Critique : Siberia 1.01

Le 04 juillet 2013 à 09:31  |  ~ 9 minutes de lecture
NBC aborde l'été avec un pastiche de survival reality show lorgnant clairement vers l'horreur. Denis Brogniart approved !

Critique : Siberia 1.01

~ 9 minutes de lecture
NBC aborde l'été avec un pastiche de survival reality show lorgnant clairement vers l'horreur. Denis Brogniart approved !
Par CaptainFreeFrag

Garanti sans spoilers.

 

De vous à moi, la télé-réalité, ça m'en a toujours touché une sans faire bouger l'autre : soyons bien clairs, loin de moi l'idée de partir en croisade contre ce format, qui reste un divertissement comme un autre, même si la fâcheuse tendance qu'ont les médias à alimenter la gloriole de starlettes périmées avant même d'avoir existé me laisse assez pantois (coucou Nabilla !). Mais bon, pas la peine de s'insurger pour si peu : si ça fait passer du bon temps à certains, pourquoi pas après tout ? Vivre et laisser vivre, quoi.

Cela dit, dans tout ce fatras d'émissions qu'on nous assène depuis une bonne douzaine d'années, il y en a une qui a réussi à m'accrocher dès ses débuts pour ne plus me lâcher : il s'agit de la probablement regrettée Koh-Lanta, mouture française du concept international Survivor. Non pas que ce programme soit franchement plus noble que les autres, le cachet aventurier et les épreuves physiques ne servant finalement que de façade au véritable intérêt du show : la bassesse humaine y était ainsi souvent mise à l'honneur, flattant à de nombreuses reprises nos instincts les plus vils. Mais il y avait malgré tout cet aspect feuilletonnant addictif et cette exploration fascinante et jouissive de la condition humaine qui renouvelaient constamment l'émission malgré un format redondant par définition.

Bref, Koh-Lanta, c'était cool. Et ça tombe bien, parce que Siberia boxe exactement dans la même catégorie.

 

Deniiiiiis

Notre Denis Brogniart national a quand même plus la classe, non ?

 

Is this real life ?

 

Ce qui nous frappe en effet dès les premières minutes du pilote de la nouvelle série d'été de NBC, c'est que le show reprend à son compte tous les codes de la télé-réalité survival. Son pitch, à ce titre, est limpide : Siberia nous invite ainsi à suivre le parcours (qui devrait rapidement tourner au cauchemar) de seize candidats venus des quatre coins du monde au sein d'un reality show qui les propulse en pleine Sibérie profonde. Installés dans un ancien camp de colons (lesquels ont mystérieusement disparu un siècle plus tôt), les participants devront s'adapter pour survivre aux rudes conditions de l'hiver sibérien : ceux qui resteront jusqu'au bout sans abandonner pourront se partager les 500 000 dollars promis aux vainqueurs. Enfin ça, c'est le concept de base : il y a fort à parier que le cliff final de l'épisode (que nous nous garderons de révéler) bouleverse la donne !

Mais le concept du reality show, non content d'alimenter la trame scénaristique de la série, est assumé jusque dans sa forme même : c'est simple, beaucoup de séries se sont déjà inspirées de la télé-réalité avec plus ou moins de bonheur, de la très médiocre Dead Set à la plutôt réussie Black Mirror, mais jamais aucune ne se sera autant confondue avec ce format que Siberia. Le résultat est tout bonnement bluffant, à tel point qu'on a réellement l'impression pendant la grande majorité de ce pilote d'assister à un véritable épisode de Survivor !

Dès l'introduction, le ton est donné : l'animateur accueille les candidats, leur explique les règles de base ainsi que le principe de la première épreuve, le tout après s'être adressé au spectateur pour lui présenter le principe de l'émission tandis que la caméra balayait les paysages sibériens tout comme celle de Koh-Lanta embrassait les îles paradisiaques où l'action prenait place. Le générique reprend quant à lui tous les carcans visuels des émissions sus-citées, les candidats y étant présentés les uns après les autres par leur prénom (qui sont également ceux des vrais acteurs, pratique !). Et cet étonnant pastiche ne faiblit pas jusque dans les dernières minutes de l'épisode, enchaînant avec justesse les confessions face caméra des candidats, les inévitables séquences cocasses agrémentées de leur musique burlesque ou encore les cliffs de coupure pub volontairement aussi grossiers que dans les reality shows originaux.

La performance des acteurs vient compléter le tableau avec brio : aussi surprenant que puisse paraître ce constat, il faut en effet admettre qu'ils sont absolument tous convaincants ! Toujours à fond dans leur rôle (y compris en arrière-plan, avec des gestes et des réactions toujours plausibles), ils campent efficacement une galerie de personnages caricaturaux, reflétant parfaitement la réalité des castings de ce type d'émissions : on retrouve ainsi les sempiternelles figures de la bimbo détestable, de la fouine manipulatrice, de la jeune fille timide un peu en retrait ou encore du nerd en quête de reconnaissance, pathétique dans les épreuves mais astucieux sur le camp. Ce pilote réussit par ailleurs à brosser un rapide portrait de chacun de ces personnages, aucun n'étant laissé sur le côté, et parvient même à faire naître chez certains d'entre eux un embryon d'ambivalence, ouvrant la voie à des évolutions psychologiques potentiellement intéressantes.

