Critique : The Borgias 2.10

Le 23 juin 2012 à 20:41  |  ~ 12 minutes de lecture
Un season final simple et au démarrage sans surprise, mais à l'intensité indéniable lors d'un dernière demi-heure forte et captivante.
Par sephja

Critique : The Borgias 2.10

~ 12 minutes de lecture
Un season final simple et au démarrage sans surprise, mais à l'intensité indéniable lors d'un dernière demi-heure forte et captivante.
Par sephja

Le silence de Dieu face à la mort

 

Lucrèce Borgia fait la connaissance du jeune Alfonso d'Aragon, un garçon jeune et inoffensif pour qui elle ressent assez vite une certaine sympathie. Pendant ce temps, Cesare tente d'accomplir les désirs de son père, à savoir obtenir la confession de Jerome Savonarole et retrouver Juan qui semble avoir disparu. Jusqu'à ce que le pape lui-même le retrouve au milieu des cadavres charriés par le fleuve, refusant de l'enterrer tant que le crime demeure impuni. 

 

Résumé de la critique 

 

Un épisode réussi que l'on peut détailler ainsi : 

  •  un épisode en deux parties qui privilégie le ressenti au contenu 
  •  l'ambition dévorante de Cesare révélée au grand jour 
  •  un final troublant et opportuniste 
  •  un bilan de la saison deux 

 

 

Au nom du père 

 

Pour son season final, The Borgias se recentre sur le pape et sa relation avec chacun de ses enfants, Cesare se démenant pour le satisfaire en obtenant la confession de Savonarole. Des aveux soutirés par la force qui aurait dû être le point d'orgue de l'épisode, confrontant un pape qui considère l'Eglise comme une puissance politique au frère Florentin le conçoit du point de vue uniquement moral. Seulement, le refus de celui-ci de signer sa confession va pousser Cesare à lui voler son seul  moyen de défense, le discours,  empêchant la confrontation d'avoir lieu entre le pape et l'hérétique. 

La question se pose peu à peu de savoir si Cesare protège bien Rome et son père ou si ses intentions en apparence noble ne cachent pas une ambition personnelle avant tout. Mal utilisé dans cet épisode, Jerome Savonarole connait une fin visuellement superbe, mais trop anecdotique, la mort de Juan lui volant clairement la vedette ainsi que le mariage de Lucrèce avec Alfonso d'Aragon. Plus capricieuse, la jeune femme cherche à combiner la satisfaction d'Alexandre VI avec son propre bonheur, privilégiant un homme juvénile d'apparence qu'elle parvient à manipuler à sa guise.

Les apparences sont donc bonnes pour le Pape et ce final dresse le portrait d'une famille prête à honorer la gloire de leur père tout en trouvant chacun leur épanouissement personnel grâce à la disparition de Juan. Seulement, la découverte du cadavre de celui-ci va tout briser, laissant apparaître la relation singulière existant entre Rodriguo et son aîné, un amour aveuglant et particulièrement fort. L'occasion pour lui de découvrir la profonde hypocrisie existant au sein même de sa famille, entre jalousie et rancoeur et les péchés de ses enfants, fruit de ses propres erreurs, offrant une seconde partie pathétique vraiment réussie où il va découvrir le vrai visage de chacun d'entre eux.

Fort en émotions complexes et contradictoires, ce deuxième acte est un réelle réussite, brisant totalement l'illusion d'unité existant au sein des Borgia. Si le déroulement n'apporte pas grand-chose du point de vue de l'intrigue, les rapports de force qui apparaissent et les sentiments qui rentrent en jeu offrent aux comédiens l'occasion de s'exprimer pleinement. Très bien réalisé, un épisode qui offre une conclusion digne à une saison inégale dans son ensemble, mais qui aura su laisser apparaître le vrai visage de Cesare et Lucrèce.

