– « Hé, Ras !
– Oh non, pas toi.
– Je t’ai manqué ?
– Pas vraiment, non.
– Ça c’est le bon esprit ! Bon, qu’est-ce que tu fais en ce moment à part saoûler les lecteurs de Série-All avec tes séries de super-héros ?
– Bon d’abord : t’es méchant. Ensuite, je viens de regarder Master of None, le tout premier projet d’Aziz Ansari.
– Tom Haverford de Parks and Rec ?
– Exact. Il est également acompagné d’Alan Wang.
– Et c’est quoi le problème ?
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
– J’apparais toujours lorsque t'es en dèche totale d'imagination pour écrire sur une série.
– Ah bon ? Me voilà rassuré. Moi qui pensais que j’étais cinglé.
– Baaaah…
– Ne finis pas ta phrase. Bref, oui c’est un peu la lose, la série est tellement particulière qu’il est difficile de la séparer en des parties cohérentes.
– Ah parce que ton écriture est cohérente ? Première nouvelle.
– Aouch ! Vas-y mollo sur les attaques personnelles.
– Bon, commençons par le commencement alors. C’est sur quelle chaîne ?
– C’est sur Netflix qui, techniquement, n’est pas une chaî…
– Ta gueule. Tout le monde s’en tamponne le coquillard. Avec une babouche. En acier trempé. Avec des rebords pointus.
– C’est normal c’est une… Non, oublie, je n’ai rien dit. Oui, c’est donc sur Netflix.
– Ça veut dire que ça va automatiquement être bien non ?
– Ah, tu vois, je déteste ce genre d’arguments à la con. Netflix a produit des séries de qualité mais je suis désolé, House of Cards c’est devenu n’importe quoi, Daredevil c’était vraiment pas terrible… Je ne supporte pas l’argument du « Oulala je mouille mes sous-vêtements, une série Netflix… Ouh je mouille ! Ouh je mouille ! »
– Ben dis donc ! Tu t’es levé du mauvais pied, ce matin. Dis-moi, elle parle de quoi la série ?
– Elle se centre sur Dev, interprété par Ansari. C’est un célibataire de 30 ans vivant à New-York et se posant des tas de questions, comme tous les gens de sa génération. Chaque épisode traite d’une particularité de la vie de tous les jours et le premier épisode – Plan B – porte sur le fait d’être célibataire et d’avoir tous ses amis qui ont progressivement des enfants.
– Sujet intéressant, maintenant faut voir s’il est bien traité.
– Bah écoute, Master of None est présentée comme une comédie – notamment à cause de son format – mais je pense que c’est plus que cela.
– T’as qu’à écrire sur ça alors. Enclenche ton processus créatif.
– Tu veux dire deux bières et de la procrastination ? Hé ! T’es toujours là ? Ami imaginaire ? Faudra que je lui trouve un nom un de ces quatre. Bon bah faut que je m’y mette alors. Merde. »
Comédie ou Dramédie ? Telle est la question.
Je n’ai regardé que le premier épisode de Master of None pour l’instant, donc je ne peux pas réellement répondre à la question de savoir si c’est une comédie ou plutôt une dramédie. Pour ce qui est de Plan B, le comique est présent – et l’on retrouve par moments l’Ansari de Parks and Rec – mais l’épisode veut faire bien plus que simplement faire rire.
C’est une véritable étude de cas sur ce que signifie être célibataire alors que tu as l’âge pour t’occuper de mômes, et de la pression sociale qui s’en ressent. Tout commence alors que Dev est occupé à faire l’amour à sa conquête d’un soir. La capote casse et les deux paniquent et vont faire des recherches sur le liquide séminal. Toute cette scène sonne incroyablement réelle, de la recherche sur Google au Uber pris pour aller chercher la pilule du lendemain, la fameuse Plan B.
Plus généralement, Dev va se voir confronté à l’exercice de la paternité et de la maternité. À travers les exemples de deux de ses amis, il va comprendre que tout n’est pas blanc ou noir lorsque l'on est parent, que ce n’est pas une honte de ne pas avoir d’enfants à son âge et que lorsque l’on décide d’en avoir, il faut prendre conscience de l’engagement que cela représente. Après seulement quelques heures à devoir garder les enfants d’une de ses amies, Dev est absolument rincé et ne veut qu’une chose : manger un sandwich que Tom lui-même n’aurait pas refusé, et boire une bière.
Le défaut de Plan B se trouve dans son manque de mordant. L'étude de cas ne se transforme pas en véritable commentaire de société, mais reste à la surface. C'est dommage de ne pas voir Ansari et Wang aller plus loin dans leur analyse de la pression sociale existante lorsque tu es un célibataire sans enfant. Cela ne gâche en aucun cas le visionnage de l'épisode, mais on a l'impression de se retrouver devant les Bisounours.
Un univers qui est propre à la série
L’humour est bien présent au sein de Plan B. Ce n’est pas le type d’humour ravageur où l’on se tape les cuisses et on finit par s’étouffer avec un misérable grain de riz. C’est subtil, quelques fois enfantin, souvent mignon et rarement pas drôle. Il règne une atmosphère de douceur sur l’épisode, qui aide à établir un univers propre à Aziz Ansari et Alan Wang.
Le style visuel bien particulier de Master of None se remarque rapidement dans Plan B. James Ponsoldt (Smashed) imprime sa patte graphique à l’épisode, qui ressemble vraiment à un film. Les deux séquences rêvées sont fabuleusement filmées et éditées – même pour un novice tel que moi-même – et tout l’épisode baigne dans un sentiment d’irréel… alors que le ton employé est résolument réel.
Aziz Ansari décortique avec humour et tendresse les aventures de Dev – toute la scène des toilettes est délicieusement gênante – tout en refusant de poser un point de vue définitif sur le fait d’avoir ou non des enfants. Il reflète juste le cheminement des pensées de son personnage et l’imagination de celui-ci, quelqu’un de normal, dans un monde en constant changement mais où la pression sociale est restée une constante. D’ailleurs, l’interprétation d’Aziz Ansari est bien plus nuancée que ce qu’il avait pu délivrer dans Parks and Rec – même si ce n’était évidemment pas le but du personnage de Tom – tout en restant très drôle.
Ce pilote pose bien l’univers de Master of None et réussit à faire rire. L’interprétation solide d’Ansari, le style visuel impeccable et le côté étude de cas convainquent facilement, même si l’humour se révèle davantage discret. Cela laisse une bonne impression et l’on a envie de bing-watcher les neuf épisodes restant.
J’ai aimé :
- La très belle photographie de cet épisode.
- Le côté étude de cas.
- L'humour.
- Le côté réel.
- Les deux scènes rêvées.
Je n’ai pas aimé :
- Un manque de mordant...
- ... qui donne l'impression que l'on regarde le monde des Bisounours.
Mises en garde :
- Du côté de l'humour, si l'on n'est pas réceptif, l'épisode passe difficilement. Attention aux prochains épisodes.
- Le côté trop gentil peut également lasser. La série a le potentiel pour être plus qu'une simple étude de cas – ce qui en soi est déjà beaucoup – et se transformer en véritable commentaire de société.
Ma note : 15/20.