Critique : Madam Secretary 1.01

Le 14 octobre 2014 à 14:28  |  ~ 10 minutes de lecture
La meilleure nouveauté de la rentrée ou gros pétard mouillée ?
Par Hopper

Critique : Madam Secretary 1.01

~ 10 minutes de lecture
La meilleure nouveauté de la rentrée ou gros pétard mouillée ?
Par Hopper

Pitch : Lorsque le Secrétaire d'État américain meurt dans un mystérieux accident d'avion, le Président des États-Unis Conrad Dalton désigne Elizabeth Faulkner McGill, une amie de longue date, comme sa remplaçante. Chargée de la diplomatie internationale, cette femme brillante qui a fait carrière dans la CIA doit désormais jongler avec la bureaucratie, le staff mis en place par son prédécesseur, qui ne lui est pas toujours favorable, la presse carnassière, les dîners officiels superficiels et sa vie de famille, quelque peu perturbés par ses nouvelles fonctions...

 

Ces dernières années, les séries politiques envahissent le petit écran. Tragiques (Boss), humoristiques (VeepAlpha House), paranoïaques (Homeland) ou idéalistes (BorgenThe West Wing), elles dissèquent les rouages du pouvoir dans un milieu jugé opaque. Alliances, crises, manipulation, scandales et coup bas : le public en redemande. Par exemple, chaque épisode de Scandal attire en moyenne 9 millions de téléspectateurs. Il n’est pas alors surprenant de voir la chaîne CBS se lancer à l’assaut du genre politique. Après le succès (autant critique que public) de The Good Wife, place à Madam Secretary. Que nous réserve cet épisode pilote ?

P.-S. Votre serviteur ressort d’une cure intensive de The Sopranos. Le second visionnage de ce mythe télévisuel ou de ce gros concentré de génie, au choix, ne le rend que plus blasé.

 

I – De l’exposition, bien sûr, et du potentiel

 

Un point fort de Madame Secretary est son habilité à présenter son beau petit monde sans trop de fioritures. D’emblée, lespersonnages sont introduits : en moins de 45 secondes apparaît Elizabeth McCord, le personnage principal. L’actrice Téa Leoni, de retour à la télévision près de vingt ans après Une fille à scandales, campe une mère de famille et professeur d'université appréciée de ses élèves. L’héroïne mène une vie tranquille avec son conjoint, Henry, enseignant lui aussi, joué par Timothy Daly. Au passage, Tim, la soixantaine, fait la moitié de son âge à l’écran : mésestimé par Hollywood, il semble aujourd’hui condamné à enchaîner des rôles anecdotiques. Pourtant, son interprétation dans The Sopranos d’un scénariste désabusé, qui se retrouve sous les griffes de la mafia, atteignait un sommet de pathétique et de tragique. En tout cas, pour l’instant, le personnage d’Henry manque cruellement de nuance tant son registre de « mari aimant » est rabâché.

 

 

Tea Leoni et Timothy Daly en couple heureux.

 

 

Les relations entre les protagonistes sont également esquissées, mais ils le sont de manière sommaire. Notre chère Elizabeth McCord est une ancienne espionne, rangée des opérations, ce qui explique que les scénaristes mettent à profit son réseau de connaissances : entre le Président des États-Unis qui la nomme au poste de Secrétaire d’État et un ancien collège russe qui lui sert d’intermédiaire, les vieilles connaissances se bousculent. Le risque serait d’user de cette ficelle voire d’en abuser. Mais, le plus dérangeant demeure le didactisme duquel Barbara Hall asperge son écriture. Les dialogues en sont la parfaite illustration :« Elizabeth : Ils me détestent tous tant que ça ? / Assistant : Non, ça dépend des gens. / Elizabeth : Pourquoi ne me détestez-vous pas ? / Assistant : Parce que vous m’avez embauché et que vous êtes géniale ! ».

Les plus attentifs remarqueront avec un peu de recul que la mission de CBS est clairement de plaire, et ce, en misant sur un fortfacteur sympathie. Rien que le casting confirme l’intention : Téa Leoni a une tête à se laisser chouchouter, tout comme le grand Tim et le populaire Keith Carradine pour mesdames. En renfort des belles gueules, viennent les têtes à claques, les seconds couteaux sur lequel les fans se plairont à déverser leur haine. Nadine Tolliver (Bebe Neuwirth) dont les cheveux bouclés, le teint livide et l'air acariâtre la font passer pour une sorcière, s’annonce d’avance comme une rivale de l’héroïne. La chef de cabinet de la Maison-Blanche (Željko Ivanek) s’ajoute à la liste. Froid, vieux de la vieille, il voit d’un mauvais œil l’arrivée d’Elizabeth et ses décisions s’opposeront à celles de la recrue idéaliste. Même si un bras de fer se met en place au cours de l’épisode, il se conclut sur une réconciliation temporaire, car les méthodes alternatives d’Elizabeth, s’opposant aux siennes, ont fait leur preuve sur l’affaire du jour.

 

 

La rivale d'Elizabeth à droite.