Tous les éléments contribuent donc à faire de Siberia un pastiche des plus efficaces, avec ce paradoxe étonnant d'une illusion de réalisme qui semblerait presque plus forte que dans les émissions que la série imite, souvent plus enclines à s'approprier les codes du feuilleton qu'à tenter de masquer des ficelles narratives épaisses à souhait.

 

Le gong !

Ils sont même allés jusqu'à débaucher La Boule de Fort Boyard !

 

Survivor ?

 

Mais cette imitation ultra-fidèle, si elle constitue pour le moment la principale force du show et le garant majeur de son identité, est également sa plus grande faiblesse : le point de vue est en effet tellement proche du matériau de base qu'il en vient à perdre un certain recul, et on ne sait jamais vraiment à quoi rime tout cela, ni quelle est véritablement l'intention de Matthew Arnold avec son nouveau bébé. S'agirait-il d'une dénonciation de la télé-réalité, comme pourraient le laisser penser les dernières minutes de l'épisode, ou même le concept un peu stupide d'envoyer des candidats dans une zone mystérieuse qui n'a de toute évidence pas subi de repérage sérieux au préalable ? Possible, mais pourquoi dans ce cas adapter le genre au tic de réalisation près, au risque de ne parler qu'aux amateurs et de laisser sur la touche les réfractaires auquel le propos serait destiné ? Le concept du reality show ne serait-il, au contraire, qu'un simple prétexte scénaristique à un bête jeu de massacre, doublé d'une intention opportuniste de surfer sur la vague d'un genre qui a plutôt la cote en ce moment ? Un tel dessein s'avérerait bien entendu fort décevant, mais les quelques traits de malice qui émanent déjà de Siberia rendent finalement cette option assez peu plausible.

L'intention des scénaristes est certainement plus complexe, quelque part entre ces deux horizons : il ne fait quasiment aucun doute que la matière assez riche du reality show sera exploitée, et l'enjeu central de la série pourrait ainsi s'articuler autour d'un jeu sur les codes du genre, la forme de la série et l'évolution des personnages constituant les pierres angulaires d'une telle approche. Mais à quel prix ? En d'autres termes, les scénaristes peuvent-ils réussir à concilier la richesse de leur concept avec la cohérence de la trame narrative ?

Le risque étant bien évidemment de s'enfermer dans le postulat de base de la série en sacrifiant la plausibilité des évènements et des motivations, et en laissant ainsi la porte ouverte aux situations les plus ubuesques : le choix proposé aux personnages à la fin de l'épisode n'est déjà pas bien crédible, mais essayez seulement d'imaginer par quelle pirouette on pourrait justifier le fait que des cameramen continuent à filmer les candidats dans des situations de panique ou d'angoisse extrême (le show semblant clairement s'orienter vers l'horreur) ! A moins de faire des concessions notoires (abandonner le style télé-réalité pour un point de vue plus neutre, par exemple), on ne voit donc pas comment les scénaristes peuvent parvenir à nous présenter un show cohérent, ce qui montre déjà les limites du concept et en interroge fatalement la pérennité.

 

Pêche canard, choisis ton canard !

À l'eau ! Non mais à l'eau quoi !

 

Siberia entretient donc le mystère et ne dévoile pas tous ses charmes à la première occasion (re-coucou Nabilla !) : si le concept est séduisant, efficace et parfaitement maîtrisé pour le moment, accouchant d'un pilote de bonne facture, il demeure encore très obscur quant à sa finalité et laisse déjà entrevoir des limites et des pièges qu'il semble bien difficile d'éviter. C'est donc à un véritable exercice de survie que nous convie NBC cet été, mais à moins d'être totalement réfractaire au genre, le rendez-vous est pris, et c'est déjà ça !

 

J'ai aimé :

  •  Un pastiche de survival reality show très réussi.
  •  Des acteurs particulièrement convaincants.
  •  Une certaine malice qui se dégage du tout.

 

J'ai moins aimé :

  •  La sensation que la série marche sur un fil et risque de se casser la gueule à n'importe quel moment. Mais saluons la prise de risque !

 

Note : 13/20.

L'auteur

Commentaires

Avatar Dreamsteam
Dreamsteam
Ta critique est très intéressante ! Elle donne vraiment envie de voir la série ! Je compte bien la regarder en espérant qu'elle ne se cassera pas la gueule !

Avatar CaptainFreeFrag
CaptainFreeFrag
Faute de temps, je n'ai pas encore pu voir la suite, mais d'après ce qu'on me dit, ça semble assez solide. Lance-toi sans hésitation !

Image Siberia
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