 

Au nom du fils

 

Si le père occupe tout le registre émotionnel de l'épisode, ses enfants apparaissent comme les intrigants de cette histoire, fomentant et manipulant un pape Alexandre VI au regard inconscient et naïf concernant sa propre famille. Si Juan fut souvent présenté comme le canard boiteux de la famille Borgia, il avait pour mérite de montrer son vrai visage, incapable de mentir et de tricher concernant ses sentiments et ses ambitions, même lorsqu'il essayait de dissimuler sa débâcle. Sa mort va servir de révélateur concernant la vraie nature de son frère et sa soeur, révélant leur goût du complot et de la manipulation. 

Le vrai visage de Cesare éclate alors au grand jour et son aveu à son père est d'une insensibilité étonnante grâce à un François Arnaud impeccable, laissant éclater orgueil surdimensionné. Se jugeant supérieur à son frère, son amour pour son père s'est mué en un désir de reconnaissance, celui du frère qui a le sentiment de surpasser son aîné dans bien des domaines, aidant indirectement à engendrer les échecs de celui-ci. Grisé par ses discussions avec Machiavel, il décide de prendre en main la destinée de la famille, révélant les vrais motivations égoïstes derrière le meurtre de Juan, à savoir le désir de terrasser pour de bon celui qui fut et restera le premier dans le coeur de son père. 

La scène où le pape enterre son fils de ses mains n'est évidemment que fiction, la série prenant clairement ses distances avec la véritable histoire des Borgia pour donner une dimension dramatique plus forte à ce final. La famille explose en partie, révélant la solitude d'un père qui a fait naître chez ses enfants une soif d'ambition qui les pousse à vouloir prendre leur liberté. Lucrèce se met ainsi en quête d'un mari assez faible pour ne pas lui tenir tête, plaçant sa soif d'indépendance avant ses sentiments pendant que Cesare cherche à devenir un homme de combat, galvanisé par ses nombreuses victoires, trouvant sa voie loin de l'église et de Dieu. 

En tuant Paolo, Juan essayait de garder l'honneur de sa soeur et de la famille, thème central d'une saison où le nom des Borgia et son honneur aura servi à justifier les pires crimes. Seulement, en forçant Cesare à porter la robe de Cardinal, le père n'a pas su comprendre les vrais aspirations de son fils, privilégiant de manière inconsciente un aîné que ses deux autres enfants ont commencé à haïr de concert, un ennemi commun qui aura permis de créer une connexion à part au sein de la famille.

 

 

La fin d'un règne 

 

En choisissant de s'éloigner de la réalité, les scénaristes des Borgia ont su se concentrer sur les relations internes entre les membres de cette famille qui va subir la déflagration liée à la mort de Juan. Loin des complots du Vatican, c'est avant tout l'histoire d'un pape qui redevient un homme, sombrant dans une détresse profonde devant le cadavre de son fils. Un élément bien souligné dans la scène finale où Vanozza l'appelle Rodriguo au lieu de "votre Sainteté", Alexandre VI redevenant le patriarche, terrassé par le deuil et son incapacité à interférer avec cette destinée tragique et irrévocable.

L'intrigue de Della Rovere est donc mis en sourdine pour mieux ressurgir au moment opportun, montrant tout le travail apporté par Guy Burt à la composition de cette fin de saison. Le cliffhanger final est très efficace et particulièrement malin, poursuivant cette progression de l'idée d'un retour au statut de mortel de celui qui a été vaincu par son ambition, un défaut qu'il retrouve d'ailleurs chez chacun des membres de sa famille. Une conclusion très réussie pour une série qui aura su soigner son final, offrant l'occasion à Jeremy Irons de fournir une jolie performance, à la fois touchant et pathétique. 

En conclusion, un vrai season final digne de ce nom, avec une conclusion vraiment touchante où le pape doit faire face au vrai visage de son fils Cesare. L'occasion de s'apercevoir de sa propre naïveté, prenant conscience de la nature manipulatrice et cruelle de ses enfants, célébrant le mariage de Lucrèce malgré la découverte du cadavre de Juan. Une conclusion efficace et visuellement superbe, ouvrant la porte à une saison trois totalement ouverte, histoire de fermer pour de bon le livre de la destinée tragique des Borgia. 

