L'histoire de Community est complexe, et vous qui lisez ce papier, vous la connaissez sans doute : Dan Harmon viré puis ré-intégré, Chevy Chase puis Donald Glover quittant le show et enfin la série elle-même annulée... Avant d'être reprise par Yahoo. Faite de pleins et de déliés, cette histoire à rebondissement est intimement liée aux storylines et thèmes abordés par le show. Avec du recul, j'ai même du mal à concevoir ce qu'aurait pu être la série sans ces tracas perpétuels. Assurément différente et sans doute de moins bonne qualité.
Cette année encore, Community se retrouve dans une position délicate puisque trois des acteurs de la saison passée ont quitté le show.
- Jonathan Banks, parti reprendre avec succès le rôle qui l'a fait connaître du grand public dans Better Call Saul.
- John Oliver, parti animer sur HBO l'excellent Last Week Tonight.
- Et Yvette Nicole Brown, partie jouer dans The Odd Couple, puis s'occuper de son père malade.
On peut ajouter à cette liste Bree Larson (qui joue la copine de Abed) qui ne devrait pas être là cette saison (sauf surprise). Décidément, Community est un bel accélérateur de carrière (même Fat Neil est dans CSI: Cyber). Résultat, il ne reste plus du casting d'origine qu'Abed, Annie, Britta et Jeff. Auxquels s'ajoutent Chang et le Dean.
Dans un des derniers épisodes de son podcast hebdomadaire Harmontown, Dan Harmon, qui discute avec Dino Stamatopoulos (Starburns dans la série), admet à demi-mot qu'il fait cette sixième saison pour les fans : « You're not doing it for yourself. Just admit it » lui dit Dino. Harmon ajoute qu'il a rarement autant galéré à écrire une saison puisqu'il doit composer avec deux ajouts de personnages et trois départs. Bref, il se posait lors de l'écriture les mêmes questions que les fans lors de ces annonces.
À cela, s'ajoute une donnée plus psychologique. Toute la carrière de Dan Harmon s'est construite dans le conflit. Contre Sarah Silverman dans le « Sarah Silverman Programm » (dont il fut viré), contre NBC et Sony lors des trois premières saisons de Community, et surtout contre lui-même. Si la troisième saison de la série est la plus sombre (et à mes yeux la plus intéressante), c'est précisément parce qu'à cette époque Harmon était au plus mal (dépression et alcoolisme). Aujourd'hui, il va mieux : il s'est marié, est heureux (de son propre aveu) et Yahoo lui a laissé carte blanche sur sa série. Toujours dans ce même épisode d'Harmontown, Dan Harmon explique que cela lui a posé énormément de problèmes de ne plus devoir se battre constamment contre quelque chose ou quelqu'un.
Tout cela entraînait énormément de doutes de ma part sur la qualité de cette sixième (et dernière ?) saison de Community. Après deux épisodes, ai-je une réponse ? Non, absolument pas.
Épisode 1 : Ladders
Comme l'an dernier (et l'année d'avant aussi et l'année d'avant d'avant un peu), ce season premier aborde la question du changement. Parce que oui, chaque année depuis la saison 2, il s'est passé quelque chose. En saison 3, c'était le crainte de voir le show disparaître. En saison 4, c'était le changement de showrunner, en 5, le retour d'Harmon et cette saison, le passage sur Yahoo.
Ladders va donc introduire un nouveau personnage, Francesca Dart, qui veut améliorer Greendale. Bien sûr, Britta, Annie et Jeff (tous pour des raisons différentes) craignent que « leur » community college change. Le discours méta est donc parfaitement clair. Sauf qu'Harmon introduit une nouvelle donnée, inédite pour le show : cette fois, c'est Abed qui est le plus normal. C'est la suite logique de ce qu'il se tramait depuis le début de la série. À force d’excentricité, le monde de Community a fini par se mettre au même niveau qu'Abed et désormais ce sont les autres personnages qui s'adressent directement à la caméra (Jeff et Léonard dans cet épisode).
