Critique : Mildred Pierce 1.05

Le 13 janvier 2013 à 19:18  |  ~ 6 minutes de lecture
Dernier chapitre du mélodrame de Todd Haynes, qui va faire payer à Mildred ses nombreux péchés. Il clôt intelligemment un récit d'une qualité remarquable.
Par sephja

Critique : Mildred Pierce 1.05

~ 6 minutes de lecture
Dernier chapitre du mélodrame de Todd Haynes, qui va faire payer à Mildred ses nombreux péchés. Il clôt intelligemment un récit d'une qualité remarquable.
Par sephja

Pitch Mildred Pierce acte 5 

 

Désormais seule après le départ de Veda, Mildred va retrouver Monty Beragon et réanimer la flamme de leurs anciennes passions. Une fois leur mariage célébré, tout semble aller pour le mieux pour Mildred, mais la réapparition de Veda va entraîner de nouveaux bouleversements. Les masques vont tomber pour de bon, laissant la réalité éclater au grand jour.

(Cette critique contient quelques spoilers sur la série et sa conclusion. Faites attention)

 

Un final sous le signe de la vengeance

 


Après avoir exploré tous les différents aspects de cette histoire, ce final va infliger une ultime désillusion à Mildred en parvenant enfin à la faire craquer totalement. Aussi brutale que cela puisse paraître, cette histoire est conçue sur un péché originel, celui du divorce de Mildred et Burt, et la jeune femme tout comme Burt vont payer le prix de ce que Veda perçoit comme de l'égoïsme. Car la jeune femme, en se parant des apparences d'un ange, va se révéler être un démon des plus abominables, donnant lieu à une scène absolument remarquable où Mildred prend enfin conscience de la vraie nature de sa fille.

Moins impressionnant que les actes précédents, ce cinquième acte va intelligemment clore l'histoire, en scellant efficacement les destins des différents personnages. Chacun va révéler son vrai visage, déchirant le voile d'illusion qui empêchait Mildred de les découvrir tous sous leur véritable forme. Sur ce point, cet épisode va se montrer particulièrement brutal, dans le seul but de faire enfin craquer celle qui depuis le début résistait encore et toujours, se mentant à elle-même pour pouvoir maintenir les apparences.

Le rideau est tombé, le rêve américain n'est qu'un mythe où prospèrent les créatures les plus vicieuses et cyniques, terrassant ceux qui, comme Mildred, ont commis le péché de croire à une quelconque bonne étoile. Le retour à la réalité chassera heureusement les derniers démons, ne laissant à Mildred que ceux dont la fidélité est restée indiscutable. Il ne restera plus à Mildred qu'à finalement abandonner la partie, tout l'amour du monde ne pouvant pas changer la nature d'une personne comme Veda.

 

Un épisode très maitrisé, mais moins flamboyant

 

Pour clore en beauté cette dizaine d'années de lutte de son héroïne, Todd Haynes propose un final qui, plutôt que de faire le choix de la surenchère, va tenter de se rapprocher au plus près de Mildred. Esquivant toute révélation de dernière minute, il propose un épisode bien construit, qui mise sur une certaine continuité tout en exploitant joliment les scènes où Mildred fait enfin face à la réalité.

En héroïne de mélodrame typique, la jeune femme ne trouvera pas d'accomplissement final, juste la nécessité de se débarrasser de ses vieux démons. Son monstre de fille révèlera l'ampleur de sa cruauté lors d'une scène plastiquement superbe, d'une violence absolument remarquable. La phrase "To hell with her" est une belle conclusion et montre que Mildred a su apprendre à accepter à ne plus se berner sur la vraie nature des gens.

 

Entre mélodrame et réalité

 

Todd Haynes est un grand amateur de mélodrames au féminin (Si loin du paradis, un film déjà magnifique) mais va utiliser Veda pour révéler la différences entre le mensonge et la réalité, le paraître et l'être. Car si la jeune chanteuse, par sa réussite, est le symbole d'une Amérique qui progresse par son talent, son vrai visage va laisser apparaître une séductrice d'une cruauté implacable, cette dureté lui permettant de survivre dans un milieu artistique de plus en plus gangrené par la publicité et l'argent.

Témoin inconscient de la métamorphose de sa fille en un monstre d'orgueil, Mildred comprendra finalement que derrière l'apparat des artistes se cache fréquemment des êtres méprisables et faibles. Ce n'est qu'une fois libérée de ses illusions qu'elle pourra enfin faire la paix avec elle-même et cesser de se faire utiliser par les autres comme l'outil de leur propre réussite.

 

Kate Winslet, simplement remarquable

 

Pour ma dernière critique de Mildred Pierce, je me devais de dire combien Kate Winslet est parfaite dans ce rôle, accomplissant une performance digne de la grande Bette Davis. Son visage à la fois impassible et torturé, masquant sa souffrance sous des tics d'expression va me marquer pour bien des années. J'ai rarement vu un tel mélange de chagrin et de douleur, sinon dans cette scène superbe où Veda lui rend sa gifle durant l'acte trois.

Admirable à tout point de vue, son travail devait être souligné avec la plus chaleureuse reconnaissance, tant elle a su offrir au spectateur, avec une générosité incroyable, des instants d'émotions exceptionnels. Cette performance restera à mes yeux un des plus grands chocs artistiques qui soient, un moment simplement inoubliable.

 

Un dernier acte simple et élégant

 

Difficile de ne pas repenser à tout le chemin traversé depuis le début de cette mini série, de l'intensité incroyable des actes précédents jusqu'à l'intelligence de ces dernières minutes. Moment admirable de l'histoire de la télévision, ce dernier épisode fait le choix difficile de la subtilité, en laissant le spectateur interpréter les évènements se déroulant devant lui. Loin de chercher une quelconque morale, Todd Haynes fait un geste d'amour remarquable envers son héroïne en évitant à Mildred un destin tragique auquel son aveuglement la condamnait.

Un grand moment de télévision. J'encourage tous ceux qui aiment les vraies et belles histoires à découvrir Mildred Pierce.

 

J'aime :

  • Kate Winslet remarquable
  • la musique de Carter Burwell superbe
  • d'une grande subtilité
  • un final poignant, sans la moindre surenchère 

Je n'aime pas : 

  • que certains le considèrent comme un échec. L'audimat, cela n'intéresse que ceux qui ont du temps à perdre.

Note : 16 / 20

L'auteur

Commentaires

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Très bonne critique qui rend parfaitement hommage à cette mini série, vraiment excellente. Elle ne m'a cependant pas autant marqué que toi, sans doute parce qu'il me faut passer un très long moment en compagnie des personnages avant de vraiment pouvoir m'impliquer et qu'une mini série ne permet pas cela. En matière de drame cela dit c'est ce qui se fait de mieux, même si je n'aurais pas été contre un peu plus de légèreté (les derniers épisodes sont particulièrement étouffants tant l'héroïne prend sur elle).

Image Mildred Pierce
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