 

 

Justement, trois intrigues se mettent en place : deux d’entre elles se concluent à la fin de l’épisode. L’une, principale, concerne deux jeunes frères pacifistes kidnappés en Syrie et condamnés (injustement) à mort. L’autre, plus triviale, traite de la visite du roi du Swaziland aux États-Unis, polygame de surcroît et assez peu soucieux des malheurs de son peuple, comme le lui rappellera Elizabeth non sans diplomatie mesurée. Enfin, la dernière, sans doute la plus importante de toutes, car elle est teintée d'un parfum de complots et de corruption à très large échelle, semble préparer un arc narratif. Et si la mort du prédécesseur d’Elizabeth n’était pas accidentelle ? Le cliffhanger putassier sur lequel nous abandonnent les auteurs va dans cette voie. Cet épisode pilote, au final, suggèreplusieurs pistes : conspiration à la Homeland (Barbara Hall est une ancienne de la série) ; un air de Aaron Sorkin (The West Wing) à chercher dans le décor, le fameux walk and talk et l’optimisme politique ; des moments en famille ou en couple (plus puritain, tu meurs !), et une étude (encore fragmentaire) sur le rapport entre politique et médias.

 

 

II – Mais un résultat sans génie

 

 

En pratique, l’épisode ne décolle jamais, faute d’un éparpillement dans les intrigues, d’autant plus qu’aucune ne brille par son originalité et sa consistance. D’un côté, l’affaire des deux frères faits prisonniers se résout d’un claquement de doigts. Il y a bien sûr une tentative maladroite consistant à suggérer l’instinct maternel d’Elizabeth. Celle-ci étant amenée à rencontrer les parents des otages, le parallèle entre leur situation familiale et la sienne est mis en avant. Mais, au final, l’intrigue à l’honneur de l’épisode aurait pu être remplacée par toute autre. Et là se situe le risque d’une structure de type procédurale. Il est certain que Barbara Hall et ses acolytes saupoudreront le potage avec une composante feuilletonnante à l’image de The Good Wife. Reste à savoir s’ils les mêleront avec autant d’habilité. Cependant, on est en droit d’attendre des affaires mieux ficelées et plus solides.

Ce qui dessert le plus les intrigues n’est pas tellement leur thématique ou leur contenu, mais leur traitement faible en terme d’enjeux. Lorsque la thématique de kidnapping est traitée, le spectateur s’imagine une situation d’urgence où les intervenants sont soumis à une forte pression et à un haut niveau de tension. Suspens ? Que nenni ! La seule fois où un soupçon d’urgence est esquissé est quand l’héroïne apprend que les parents des otages ont accordé un entretien au New York Times sur l’affaire, censée rester secrète. Un traitement plus dramatique aurait donc été le bienvenu : le summum de l’intensité est représenté, à titre d’exemple, par le cruel « Ozymandias » (Breaking Bad) et le renversant « Stasis » (Boss). Dans ce dernier épisode, Farhad Safinia n’épargne rien à son personnage sur le plan psychologique, si bien que celui-ci, trahi et soumis à une triple contrainte (ses adversaires politiques, les médias, l’opinion publique), sort son dernier joker. Il faut que les protagonistes rencontrent des obstacles, montrent leur faiblesse, soient poussés dans leurs derniers retranchements. Le premier principe n’est pas respecté puisque tous les plans d’Elizabeth fonctionnent comme prévu.

 

 

Elizabeth accueillant le roi du Swaziland.

 

 

Cependant, pourquoi être aussi exigent ? Après tout, c’est seulement le pilote et l’histoire demeure honnête quoique conventionnelle. Justement, en l’état, il est difficile de s’enthousiasmer tant la série ne se démarque pas de ses aînées. Malheureusement, ce n’est ni la réalisation, ni l'habillage sonore qui aideront à cette tâche. La scène de retrouvailles des parents et des jeunes hommes enlevés atteint le summum du ridicule avec la musique tonitruante. En outre, une vision d’auteur bien distincte manque pour élever l’ensemble ce qui est dérangeant vu le nombre de stéréotypes et de raccourcis empruntés, autant dans la représentation de la politique (peu nuancée) que le traitement des personnages. C’est le cas des adolescents : le fils d’Elizabeth est ainsi présenté comme un anarchiste et sa sœur, mutique, est en pleine crise d’adolescence. Enfin, omettons les grosses ficelles scénaristiques : le cliffhanger, les relations étendues d'Elizabeth...

 

 

 

Que retenir ? Les chiffres ne mentent pas. Madam Secretary réussit un des meilleurs démarrages de CBS de ces dernières années : 14,29 millions de téléspectateurs. Le public voue un engouement certain pour le monde politique. Le casting quatre étoiles semble aussi un critère déterminant dans ce succès. Reste à savoir si la série se maintiendra à cette hauteur la semaine prochaine. Où nous mènera l’arc portant sur la conspiration ? Quelle structure privilégiera la série ? En tout cas, Barbara Hall doit rapidement imposer un ton bien à elle et sortir des sentiers battus, si elle espère surprendre et plaire. Davantage de nuance et de théâtralité ne seraient pas un mal. Je suis nostalgique de l’époque Boss.

 

 

 

J’ai aimé :

 

  •  Entrée en matière efficace.
  •  Un casting sympathique (Téa Leoni, Timothy Daly).
  •  Le mélange des genres (politique, conspiration, médias, vie de famille).
  •  Optimisme politique (une vision politique à approfondir).

 

 

Je n’ai pas aimé :

 

  •  Didactisme.
  •  Trop de pistes.
  •  Scénario conventionnel.
  •  Certains personnages caricaturaux (les adolescents, etc.)
  •  Réalisation paresseuse.

 

Ma note : 11/20.

 

 

 

Madam Secretary qui se déchaîne.

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