Frankie est la dernière facette de Dan Harmon. J'ai déjà expliqué dans un autre papier que bon nombre des personnages de Community (Abed, Jeff et Pierce notamment) représentaient une partie de la personnalité de ce showrunner. La nouvelle venue, qui cherche à tout contrôler, c'est Dan Harmon qui a réussi dans la vraie vie (là où Jeff est Dan Harmon tel qu'il se rêve). Ce personnage de control-freak, c'est Harmon qui tente de remettre la série sur pied alors qu'elle est attaquée, d'une part par son propre désir de faire plaisir aux fans en faisant des parodies et d'autre part, par la peur de dénaturer le show (« Good show can change... Sometimes » dit Francesca à Abed) en allant sur Internet où montrer des jeunes qui se bourrent la gueule ne pose aucun problème.
J'ai toujours souhaité que la série n'aille pas au-delà du but qu'Harmon s'est lui-même fixé en se moquant de la série The Cape (« Six Season And Movie »). Introduire dès ce season premier, un début de « normalisation » pour Abed, Community s'ouvre ainsi une porte de sortie pour sa fin. Sachant qu'Abed n'a absolument plus rien à faire au sein de l'école (tout comme Chang), je suis assez séduit par ce dernier développement apporté à ce personnage. Comme une perspective de fin au show lui-même.
Épisode 2 - Lawnmower Maintenance and Postnatal Care
Alors que j'étais enthousiasmé par le retour en grande forme de Community, ce second épisode m'a fait l'effet d'une douche froide. Avec du recul, je n'en comprends toujours pas l'intérêt, ni le but. Il donne lieu à une double storyline : d'un côté, Dean acquiert des mains d'Elroy Patashni une machine virtuelle et de l'autre, on découvre les parents de Britta. La première storyline est assez consternante. Le Dean fait n'importe quoi avec la machine... Et c'est tout. Ça aurait été à la limite un peu efficace en réplique d'une ligne (doublée d'une référence à Lawmower Man aka « La Créature » en français), mais là, c'est étiré sur 25 minutes. Il n'y a pas d'autres références, pas de discours méta. Il n'y a rien. Juste le Dean faisant des grimaces. C'est d'autant surprenant que l'épisode est réalisé par Jim Rash, Oscar du meilleur scénario pour The Descendants et auteur du seul bon épisode de la saison 4 (Basic Human Anatomy).
L'autre storyline ne fait pas rire non plus, mais elle est plus intéressante. Elle apporte en effet un approfondissement intéressant sur le personnage de Britta. La blonde était la dernière du casting à ne pas avoir été creusée. C'est désormais chose faite et ça permet de mieux comprendre Britta (« Tu es restée une fille de 17 ans », lui dit Frankie). Mais franchement à part ça, le running gag de la main de Chang et les Gremlins, il n'y avait rien à sauver de cet épisode très bizarre.
Au final, je trouve que ce duo d'épisodes représente très bien ce qu'est Community depuis le début : une série extrêmement inégale. Comme une montagne russe, on peut très bien passer d'un Regional Holiday Music à un Urban Matrimony and the Sandwich Arts. Et c'est cet effet « boîte de chocolat » qui donne tout son charme au show. Alors, est-ce que la saison 6 sera à la hauteur ? Je n'en sais foutre rien et franchement maintenant je m'en fous. Je ne demande plus qu'à être surpris. Bring it on Harmon !
J'ai aimé :
- L'introduction absolument parfaite du personnage de Francesca interprétée par Paget Brewster.
- Chang, très bon dans les deux épisodes.
- Le fait que les épisodes durent maintenant 25 minutes.
- Les deux caméo (surtout le second) du premier épisode.
- La référence géniale à Twin Peaks.
- Le fait que les paroles du générique se réalisent de plus en plus : « I can't count the reasons I should stay One by one they all just fade away »
J'ai pas aimé :
- L'introduction absolument ratée du personnage d'Elroy, interprétée par Keith David
- La référence tarabiscotée à Die Hard.
- La quasi absence de rire du second épisode.
Je n'ai toujours pas compris :
- La mine furieuse de Fat Neil et le regard caméra de Léonard à la fin du premier épisode.
- L'intérêt de la storyline de la machine virtuelle du 2nd épisode.
Ma note au premier épisode : 16-17/20.
Ma note au second épisode : 10/20.