Créer un lien pour obtenir une confession impossible
Janet Leach continue de servir d'adulte référent pour Fred West qui mène la police jusqu'au corps des dix victimes qu'il a confessés. Refusant toujours d'impliquer son épouse et devant son mutisme, la police l'envoie et referme l'enquête tout en laissant Janet rentrer chez elle. Seulement la rencontre avec un journaliste du Daily Mirror va la pousser à tenter d'en apprendre plus et à garder le contact avec cet homme, le poussant à avouer une vingtaine de meurtres mettant en cause son frère et sa femme.
Résumé de la critique
Un épisode brillant et bouleversant que l'on peut détailler ainsi :
- la rencontre de deux acteurs brillants qui donne vie à une liaison impossible
- une mise en scène superbe qui sublime cette relation
- la peur de ne plus croire en l'être humain lors d'une scène de tribunal superbe
- une scène au tribunal superbe d'un réalisme cru
Deux êtres humains qui se rapprochent
Pour ceux qui n'ont pas vu la première partie et mon premier papier, Fred West est un monstre qui est condamné d'avoir mis à mort une dizaine de personnes et se voit attribuer un "adulte référent" pour pallier à son manque d'éducation. Manipulateur et entre désarroi et froideur, Fred West reste une énigme, porté par le jeu exceptionnel de Dominic West. Tiré d'une histoire vraie, Appropriate Adult poursuit l'étude de la rencontre entre deux individus que rien ne rapproche et qui vont connaître une relation très ambigüe, allant bien au-delà de la simple mission d'adulte référent.
Emily Watson est excellente et incarne cette femme peu expressive, mais qui parvient, par le biais d'une ressemblance avec l'une de ses victimes à devenir la source des confessions de ce monstre. Les dialogues sont superbes, le scénario se concentrant essentiellement sur l'étude de cette relation contre-nature entre une mère de famille introvertie et un tueur de sang-froid. La mise en scène minimaliste et puissante va créer une ambiance pesante, faisant monter la tension entre la justice et ces deux personnages qui se renforcent l'un l'autre, obéissant à une mécanique complexe.
Bien rythmé, l'intrigue est parfaitement rythmée, offrant un épisode captivant, dernier jour d'un monstre qui résiste à avouer une vérité qui met en cause toute sa famille. D'un désarroi touchant, les acteurs sont sublimés par une photographie magnifique (voir ci-dessus) et une réalisation intelligente qui sait mettre en valeur la performance des comédiens.
Une mise en scène minimaliste et subtile
Metteur en scène talentueux, Julian Jarrold nous offre un épisode brillant et remarquable, abandonnant les lourdeurs du premier acte pour une mise en scène fluide et maîtrisé. Les dialogues sont ponctués de cadrage parfaitement bien pensé, appuyant entre autre l'attitude agressive de la police envers Janet. Suivant les acteurs au plus près, il nous permet d'entrer dans la pièce, confident secret et témoin privilégié d'une relation sous le sceau du secret dont la conclusion ne peut être que tragique.
En adulte référent consciencieux, Miss Lynch se bat pour obtenir les aveux de celui que tous désignent comme un monstre et qu'elle semble être la seule à pouvoir comprendre. Marquant enfin sa différence dans une vie jusqu'ici banale, la jeune femme prend confiance, tentant d'accroitre son influence sur cet homme qui n'accepte de parler qu'avec elle. Devenu unique, elle devient dépendante de cette relation, du fait de se sentir exceptionnelle pendant que sa famille parvient à survivre sans elle, la rabaissant dans un quotidien beaucoup moins intense que ces minutes passées avec Fred West.
Bien plus qu'une romance contre-nature, cette relation est avant tout l'histoire d'un homme qui incarne une certaine séduction, sachant faire d'une femme comme une autre un être unique et remarquable.
La fine limite entre le doute et la confiance
Personnage ambigu, Fred West est perpétuellement entre l'aveu et la manipulation, tirant profit de cette femme tout en offrant quelques instants de sincérité poignant. Obligé de se faire sa propre opinion, le spectateur tente de chercher la vérité dans la performance de Dominic West, lequel parvient justement à nous troubler concernant son niveau de sincérité. Optant pour un réalisme total, le regard du réalisateur nous oriente dans aucune direction précise, témoignant avec la plus grande objectivité d'évènements qui se sont réellement produits.
A la fois attachant et monstrueux, Fred West perd enfin son masque lors d'une scène remarquable au tribunal, laissant apparaître devant son épouse le visage d'un bourreau malgré lui, soumis à une femme manipulatrice. C'est d'ailleurs sur ce point que la série se montre assez frustrante, cette épouse restant dans un silence total certes regrettable, mais qui s'inscrit dans un soucis de réalisme que s'impose les auteurs. La disparition de Fred West va alors orienter la justice vers la seule confidente dont il dispose, offrant à cette mini-série une scène au tribunal magistrale, allant au-delà des clichés pour toucher à la définition de la culpabilité.
Une scène du tribunal magnifique
Le mystère de la famille West ne pouvant être levé sans abandonner le soucis d'un totale objectivité, les auteurs de Appropriate Adult se penchent donc sur celui de Janet lors d'une séquence magnifique au tribunal. D'une précision stupéfiante, cette scène puissante nous place directement dans la chaise de l'accusé par le biais de cadrages très précis et asphyxiant. Cette séquence, absolument magistrale, utilise le temps parfaitement pour nous permettre de mettre à jour la nature exacte de la relation entre ces deux personnages.
En conclusion, un second épisode superbe qui balaye les fautes du précédent et nous offre une oeuvre poignante, tenue par deux acteurs formidables dans une tension à couper au couteau. La mise en scène et la musique captivante, appuyé par une photographie remarquable donne un épisode totalement crédible et passionnant, délaissant le fais-divers scabreux au profit d'un récit humain et poignant. En tout cas, une superbe réussite, jusqu'à une scène du tribunal d'une précision remarquable qui apporte une conclusion parfaite à cette histoire étonnante.
J'aime :
- les comédiens incroyables
- la mise en scène d'un réalisme Rosselinien
- la photographie vraiment superbe
- le scénario qui prend son temps avec une qualité de dialogue étonnante
- une histoire passionnante sur la culpabilité et le mensonge
Je n'aime pas :
- rien
Note : 17 / 20
Superbe et dans sa conclusion au tribunal, assez magistral, voilà les deux mots qui viennent à l'esprit à la conclusion de cette mini-série glaçante, porté par un duo de comédiens extraordinaires. De la grande télévision, tout simplement, digne et jamais voyeuriste, malgré le sujet hautement polémique.