Attention : ce bilan contient des spoilers sur l'ensemble de la saison 1 de The Haunting of Hill House.
Alors que je rangeais ma chambre, je reçus, tombé d’une armoire, un objet pesant sur la tête. Quelle ne fut pas ma stupéfaction lorsque je découvris ce que c’était. Il s’agissait d’une retranscription d’un débat que j’avais eu avec Koss sur The Haunting of Hill House, une série d’un autre temps puisqu’elle était sortie (accrochez-vous bien) en octobre 2018, soit une éternité à l’échelle des séries. Je me rappelle à l’époque que si Koss avait été séduit par la série, j’avais, pour ma part, crié à l’escroquerie. Jeunes et fougueux comme nous étions, nous avions enregistré ce débat sur une cassette VHS (eh ouais, c’est ainsi qu’on fonctionnait à l’époque, c’est un temps que les moins de six mois ne peuvent pas connaître). Tenant la cassette à pleine main, je me dis que peut-être cet enregistrement pourrait encore intéresser quelqu’un aujourd’hui. Ni une, ni deux, j’envoyai un fax à la direction de Série-All qui me répondit, tout de go : « Top moumoute, c’est ok, c’est bath, c’est in, on le publie, il y a un public d’anciens intéressés par cet échange vintage. » Histoire de voir si cela tenait encore la route, je pris la VHS et grâce à une location de magnétoscope via mon Minitel, je lançai l’enregistrement vidéo dont voici la retranscription.
C’est parti mon kiki !
Round 1 : Les personnages, coquilles vides ou véritables accroches émotionnelles ?
Koss : C’est trop souvent sous-estimé, mais l’important dans les films d’horreur, ce sont les personnages. Comment en effet ressentir une quelconque implication dans le récit si on n’est pas attaché à ceux qui l’incarnent ? Mike Flanagan, le showrunner de la série, l’a bien compris. On ouvre la série avec le personnage de Steve Crain, celui qui doute le plus de l’existence des fantômes. C’est la position du spectateur rationnel. Épisode après épisode, on va peu à peu basculer vers des personnages de plus en plus croyants, jusqu’à arriver au père qui ne remet pas en cause l’existence des fantômes. Cette progression dans le récit est renforcée par la finesse d’écriture des personnages. C’est pour moi vraiment la grosse force de de la série : l'attachement instantané que j'ai eu pour cette famille, traumatisée et meurtrie. Sans cette implication émotionnelle de ma part, je pense que la maison se serait effondrée dès le début.
Nick : La finesse d’écriture des personnages… Tu me fais rire… Autant je suis d’accord que lorsqu’ils sont enfants, les personnages sont touchants (surtout les jumeaux), autant adultes, ce sont de vraies têtes à claques, avec une mention spéciale à Shirley en mère de famille têtue jusqu’à l’exaspération (lorsqu’elle refuse de pardonner à son mari car il a osé demander de l’aide financière). Steve m’a tout autant fatigué avec son côté borné, à refuser de croire aux événements surnaturels malgré ses visions répétées. Pas mieux aussi du côté de Theodora en caricature de la fille froide, lesbienne prédatrice, ni de Luke et son air de chien battu jamais crédible en drogué de longue date, ou du papinou qui, pour les impératifs du scénario, garde le silence (et se met toute sa famille à dos) jusque dans les dernières minutes de la saison. Où est exactement la finesse d'écriture? Que Hugh parle à sa femme défunte ? Six Feet Under le faisait déjà il y a vingt ans…
Car oui, le mot important est : impératifs du scénario. Je reproche énormément à la série de jouer la montre. N’ayant pas grand-chose à révéler, elle ne fait que répéter le même schéma sur les deux tiers des épisodes : à savoir un centric sur un personnage où l’on alterne flashbacks dans la maison et attaques de fantômes, et scènes dans le présent où le personnage a des visions flippantes. Mais, jamais au grand jamais, ces membres de la même famille ne vont évoquer entre eux tous ces événements surnaturels. Non, cela ferait trop avancer l’intrigue. Ils préfèrent tous garder le silence et s’y enfermer, et The Haunting of Hill House de gagner une demi-saison en répétant la même chose. Alors qu'il y avait tant de choses à développer, telle cette chambre rouge ou les Dudley.
Koss : À se demander si tu as vraiment regardé la série… Les personnages évoquent constamment le trauma qu’a été la mort de leur mère. Tu parles de la chambre rouge. Il y a trois personnages qui savent ce qui s’est passé. D’abord, les deux enfants, qui lorsqu’ils en parlent (« J’ai bu du thé avec maman », dit Luke) ne sont pas écoutés/crus. En outre, on peut estimer qu’ils sont bien trop jeunes pour s’en rappeler par la suite. Il y a ensuite le père qui se mure dans son silence pour une double raison : le pacte qu’il a fait avec les Dudley et le fait qu’il a quelqu’un à qui se confier, sa femme, qu’il voit toujours. La série, par sa formidable réalisation, montre toujours ce personnage dans des plans avec un vide autour de lui.
La mise en scène de cette série est d’ailleurs le gros point fort de cette saison. C’est beau, partout et tout le temps. Faire peur avec du jump scare, c’est facile. Tout le monde le fait – et même le show malheureusement ne s’en prive pas. Installer la peur durablement, c’est beaucoup plus difficile. The Haunting of Hill House construit une ambiance faite de longs plans séquences particulièrement angoissants où les arrières plans laissent apparaître des fantômes cachés. Et tout le discours de la série se tient ici : tu peux choisir de les voir ou de les ignorer. Cela résume assez bien l'état d'esprit des personnages et l'enjeu au fond de la série : croire ou ne pas croire. Tu es, semble-t-il, dans la seconde catégorie mon cher Nick.
