L'homme est une machine complexe
Dans un futur proche, les êtres humains peuvent s'acheter des personnages artificiels pour les aider dans les tâches du quotidien : les hubots, créature humanoïde docile et serviable. Seulement, si ces machines peuvent être loyales et même attachantes comme Odi, ils connaissent aussi des pannes et leur IA n'est pas conçue pour montrer des signes particuliers d'empathie. Surtout, les Hubots sont au centre d'un trafic au marché noir, pendant que certaines machines font le choix de quitter leur propriétaire.
Résumé de la critique
Un épisode intéressant que l'on peut détailler ainsi :
- une idée singulière et bien exploitée
- un esthétisme singulier pour une réflexion sur la nature humaine
- une intrigue qui peine à se mettre en place
- une série intrigante
Toute création n'est que le reflet d'un fantasme
Série suédoise apparue en Janvier, Akta Människor est une production singulière, un récit de science-fiction très contemporain où l'humanité se voit offrir la possibilité d'acheter des humanoïdes dévoués à leur service. Ménage, repassage, tâches quotidiennes, ces machines se chargent de tout, transformant l'humain en une créature maladroite et dépendante. Amies fidèles et serviables, elles sont le compagnon idéal et les quelques problèmes enregistrés sont avant tout le fruit d'une mauvaise utilisation de ces machines.
Tout le monde ne possède pas un hubot, la technologie est plutôt onéreuse, entraînant des vols et du trafic à des fins sexuelles ou perverses. Au service de l'homme, ces machines nous sont introduites par le biais d'Odi, le compagnon de Lennart, grand-père qui vit seul en sa compagnie. Pour le vieil homme, cette machine est largement plus qu'un simple robot, mais plutôt un compagnon idéal en qui il a une confiance totale, l'aidant à accomplir des tâches devenues trop difficiles pour lui.
Seulement, le robot défaille brutalement, causant une catastrophe mineure et obligeant le grand-père Engman à le rapporter dans un dépotoir pour androïdes où ces machines sont recyclées. La scène est particulièrement troublante car les auteurs jouent beaucoup sur le côté très réaliste de ces créations, à la fois expressives et passives. Le but de l'épisode va être de jouer sur ce trouble et de faire naître le doute concernant la servitude total de ces créatures qui envahissent notre univers du quotidien, offrant une main d'oeuvre efficace défiant toute concurrence.
Pour Roger, ces machines sont des compagnons de travail, remplaçant ses collègues humains par leur meilleure rentabilité et productivité. Seulement, de voir les hubots prendre la place d'êtres humains au travail et à la maison a fait naître chez lui une haine terrible qui s'exprime par un mépris permanent qu'il n'hésite pas à afficher. Affectueux, patient, serviable et discret, le hubot est le compagnon idéal, témoin silencieux des défaillances humaines, incarnant un idéal de perfection terrifiant, sentiment troublant appuyé par une esthétique froide et particulièrement soignée.
Bleu comme l'enfer
Si l'aspect social est peu abordé, c'est que les auteurs s'intéressent avant tout à notre relation avec ces créatures artificielles, entre méfiance et désir. Pour leur donner une apparence parfaitement lisse, les créateurs du show opte pour un mélange élégant de pastels et de couleurs vives, asexualisant totalement ces hubots au visage de poupée. L'épisode est sur ce point une vraie réussite, les machines offrant une expression suffisamment neutre pour pousser leur propriétaires à projeter leur fantasme sur eux, inexpressivité qui les rend facile à discerner.
Pendant qu'il remplace Odi, la famille Engman fait l'acquisition d'Anita, un exemplaire féminin conçu pour satisfaire les tâches ménagères, mais aussi d'autres pulsions beaucoup moins avouables. Avec délicatesse, les auteurs nous parlent de l'être humain comme un animal social et sa capacité à projeter sur ces machines ses propres fantasmes. Très vite, le spectateur ne peut s'empêcher de guetter dans les réactions de ces créatures le signe du chaos, de l'imprévisible, preuve universelle du vivant pour un show qui joue beaucoup sur le trouble de la perception.
