais ce qui est raconté. En ceci, Plus belle la vie remplit parfaitement bien son rôle et mérite ses 5 millions de téléspectateurs. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur ce qui manque à la série télévisée Française et pourquoi le gouffre entre nos programmes et ceux d'outre manche et outre atlantique semble aussi vaste. Avant de tenter de répondre à cette question, nous pouvons déjà jeter un œil au PAF. Si je vous demande de me citer quelques titres de séries Française dépaysantes, qui sortent du cadre de notre normalité dans ses codes, sans même être surnaturelle, que pouvez-vous me citer ? Il y a bien Kaamelott ou héro corp... Nous pouvons également citer les productions de canal + qui misent sur l'histoire le sexe et le crime pour nous faire sortir des sentiers battus. En poussant le vice, nous pourrions également parler de Joséphine ange gardien qui possède des pouvoirs surnaturels tout en restant humaine. En gardant ces séries à l'esprit, nous pouvons nous poser la question : ou est passé l'audace dans la série télévisée française ?
Je vous propose de garder cette question à l'esprit car nous y reviendrons plus tard. Nous allons pour le moment nous concentrer sur les autres codes de construction des séries américaines à succès pour voir si nous n'avons rien oublié.
Plus belle la vie : Des personnages ordinaires, dans des environnements ordinaires.
Repeat ?
Avant tout, regardons la construction de l'intrigue et l'implication du spectateur dans un long métrage. Lorsque le héros nous est présenté, nous savons que nous n'allons pas le suivre sur une longue période et que ses faits et gestes sont au service de l'intrigue. Si le scénario prévoit de nous faire partager son quotidien, ce n'est qu'a la seule fin de guider l'attachement du spectateur au héros. Au cinéma, donc, le personnage principal n'a pas sans arrêt besoin de rappeler au public ce qu'il fait, qui il est et si son histoire d'amour naissante avec l'héroïne va mener a un mariage heureux ou a un divorce vraisemblable. Le scénario n'a pas non plus à créer de nombreux arc narratifs qui alourdiraient l'intrigue principale. Dans une salle obscure, le spectateur prend un billet qui l'emmène dans un film pendant environ une heure et demi, temps pendant lequel tout doit être présent à son esprit pour l'impliquer le plus possible. Il doit connaître le héros pour que les actions de celui-ci influent sur ses émotions. Il doit connaître les tenants de l'intrigue pour en comprendre les aboutissants. Il doit disposer de repères immédiats pour ne pas perdre le fil et sortir ainsi du monde qu'a ainsi créé le film à son intention. En somme, l'objectif du film n'est pas simplement d'être vu, mais d'être vécu.
Dans une série télévisée, le format impose une implication différente du téléspectateur. Le pilote d'une série agit comme un film, il doit capter l'attention et intriguer le téléspectateur. En revanche, contrairement au long métrage, le premier épisode se doit de marquer des repères sur lesquels les suivants se rattacheront. C'est le rôle, entre autre, des gimmicks.
Gimmick gimmick one more tiiime...
Qu'est-ce qu'un gimmick dans une série télévisée ? C'est le code Harry pour Dexter et son procédé d'assassinat. C'est aussi le handicape de John Locke, le snobisme de Bree Hodges (ou Van de kamp), le pouvoir des heroes ou encore le « i am not a number » du numéro 6. Le gimmick, c'est ce qui rappelle au téléspectateur inconsciemment qu'il connait ce personnage et que tel événement tient sa place dans telle intrigue. Le pilote posant les bases, il impose à l'esprit du téléspectateur les gimmicks qui permettront de développer d'autres arcs narratifs à partir de l'intrigue principale du premier épisode dans le cas d'une série télévisée comme Dr House, ou dans le cas d'un feuilleton, de placer des repères dans les épisodes suivants pour que le public se sente guidé.
Ainsi, le gimmick n'est pas propre à la série télévisée car le cinéma en use également, mais il lui est indissociable. Cela nous amène à l'observation suivante : le propre de la série télévisée, c'est la redondance et la répétition. Dans toute bonne série, chaque épisode répète inlassablement au moins un repère par le biais du dialogue ou de l'image. C'est le cas de plus belle la vie, de fais pas ci fais pas ça, d'un gars une fille ou encore de Joséphine ange gardien. En cela, les séries Française n'ont rien à envier aux séries américaines.
Argent ?
Sans rentrer dans le détail des budgets d'épisodes sachez que la dernière saison de plus belle la vie à couté 23 millions d'euros. C'est le plus gros budget annuel de la fiction française. A titre de comparaison, deux épisodes de la première saison de 24 coutaient 2,2millions d'euros. Si on fait le calcul, la première saison de 24 avec tous les artifices que l'on connait à la série et la présence d'une star du grand écran comme Kieffer Sutherland, cela revient à un budget annuel d'environ 26 millions de dollars. Certains épisodes de House, une des séries télévisées les plus regardé dans le monde, ont été tourné avec un simple appareil photo en huis clos dans l'hôpital.
On peut donc se poser la question : le succès dépend-il du budget alloué à l'épisode ?
Si c'était le cas, il suffirait de mettre 20 millions de dollars dans chaque épisodes d'une série pour en récolter 200. Nous savons tous que cela ne marche pas comme ça, et que bien d'autres facteurs entrent en ligne de compte. Mais pour nous en tenir exclusivement au budget, sachez que si celui des épisodes augmente au fil des saisons, c'est en grande partie parce que les acteurs ont plus de notoriété et donc exigent un plus gros salaire. Pour illustrer cela prenons la sitcom Friends. Lors des saison 5 et 6, le salaire des acteurs coutait 250 000 $ par épisodes. Ce chiffre augmente à 750 000$ pour les saisons 7 et 8, puis un million pour la saison 9 et enfin 1 250 000 $ pour la dernière saison. A chaque épisode de la dernière saison, 1,25 millions de dollars était dépensé dans le salaire des acteurs. Sans entrer dans des questions d'éthique par rapport à ces chiffres, ce salaire est mérité et justifie l'argent alloué à une série. Même si la série commence avec un petit budget, si le succès est au rendez-vous, celle-ci réinjecte une partie de ses bénéfices dans son capital d'investissement comme toute bonne entreprise.
En cinq ans, les acteurs de Friends sont passés de 250 000 $ à se partager, à plus de 200 000$ chacun par épisodes.
En conclusion, ce n'est pas l'argent qui fait le succès d'une série. Mais en ce cas, c'est quoi alors ? Nous continuerons d'apporter des éléments de réponses la semaine prochaine. En attendant, vous pouvez vous exprimer librement sur le sujet dans les commentaires.