Round 2 : Le scénario, arnaque ou coup d’éclat ?
Nick : Je n’ose surtout pas croire que toi, Koss, le lanceur d’alerte qui a crié à la supercherie pour Dark, soit tombé dans le panneau d’une série qui, sous de beaux apparats, planque une histoire écrite avec les pieds. Il est vrai que la réalisation est classieuse et que la série arrive à créer de beaux moments de tension (même si, comme tu le dis, elle n'hésite pas à faire dans le jump scare), et le côté "Où est Charlie" pour chercher les fantômes est fun, mais l’ensemble ne tient pas la route.
Car un bon twist doit réussir si, et seulement si, l’histoire racontée reste cohérente une fois la grande révélation fournie. Or, ce n'est pas le cas ici. En occultant l’attaque de fantômes que semblait teaser la première scène de la série, The Haunting of Hill House a pris son public à contre-pied. Pourquoi pas... Sauf que cela ne tient pas. On a en effet du mal à expliquer la peur panique qui saisit Hugh. Certes, il a vu sa femme commettre un meurtre, mais c’est sa femme, avec qui il est marié et avec qui il a eu des enfants. On peut s'attendre à ce qu’il essaie de la raisonner plutôt que de prendre la fuite avec ses enfants, d'autant qu’il a montré qu’il est supérieur à elle en force physique lorsqu’il la plaque contre le mur dans l'épisode 9. Pour moi, la terreur qu'il éprouve n’est pas explicable, sauf en tant que fausse piste scénaristique.
Il en va bien évidemment de même pour Abigail qu’on nous fait passer pour l’amie revenante du jeune Luke, avant d’apprendre qu’elle est la fille des Dudley. Bon Dieu, on n'est pas dans une relation bourgeoise-domestique à la Chabrol ! Je trouve inconcevable, vu la complicité entre les deux couples, que les parents Crain ne connaissent pas le nom de l’enfant unique de leurs homme et femme de maison. Ce n’est pas non plus crédible qu’ils n’aient pas fait le lien entre l’amie imaginaire de Luke et la petite fille qui habite dans la dépendance au bout du jardin. Cela aurait été tellement plus logique, plutôt que refuser d’écouter leur fils et de le laisser développer des névroses. Tout comme la raison du mutisme de Hugh soit l’accord pour laisser les Dudley propriétaires de la maison. Mais une nouvelle fois, c’est du grand n’importe quoi. Je ne peux pas croire une seconde qu’un couple décide de protéger leur employeur qui vient d’empoisonner leur enfant unique, juste parce que le fantôme de la défunte vient de leur apparaître. Et non seulement, ils ne le dénoncent pas, mais en plus, en deviennent les complices en se débarrassant du corps. Sérieusement ? Et cela ne t’a pas choqué ? Tu n’as pas eu l‘impression que la série te prenait un peu pour un gogo ? The Haunting of House Hill a voulu jouer la maligne et a cru pouvoir retomber sur ses pieds après ses cabrioles improvisées, mais au final, la réception est foirée et c’est double entorse de la cheville.
Koss : Je vais répondre sur les trois points. D’abord sur la peur de Hugh envers sa femme, qui l’a presque tué en pleine nuit avec un couteau, deux jours avant. C’est vrai que je trouve cela complètement fou qu’il la fuit…
Ensuite sur Abigail : il ne faut pas oublier qu’elle a interdiction de venir dans la maison. Les parents parlent bien de leur fille, mais ne citent effectivement jamais son nom. On peut supposer que les Crain, préoccupés par leur maison et par la santé mentale globale de toute la famille, n’aient effectivement pas demandé quel était le nom de la fille. Mais à la limite, je veux bien reconnaître ce point avec toi, même si ça me semble vraiment trop faible pour dire que la série dans son ensemble est une arnaque.
Enfin, tu soulèves le point de la complicité entre les Dudley et Hugh. J’avoue n’y voir là aucun problème. Car si les Dudley dénoncent le meurtre, ils ne peuvent de fait plus être auprès de leur fille. La maison aurait été mise sous scellée, puis vendue. Comment alors expliquer aux nouveaux propriétaires que le fantôme de leur fille est là ? Impossible. Ils protègent Hugh et sa femme pour rester auprès d'Abigail. Cela me semble très clair.
Au final, la série est totalement cohérente avec ce qu’elle a raconté. Dans la forme et dans le fond, je trouve que le discours sur l'acceptation de la mort sonne très juste et permet de conclure la série de manière idéale.
Nick : Et moi je trouve que cette série est une arnaque, une de plus venant de Netflix. C'est très faignant : la série répète sans scrupule la même recette avec les mêmes effets afin de gagner de manière pas très honnête du temps pour arriver à ses dix heures de programme pour finalement nous laisser sur notre faim. Même si j’admets quelques bonnes idées éparses (l'explication de la Bent-Neck Lady). Mais de toute façon, ce débat est une perte de temps. Que pouvais-je attendre de toi, un mec qui considère Pacific Rim comme un chef-d'œuvre absolu ?
Koss : Quoi ? Tu recommences avec ça, espèce de petit.....
STOP. J'arrête la cassette, car je me souviens encore de ce qui suit. Insultes, noms d'oiseaux, « T'as du caca dans les yeux » et autres « Série-All devrait te bannir du site pour flagrant manque de goût ! ». Maintenant, ce débat me fait rire et je me demande qu'en penseraient les générations d'aujourd'hui. Le trouveraient-elles stérile ou encore d'actualité, quasi dix mois après sa sortie ? Rallieraient-elles ma cause ou seraient-elles aussi aveugles que Koss ? Allons-nous avoir la réponse dans les commentaires ? Quel temps fait-il dimanche ?