Comme le prouvent les visuels disposés ci-dessus, le soin apporté à l'image et la description de la nature de ces hubots est la réussite de cet épisode. Univers froid où les sentiments contiennent une part d'illusion, le monde d'Akta Manniskor est particulièrement séduisant à mi-chemin entre Asimov et le film d'angoisse. Car si ces androïdes semblent totalement inoffensifs en apparence, la vérité va se révéler beaucoup plus complexe, offrant une intrigue nébuleuse qui va beaucoup peiner à s'installer, l'épisode privilégiant la description pour ce pilote à la narration.
EMETH
Difficile de raconter l'histoire de ce show tant les tenants et les aboutissements de l'intrigue sont encore assez flous, les auteurs essayant avant tout de se concentrer sur l'installation des personnages. Le plus réussi reste la storyline des Engman, en particulier le grand-père Lennart, personnage sympathique qui voit son ami Odi remplacé par un hubot féminin plus directif et avec elle s'installe une relation digne d'un vieux couple. L'idée est amusante et apporte un peu de légèreté à l'épisode, montrant comment un individu naturellement emphatique peut projeter une identité à ce qui n'est qu'un humanoïde.
Les vrais héros de cet épisode sont bien les hubots, leurs maîtres n'occupant qu'une place secondaire, montrant les différentes interactions entre les propriétaires et leurs créatures. Si Hans Engman voit en Anita un moyen de satisfaction matériel et physique, Leo considère le sien comme une créature vivante à part entière, parcourant la Suède à la recherche d'un modèle particulier. Cette intrigue très floue amène l'idée qu'une machine puisse être unique, indiquant que l'histoire va s'orienter vers une personnalisation de ces poupées et une exploration de la mécanique du vivant.
Aussitôt, le spectateur pense aux répliquants de la Tyrell Corporation, référence qui se retrouve dans le look des hubots qui évoque celui de Sean Young. Pour mieux s'appuyer sur la référence qu'est Blade Runner, les auteurs composent un groupe d'androïdes vivant en autonomie, aux intentions encore assez mystérieuses. Ne cherchant qu'à poser les personnages pour l'instant, les scénaristes y parviennent plutôt bien grâce à une construction judicieuse du récit, mais laisse le spectateur sur sa faim concernant l'intrigue, à peine esquissée.
Objet inanimé, avez-vous donc une âme qui s'attache à votre âme par la force d'aimer ?
Si le pari était risqué de concevoir une série où les hommes coexistent avec des humanoïdes, force est de constater que les auteurs s'en sortent parfaitement, le show profitant d'une mise en image superbe. On se prend vite au jeu de ces machines serviteurs de l'être humain, témoins de nos propres faiblesses, l'homme ayant une propension à asservir plus que de raison. Une série singulière et atypique qui mérite d'être découverte, malgré la barrière de la langue sachant que des sous-titres en français seront bientôt disponibles (Merci d'ailleurs aux traducteurs pour leur remarquable travail).
En conclusion, une série élégante dans la forme, développant une histoire singulière et intéressante superbement mis en image grâce à une remarquable utilisation des couleurs. Proposant une galerie de personnages plutôt convaincants, la série offre une réflexion intéressante sur la relation entre le vivant et la machine, même si l'intrigue peine clairement à s'installer. C'est indéniablement le point noir de cet épisode et un choix des scénaristes de privilégier l'exposition avant de développer de vrais enjeux.
J'aime :
- esthétiquement superbe
- les comédiens très convaincants
- la scène de la gifle, véritablement superbe
- un show original et assez immersif malgré un démarrage maladroit
Je n'aime pas :
- l'intrigue encore assez confuse
Note : 14 / 20
Une série suédoise originale et intéressante qui vaut le coup d'oeil, proposant un univers où l'homme profite de l'apport de la machine pour se débarrasser des tâches ingrates et satisfaire ces pulsions les moins glorieuses. Superbement réalisé, un très bon épisode d'exposition à qui il ne manque qu'une intrigue solide pour convaincre pleinement.