Critique : Black Mirror 3.01

Le 05 janvier 2015 à 13:12  |  ~ 9 minutes de lecture
Pour son épisode spécial Noël, Black Mirror nous conte trois histoires effrayantes sur les rapports dérangeants entre l'homme et la technologie. Une claque monumentale !
Par arnoglas

Critique : Black Mirror 3.01

~ 9 minutes de lecture
Pour son épisode spécial Noël, Black Mirror nous conte trois histoires effrayantes sur les rapports dérangeants entre l'homme et la technologie. Une claque monumentale !
Par arnoglas

Black Mirror est une série avant-gardiste, révélant la dépendance de l'individu moderne face aux nouveaux gadgets connectés censés lui faciliter la vie et autres applications qui se multiplient avec le temps et dont il bénéficie via les téléphones, les ordinateurs et tablettes. Chaque épisode de cette série fait froid dans le dos et offre une vision pessimiste de notre avenir. Qu'allons-nous faire de ces objets dans quelques années ? Vers quelle logique nous conduisent-ils ? La réponse n'est pas positive : l'être humain est devenu esclave d'une technologie qu'il a lui-même crée pour simplifier ou divertir son quotidien, quitte à perdre toute notion de bon sens. White Christmas ne déroge pas à la règle et conserve l'aspect sombre et inquiétant, mais Black Mirror n'oublie pas son humour caustique et sa grandiloquence habituelle.

 

 

I wish it would be Christmas everyday

 

 

Noël dans Black Mirror, c'est passer les fêtes de fin d'année avec un collègue de travail, séparé de sa famille et faire connaissance autour d'une table en se remémorant des souvenirs qu'on aurait préféré oublier et certains actes dont nous ne sommes pas fiers. C'est ce qui arrive à Joe et Matt, deux hommes enfermés dans une petite cabane perdue, assaillie par la neige qui les empêche de sortir. En ce jour de Noël, les héros, apparemment collègues de travail, en profitent pour échanger quelques mots et apprendre à mieux se connaître, alors qu'ils ne s'étaient pratiquement jamais adresser la parole. Malgré leurs personnalités divergentes, chacun se montre complémentaire de l'autre.

Tout d'abord, nous avons Joe (Rafe Spall), très en retrait, mutique, enfermé dans un silence qui le pose dans une situation de faiblesse face à Matt (incarné par Jon Hamm), personnage extravagant, volubile, prêt à tout pour engager la conversation et sortir son camarade de sa timidité. Chacun a un parcours différent et a connu bien des difficultés au cours de son existence. L'occasion rêvée pour Matt de raconter son histoire et les raisons pour lesquelles il s'est retrouvé ici pour mettre Joe en confiance. Sauf que nous sommes dans Black Mirror et les contes ne sont pas toujours pour les enfants et n'ont pas forcément de fins heureuses.

 

Rafe Spall

 

Matt explique ainsi avoir été un spécialiste des rencontres amoureuses. Grâce à un implant au niveau des yeux intitulé "Z-Eyes", il est en mesure de guider certains hommes en détresse lors de rendez-vous, afin qu'ils puissent survivre au moyen de ses directives données en temps réel. Pour autant, Joe n'est pas impressionné, Matt décide donc de lui décrire en quoi consistait vraiment son métier. Un dispositif appelé "Cookie" a vu le jour et permettait de recevoir une copie complète de l'esprit. Matt était un représentant de ce produit et avait pour tâche d'en faire un outil fiable afin d'exercer des tâches avec la conscience de la personne dont la copie est issue, ce qui passe par l'usage de la torture et de la contrainte. Joe se dévoile enfin à Matt et se révèle être un homme amoureux qui va connaître un triste séparation dont il ne s'en remettra pas.

 

 

Un univers impitoyable

 

 

Black Mirror aime jouer avec le contexte, l'unité de temps et de lieu. Le spectateur ne sait pas tout à fait à quelle époque il est confronté. Proche pour son aspect contemporain et familier mais assez lointaine pour sa technologie extrêmement avancée (Google Glass, Z-Eyes, Cookie, Occulus Rift) et ses accents futuristes. La photographie, l'esthétique et les murs blancs aussi vides que les sentiments des êtres humains qui n'ont presque plus aucune notion du bien et du mal installent rapidement un sentiment de malaise et d'inquiètude. White Christmas décrit l'horreur de la technologie si elle tombait entre de mauvaises mains, comment les habitudes changeraient une fois mises à disposition et les conséquences qu'elles impliqueraient sur notre personnalité.

 

 

Jon Hamm

 

 

Si la première partie n'exploite pas ce filon et se contente de décrire Matt en tant qu'expert en séduction (bien que le segment soit parfaitement réalisé et écrit avec brio), les deux suivantes montrent avec justesse en quoi ces inventions pourraient conduire l'être humain à la folie. L'utilisation d'un "Cookie" par une jeune femme (Oona Chaplin, Game of Thrones) se résume à l'extraction d'une partie de sa conscience pour en faire un esclave réduit à effectuer des tâches répétitives. La copie de l'esprit est enfermée dans un appareil - ici un service de domotique - et condamnée aux mêmes actions, vivant aux dépens de la volonté de la personne dont elle est extraite. Matt était donc chargé de briser la résistance de la copie à travers la torture mentale, jusqu'à ce qu'elle accepte de se soumettre à une vie de servitude. Le deuxième acte est ainsi une représentation typique de l'impact des technologies sur l'individu et le changement de comportement qui en découle, le sadisme et la cruauté de l'homme étant à son paroxysme.

