Une jeune journaliste prise entre sa carrière et sa famille
Paddy Meehan est une apprentie journaliste à Glasgow en 1982 qui partage sa vie entre un travail au journal où elle sert de larbin et une famille en plein deuil suite au décès de sa grand-mère. Lorsque Brian Wilcox, un enfant d'une dizaine d'années, est trouvé mort dans le canal, l'occasion semble inespérée pour la jeune femme de faire son premier scoop. Seulement, le coupable présumé arrêté par la police va se révéler être son jeune cousin, la plaçant dans une situation impossible.
Résumé de la critique
Un épisode sympathique que l'on peut décrire ainsi :
- une belle reconstitution de la ville de Glasgow et du métier de journaliste avant l'ère Internet
- un personnage principal assez touchant, portée avec maladresse et conviction par la jeune Jayd Johnson
- un récit un peu répétitif qui ne parvient pas à trouver le bon rythme
- une intrigue un peu prévisible qui trace un peu trop la route à son héroïne
Une adaptation d'un réalisme troublant
Tiré du livre de Denise Mina, cette plongée dans le quotidien d'une jeune écossaise dans le Glasgow des années quatre-vingts est confondante de réalisme, tentant avant tout de recréer la réalité d'un monde avant Internet et la révolution numérique. Souhaitant devenir journaliste plus que tout, Paddy Meehan sert de stagiaire dans un journal local où lui sont attribués les tâches les moins flatteuses du métier. Venant d'un milieu populaire, la jeune femme ne se plaint pas, attendant la moindre occasion pour prendre sa chance, surtout lorsque le corps d'un jeune garçon est trouvé dans le canal.
Entre sa famille assez austère et le milieu étouffant de la rédaction du journal, la série suit une héroïne qui peine à s'affirmer, se concentrant avant tout sur le récit de sa vie privée et professionnelle. Sans les moyens modernes, l'enquête va passer par un travail de documentation et de terrain qui peut prêter à sourire, mais qui fait au final le charme de cette production anglaise. Après un début et une adaptation difficile à l'univers du show, la série parvient à imposer son style naturaliste grâce à des comédiens très crédibles ainsi que son héroïne, jeune femme combative qui va se retrouver dans le tourbillon d'une affaire grave mettant en cause sa famille.
Une héroïne qui apprend à se battre
Dans un récit entièrement focalisé sur elle, la jeune et courageuse Jayd Johnson parvient à composer un personnage attachant, devant faire face à un univers particulièrement agressif. Jeune débutante déboussolée dans un univers d'adulte où elle n'a pas sa place, Paddy essaie de prendre des initiatives pour prouver ses capacités à son rédacteur, mais subit les brimades d'un monde masculin, portant sur elle un regard sans concession. Personnage atypique et nature, l'héroïne ne possède pas encore l'expérience pour se protéger et survivre aux coups bas d'un métier où personne ne se fait de cadeau.
En dévoilant involontairement le nom de son cousin à la presse, elle devient la risée de sa famille, un traître parmi les Meehan, famille catholique plutôt traditionnelle. Son rapport avec sa mère va être mis en avant, celle-ci ne voyant pas d'un bon oeil son évolution professionnelle et la critiquant fréquemment sur sa tenue qui masque sa féminité. Placé sur le devant de l'image sans interruption, la jeune comédienne tient le choc et s'en sort honorablement, apportant à son personnage une fragilité qui fait le charme de cette minisérie. Certains reprocheront à Jayd Johnson un manque de charisme, mais sa performance permet d'entrer efficacement dans un récit plutôt maladroit.
Une structure pas assez dynamique
Construit sur deux épisodes, The Field of Blood se concentre avant tout sur la description d'un univers au travers des yeux de son héroïne. Si ce choix de coller au plus près de Paddy apporte un certain charme au récit, elle va aussi poser un problème du point de vue de la construction en donnant lors des premières minutes un fort sentiment de confusion devant tous les visages qui apparaissent devant nous. Très répétitive, la structure de l'épisode permet heureusement de vite identifier les différents personnages, tout en donnant un récit haché qui peine à décoller avant le troisième acte.
Piégée dans l'univers étouffant du journal, la mise en scène peine à faire évoluer l'héroïne et de montrer son rapport avec ses différents collègues. Impuissante, Paddy subit beaucoup dans les premiers temps, donnant un rythme trop lent à l'intrigue en laissant l'impression d'une histoire qui cherche son point d'ancrage pour se lancer vraiment. Heureusement, le coup de sang de l'héroïne contre une de ses collègues va marquer le point de départ d'un épisode qui trouve alors son rythme, laissant son personnage principal prendre la liberté nécessaire pour rechercher la vérité.
Véritable point de départ de l'épisode, cette scène marque l'affirmation d'un caractère bien trempée, la faisant sortir de sa passivité pour affirmer la volonté de ne plus se faire marcher dessus. Extraordinaire dans son rôle de rédacteur en chef, David Morrissey va alors occuper une place intéressante dans le récit, permettant à l'histoire de décoller enfin.
Un récit un peu trop fléché
Une fois son acte d'héroïsme accompli, Paddy va se retrouver lancée dans une intrigue dont le but est de laver le nom de sa famille ainsi que de prouver à sa mère qu'elle est capable de protéger les siens. L'occasion pour les auteurs de se pencher sur le cas des familles des coupables, ces personnes anodines qui subissent le traumatisme de l'arrestation de leur proche. Plutôt rapide, l'intrigue est bien construite, s'emboîtant même un peu trop bien, donnant l'impression de vouloir en venir au plus vite à la partie "Nancy Drew" de l'épisode.
En conclusion, un divertissement sympathique, porté par des comédiens convaincants et une héroïne attachante, qui reconstitue plutôt bien l'univers du début des années quatre-vingts. Bien réalisé, une minisérie soignée, portée par une bande originale très anglaise et des décors à la limite du naturalisme, fortement inspirés par le roman. Soulignons surtout la performance géniale de David Morrissey, d'un charisme étonnant dans son rôle de rédacteur en chef, dynamisant un récit légèrement maladroit dans le premier acte et un peu trop prévisible.
J'aime :
- une très belle reconstitution du Glasgow des années quatre-vingts
- des comédiens convaincants et une actrice principale qui s'en sort honorablement
- un divertissement sympathique et sans prétention
Je n'aime pas :
- un démarrage brutal et un premier acte un peu lourd
- un récit légèrement trop prévisible
- un univers touffu un peu trop survolé
Note : 13 / 20
Adaptation sympathique et sans prétention du roman éponyme, cette minisérie anglaise possède un certain charme et se laisse regarder sans déplaisir. Dommage par contre que le réalisateur passe trop rapidement sur la partie descriptive, tant la richesse de cet univers aurait largement justifié un approfondissement de l'univers de Paddy. Sympathique.