Critique : Mildred Pierce 1.02

Le 05 avril 2011 à 12:25  |  ~ 4 minutes de lecture
Pour son deuxième acte, la mini-série HBO propose un petit bond dans le temps, avec une héroïne qui a appris à accepter sa condition. Toujours aussi réussi formellement, l'épisode va se montrer particulièrement bouleversant.
Par sephja

Critique : Mildred Pierce 1.02

~ 4 minutes de lecture
Pour son deuxième acte, la mini-série HBO propose un petit bond dans le temps, avec une héroïne qui a appris à accepter sa condition. Toujours aussi réussi formellement, l'épisode va se montrer particulièrement bouleversant.
Par sephja

Pitch renaissance

Après plusieurs mois de travail de serveuse, Mildred a enfin réussi à équilibrer son existence, trouvant dans son travail et sa famille un début d'épanouissement. Très vite, elle retrouve une ambition qu'elle croyait perdue et envisage d'ouvrir son propre restaurant. Aidée par son amant occasionnel Wally, elle va commencer à voir se réaliser son rêve.

 

Le mélodrame comme un art majeur

 

Après un premier chapitre légèrement trop lent et plutôt abrupt formellement, Mildred Pierce va jouer une musique plus douce, proposant un récit plus dynamique, porté par une Kate Winslet toujours absolument parfaite.

Après avoir longtemps lutté contre son nouveau statut social, Mildred va donc retrouver un début d'espoir, celui du rêve américain des Trente glorieuses, où l'ascenseur social n'était pas qu'un mythe. Emportée par l'enthousiasme de l'héroïne, l'histoire devient plus légère jusqu'à l'arrivée de Monty Beragon, jeune rentier légèrement arrogant, interprété par un Guy Pearce étonnant. 

Découvrant pour la première fois une passion qui lui était inconnue, Mildred se coupe un moment du reste du monde et se libère enfin de tout le poids des peines et des souffrances des derniers mois. Sans jamais chercher la facilité, le récit se montre tendre et pudique, esquivant avec talent les mièvreries et les longueurs typiques des mauvais mélodrames. 

Car le final de l'épisode est à la fois terrible, abominable, créant avec violence une rupture absolument bouleversante au sein d'un récit jusqu'alors innocent et léger. Irracontable, ce coup de théâtre détruit tout sur son passage et m'a plongé dans le désarroi le plus complet, tant l'oeuvre qui commence à se tisser sous mes yeux dépasse de loin toutes mes espérances. Le mélodrame est un art majeur quand il est fait avec autant d'intelligence et de talent, et rares sont les oeuvres aussi émouvantes et remarquables que ce second acte.

 

L'importance des scènes d'expositions 

La première évidence après cet épisode renversant est que rien n'aurait été possible sans toute la mise en place du premier acte. Car les scènes d'expositions, si lentes ou "ennuyeuses" soient-elles, permettent au réalisateur de donner à l'histoire toute son ampleur. Loin de jouer sur le conflit mère-fille du film de Michael Curtiz (1945, très bon mais peu respectueux du roman) Todd Haynes préfère proposer un récit qui se refuse à être prévisible, créant des difficultés pour mieux entraîner Mildred vers des choix judicieux, un espoir retrouvé et un amour naissant.

Les cadrages, loin de chercher la facilité, sont d'une inventivité et d'une finesse remarquables, la photographie sublime chaque paysage et aide parfaitement à l'immersion dans le récit. Tout le travail accompli au démarrage trouve enfin son aboutissement, jusqu'à un final absolument superbe, transcendé par une musique de Carter Burwell renversante. Peu d'oeuvres peuvent se vanter d'une telle cohérence entre la forme et le fond. Mildred Pierce est une oeuvre qui mérite que l'on fasse preuve de patience afin de pouvoir au mieux ressentir les joies et les peines de l'héroïne. 

Car il n'est pas question dans cette mini-série que d'un flot ininterrompu de sentiments d'une force remarquable, comme seuls les grands mélodrames peuvent nous faire partager.

 

Simplement splendide et immanquable

Après un premier acte qui m'avait certes convaincu mais dont l'austérité pouvait justifier de nombreux découragements, cette suite n'est qu'une immense récompense, un moment de plaisir incroyable pour les amateurs de vrais mélodrames (Je la comparerais à des films comme Quand passent les cigognes de Kalatozov). Dire que je suis emballé est bien trop faible, et je sens déjà que j'aurais le plus grand mal à attendre l'acte III qui, j'en suis sûr, saura atteindre le même niveau d'excellence. 

Il est juste regrettable de voir que la mini-série est un échec du point de vue des audiences, et je ne peux que conseiller de ne surtout pas passer à côté. En une heure, cette mini-série m'a totalement convaincu, et je suis fier des deux heures passées devant elle. 

"Grandiose est le talent quand il s'exprime avec la sagesse et la maîtrise d'un maître sûr de son art."

 

J'ai aimé :

  • la mise en scène grandiose
  • Kate Winslet exceptionnelle 
  • un final bouleversant 
  • un vrai mélodrame, digne des plus grands
  • une musique vraiment superbe

Je n'ai pas aimé :

  • avoir à attendre pour la suite

Note: 17/20

L'auteur

Commentaires

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Excellente critique, je suis d'accord avec toi sur toute la ligne. C'est vrai que le contraste entre la première et la deuxième partie de l'épisode est saisissant et prend complètement aux tripes. Un coup de théâtre comme j'en ai rarement vu.

Avatar alanparish
alanparish
Bonne critique où je suis d'accord avec toi. En revanche le classicisme du scénario m'empêche de m'emporter tel que toi (on va dire qu'une femme qui doit se débrouiller seul pour moi c'est du vu/revu et je suis plutôt hermétique au "charme" des années 30). Je vois parfaitement les qualités du show mais je sais pas il manque ce petit truc pour moi pour que ce soit exceptionnel. En tout cas deux points où je suis complétement d'accord avec toi : la série mérite d'être vue, on ne perd pas son temps c'est sur. Et surtout Kate est majestueuse, c'est l'une de mes actrices préférées et là il faut avouer qu'elle emporte tout sur son passage ! En revanche une chose me choque ce sont toutes ces incroyables concessions que fait l'ex mari de Mildred ! Il lui laisse tout ! Était ce vraiment comme cela à l'époque ? Sérieusement quand il lui laisse la voiture puis la maison comme ça j'étais un peu sur le cul !

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