L'application "Block", évoqué dans le premier arc et au centre du dernier, permet désormais de couper tout contact avec un individu, ne plus le voir ni lui parler et inversement. La personne bloquée ne peut plus communiquer avec vous et est représentée sous la forme d'une silhouette blanche, tel un revenant appartenant au passé et qu'on ne veut plus rencontrer. C'est précisément ce qui arriva à Joe et le conduira dans une spirale infernale en quête de vérité et de révélations : pourquoi sa petite amie l'a-t-elle bloqué ? Joe n'accepte pas que la femme qu'il aime a choisi de fuir et se lance à sa recherche. Lorsqu'une personne nous tourne le dos du jour au lendemain, jusqu'où est-on prêt à aller pour découvrir la vérité ? La disparition d'un être cher de notre quotidien nous pousse souvent à connaître les raisons de son départ, mais toutes les vérités sont-elles bonnes à dire ? Le dernier acte touche autant qu'il angoisse par sa chute finale, plongeant les personnages dans un désespoir absolu.

 

 

Seuls au monde

 

 

Bien entendu, tout en restant dans la lignée des épisodes précédents, White Christmas ne se résume pas à une critique du progrès technique mais reflète plutôt les peurs de l'homme devant ces appareils et prototypes qui le dépassent et deviennent de plus en plus présents dans sa vie. Qu'en sera-t-il dans un futur pas aussi lointain qu'il n'y paraît ? Ces créations censées lui permettre de rester connecté avec le monde entier et son entourage ne sont-elles pas la preuve de sa solitude et de son isolement ? Le thème de la solitude est le plus évoqué dans cet épisode spécial Noël et ce dès l'introduction avec deux hommes barricadés dans cette maison bloquée par la neige, coupés de tout contact extérieur, engageant la conversation pour combler le silence qui y règne en cette période festive.

 

Oona Chaplin

 

 

Le premier récit traite d'un célibataire à la recherche du grand amour qui pourrait le sortir de sa timidité et de sa solitude, en ayant recours à un collectif observant ses moindres faits et gestes et le guidant sur les paroles et les actes adaptés à une situation donnée afin de séduire une femme. La conscience enfermée dans un "Cookie" - un espace blanc avec une tablette qui lui permet de contrôler toutes les fonctionnalités de la maison - est contrainte de veiller constamment au bien-être de la personne, sans contact avec autrui. La contrainte utilisée par Matt avait pour but de lui faire changer sa perception du temps - ainsi en l'espace de trente secondes, six mois vont s'écouler à l'intérieur du "Cookie" - et la copie souffre d'ennui et de solitude tant qu'elle ne se sera pas soumise à une vie de servitude infinie.

Le pauvre Joe est marqué par le départ de sa bien-aimée, qui ne supporte plus de vivre avec un secret qu'elle a du mal à garder et dont elle craint l'impact sur l'homme qui partage sa vie. Plutôt que d'affronter la vérité et les conséquences de ses actes, elle choisit de partir sans explication, abandonnant Joe qui ne supporte pas d'être sans elle et de ne plus voir son visage. La conclusion de l'arc qui lui est consacré est d'autant plus tragique qu'elle montre un homme détruit par des mois de séparation, anéanti par la découverte de la vérité et qui se matérialise par la commission de l'irréparable. En guise de clôture, White Christmas condamne ses héros à une vie de solitude infinie, chacun ayant une dette pour leurs crimes. L'un est conduit à l'exil, l'autre doit revivre continuellement le même jour, celui où sa vie s'est transformé en cauchemar. 

 

White Christmas est une véritable claque, un grand moment de drame et d'horreur face à un monde qui pourrait être le nôtre, une oeuvre cruelle et inquiétante sur les dérives de notre quotidien. Black Mirror a réussi son coup et prouve à nouveau qu'elle est une série au-delà de la perfection.


J'ai aimé:

  •  La distribution et le talent des acteurs
  •  La réalisation bluffante 
  •  Un épisode très bien écrit
  •  Un final bluffant et choquant

 

J'ai moins aimé:

  •  Un premier arc moins accrocheur que les suivants
  •  Certaines situations invraisemblables

 

Ma note: 18/20

L'auteur

Commentaires

Avatar Galax
Galax
Belle critique, et j'aime beaucoup la vision de ces histoires comme des "contes de Noël morbides" ^^ Personnellement c'est le deuxième arc qui m'a un peu moins plu, vu qu'il est assez déconnecté des deux autres (qui présentent au moins quelques liens) et m'a semblé plus court et moins exploité. Enfin ça reste un épisode génial.

Avatar arnoglas
arnoglas
Avis modéré par la rédaction de Série-All.

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