La mort comme révélateur
Le père de Franck est mort et son fils tente d'obtenir des pompes funèbres qu'il l'enterre avec sa guitare, l'apportant lui-même au funérarium. Seulement, en pleine cérémonie, il constate que celle-ci a disparu et part avec Greg la chercher, première décision à l'origine d'une suite spectaculaire de catastrophes.
Résumé de la critique
Une critique qui va se concentrer sur les trois mécaniques comiques utilisés par Woodley :
- le comique spectaculaire où le comédien excelle
- un personnage à la fois lunaire et belliqueux
- un tempo pas assez maîtrisé
- un épisode inégal sublimé par une remarquable scène finale
L'art de l'équilibriste
Pour cet épisode de Woodley, je vais abandonner la critique pure et dure et profiter de l'espace laissé par les créateurs de Serie All pour me pencher sur quelque chose qui n'intéresse que moi, à savoir la mécanique du rire dans la série. En effet, l'acteur australien reste son meilleur outil de comédie, montrant des aptitudes physiques indéniables, en particulier lors de la scène d'introduction avec l'urne prévisible, mais réussie. Jongleur émérite, l'acteur - réalisateur aime jouer à être toujours au bord du déséquilibre, utilisant le principe bien connu du cirque consistant à attirer l'attention de l'audience en laissant entrevoir la possibilité d'une maladresse.
Son personnage est donc maladroit la majorité du temps, mais se montre étonnamment agile à des instants bien particuliers, entraînant le rire par l'aspect inattendu de ses prouesses. Personnage au bord de la rupture dès qu'il perd ses nerfs, Franck ajuste l'équilibre de son centre de gravité en fonction de son niveau de stress ou d'énervement, idée originale et fréquemment payante. Pourtant, cette maîtrise physique est parfois mal intégrée dans l'épisode, certains effets comiques comme la scène de l'urne se prolongeant juste un peu trop, créant une légère lassitude.
Maîtrisant parfaitement son physique, l'acteur ne parvient pas à montrer le même talent tout du long, proposant quelques gags maladroits et malvenus. Ainsi, l'utilisation des cailloux est une mauvaise idée à la différence d'une bataille de boue qui fonctionne largement mieux, preuve du manque d'équilibre entre la violence réelle et la cruauté volontairement gratuite et parodique des scènes burlesques. Chez Chaplin, ce mélange entre comédie et cruauté était le principe même de certaines séquences, comme la séquence superbe des singes dans Le Cirque, entre une peur de la mort bien réelle et un assaut de capucins particulièrement drôles.
La schizophrénie du comique burlesque
Comme chez Chaplin, Keaton ou Tati, le personnage burlesque est forcément schizophrène, à la fois lunaire par son comportement délibérément naïf et poussé par des passions humaines comme la jalousie ou la soif de justice. Ce mélange entre l'enfance et l'adulte définit totalement Franck Woodley, en particulier lors de la scène où sa fille lui demande ce qu'il advient des gens après la mort, entraînant un de ces grands charabias dont l'auteur est friand. Cette incapacité à répondre aux questions philosophiques, à se confronter à la réalité et à l'accepter définit parfaitement son personnage, inadapté social vivant dans sa propre bulle.
On en revient alors au pilot où le héros trainait tout du long un costume d'oeuf, symbole de cette incapacité de Woodley à assumer ses responsabilités d'adulte à cause de son esprit encore enfantin. Il en retire une curiosité enfantine et une maladresse assez touchante, comme la séquence où son médiator se perd à l'intérieur de la caisse de résonance de sa guitare, ruinant sa tentative de rendre hommage à son aïeul. Malheureusement, la légèreté se mêle aussi à une certaine lourdeur, en particulier ce gag du pantalon déchiré, mal pensé qui s'avère être un poids plus qu'autre chose dans la suite de l'épisode.