 

La saison des insoumis

 

Après une première saison racontant l'ascension de la famille des Borgia au pouvoir ultime, la scène finale avait laissé apparaître une famille unie autour du plus fort des symboles de la foi : la nativité. Cette seconde saison démarre donc avec un Pape fort de ses victoires contre les cardinaux qui avaient fui à l'approche du roi de France. L'occasion pour Neil Jordan de clore les storylines issues de la première saison, donnant un ensemble un peu prévisible qui s'est heurté à une des difficultés majeures de cette saison, à savoir fournir un vrai travail de reconstitution historique. 

Ainsi, le portrait de la ville de Rome peine à être vraiment crédible et les premières histoires concernant la vie quotidienne au Vatican sont bien moins intéressantes que les conflits qui vont émailler toute cette saison. A la tête d'un groupe de mercenaires, Cesare obtient ses premières victoires, se mesurant à Juan dans sa capacité à préserver l'honneur de la famille. Cherchant l'approbation de leur père, les deux frères vont mener chacun leur croisade, l'un en obéissant à la volonté du patriarche en tuant Paolo pour sauver l'honneur de Lucrèce, l'autre en privilégiant sa propre ambition grâce à un sens politique plus développé. 

Moyennement convaincante, cette première partie propose une mise en scène réussie, mais ne parvient pas à tirer parti de personnages féminins réduits à faire de la figuration. Le virage décisif aura lieu avec l'arrivée de Cesare à Florence et la révélation de Savonarole, marquant le début de la meilleure portion du show signé David Leland. Une partie beaucoup plus réussie qui va laisser apparaître le changement de mentalité de Cesare, choisissant de privilégier sa propre destinée à celui de sa famille en général et de Juan en particulier afin d'obtenir sa libération du poste de Cardinal. 

Un désir de liberté qui se retrouve chez Lucrèce, refusant l'autorité paternelle en choisissant de prendre un mari qui corresponde à ses propres aspirations, quitte à prendre son temps comme une fille capricieuse. Comme deux enfants gâtés, le duo terrible est le symbole d'une famille qui n'est plus qu'apparence, Cesare cherchant en affrontant Savonarole pour prouver la supériorité du libre arbitre sur l'autorité de la parole divine. Symbole d'une certaine modernité, les Borgia apparaissent comme une famille de bâtards, sans cet honneur d'une noblesse que Juan cherche à incarner, se donnant ainsi l'apparence de ce qu'il n'est pas. 

La conclusion vient marquer la fin d'une époque où la parole du père ne pouvait être remise en cause, où l'autorité de l'aîné n'était jamais défiée, où la parole divine guidait les choix des hommes. Une vision du monde qui commence à être remise en cause par Machiavel, par Catherine Sforza et Savoranole, trois insoumis qui forment le coeur de cette saison. Et le pape commença à perdre sa stature, inconscient des complots autour de lui, allant jusqu'à perdre sa lucidité en ne découvrant que trop tard sa propre fragilité, donnant une seconde partie de saison réellement réussie. 

 

J'aime : 

  •  la réalisation impeccable de David Leland et la photo de Paul Sarossy 
  •  les comédiens impeccables 
  •  les trente dernières minutes touchantes et étonnamment cruelles 
  •  le cliffhanger opportun et réussi 
  •  la scène de l'aveu de Cesare à son père 

 

Je n'aime pas : 

  •  la mort de Savonarole, pas assez mise en valeur 

 

Note : 15 / 20 

Une très belle conclusion pour The Borgias avec un démarrage un peu timide, jusqu'à la confession de Cesare à son père, au coeur d'une dernière demi-heure assez touchante. Brisé, le pape redevient un père en pleine souffrance, impuissant devant la dépouille de son fils et la mortalité de l'être humain. 

 

Merci à SerieAll de m'avoir laissé suivre cette seconde saison des Borgias ainsi qu'aux correcteurs pour leur excellent travail. Plus personnellement, merci à Sandrine pour sa connaissance parfaite de Savonarole et de l'histoire de l'église Luthérienne. A l'année prochaine pour la saison trois. 

L'auteur

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