Ainsi, les gags les plus élaborés ne sont pas toujours les meilleurs, l'auteur peinant à amener des vraies scènes de comédies dans cet épisode reposant sur la célébration du deuil de son père. C'est par quelques idées courtes et simples, surtout lorsqu'elles mettent en valeur la jalousie pathétique d'un héros, que la série retrouve son charme, fournissant un divertissement réellement touchant. Cruel, Woodley laisse plusieurs occasions à son personnage de briller, mais s'amuse à le saborder volontairement, soulignant ainsi la nature à la fois méprisable et touchante du héros.
Problème de timing
Le troisième registre comique concerne les installations reposant sur une mise en place sur le long terme, domaine où l'épisode s'avère assez décevant, en particulier lors de la scène de la voiture où il peine à s'arracher de sa ceinture de sécurité. Chaque gag amusant est souvent répété une fois de trop, Franck Woodley cherchant un peu trop à créer le malaise chez le spectateur, comme lors de cette interminable embrassade avec son ex-femme. Si l'idée de départ est bonne, le timing et la répétition vient couper la dynamique du récit, marquant un temps d'arrêt qui laisse de longues minutes avant que l'épisode retrouve son dynamisme.
Trop hachée, l'intrigue connaît plusieurs trous d'air et de mauvaises inspirations, le gag du pantalon étant l'exemple le plus triste, séquence peu crédible et totalement gratuite n'apportant pas grand-chose dans la suite de l'épisode. Si Woodley est une série plaisante, c'est avant tout par son inventivité étonnante, donnant encore plus de regrets de voir l'acteur proposer autant de scènes de remplissage et sans idée directrice. Pas assez exploité, le montage se limite à emboîter les séquences comiques, proposant un travail sur le tempo peu convaincant, défaut récurrent et agaçant de la série.
Le gag final est par contre une vraie merveille, laissant encore plus de regrets concernant le manque de maîtrise du reste, l'épisode donnant par instant l'impression de retrouver les qualités du pilote. Toujours au centre du show, le comique australien ne laisse que quelques dialogues aux autres, participation bien maigre qui handicape clairement l'ensemble en privant l'intrigue d'une partie de son potentiel.
Inégal, mais plaisant
En tant qu'admirateur du talent de Franck Woodley, j'aurais aimé dire du bien de cette série, surtout que l'épisode se penche sur le thème du deuil, sujet assez riche et parfaitement exploitée durant la première scène. Pendant quelques minutes, on croit à une résurrection du pilot, avant que les défauts habituels refassent surface, problèmes de rythme récurrents causés par quelques gags particulièrement mal inspirés. Pourtant, la scène finale d'une grande poésie prouve que si l'auteur peine parfois à faire dans la finesse, il est encore capable de créer un instant de magie aussi remarquable qu'inattendu.
En conclusion, un épisode correct, qui nous offre quelques scènes amusantes et un ensemble moins poussif que les trois épisodes précédents sans pour autant éviter quelques écueils. A deux épisodes de la fin, le show peine encore à retrouver la force du pilot, hormis lors d'une bataille finale de lancer de boue en plein enterrement assez amusante. Sans faire d'étincelles, un épisode qui remonte la pente, montrant quelques bonnes idées et offrant un final remarquable, mais trop mal amené pour pouvoir déclencher un vrai enthousiasme.
J'aime :
- la scène d'ouverture
- la séquence de fin très poétique
- certains gags ingénieux
Je n'aime pas :
- beaucoup de lourdeurs
- un gag du pantalon inutile et gratuit
- la scène de la ceinture de sécurité
Note : 12 / 20
Si l'ensemble est plus amusant que les épisodes précédents, Woodley souffre toujours autant de lourdeurs qui viennent casser le rythme d'un épisode plutôt sympathique. Un enterrement mémorable et inégal, mais qui réserve dans l'ultime seconde une idée réellement brillante, petit instant de poésie particulièrement brillant.