En direct de Deauville Saison 2 : Jour 1

Le 18 février 2012 à 10:37  |  ~ 6 minutes de lecture
Premières heures à Deauville. C'est le festival du film américain, mais nous, c'est pour Deauville Saison 2, son pendant consacré aux séries, que nous sommes là. On entre dans le vif du festival par une rencontre franco-américaine, intitulée « l'écriture à l'encre des séries noires ». Voici les meilleurs moments, et notamment les multiples réponses à cette question fondamentale : Comment travaille-t-on de part et d'autre de l'Atlantique ?
Par Puck

En direct de Deauville Saison 2 : Jour 1

~ 6 minutes de lecture
Premières heures à Deauville. C'est le festival du film américain, mais nous, c'est pour Deauville Saison 2, son pendant consacré aux séries, que nous sommes là. On entre dans le vif du festival par une rencontre franco-américaine, intitulée « l'écriture à l'encre des séries noires ». Voici les meilleurs moments, et notamment les multiples réponses à cette question fondamentale : Comment travaille-t-on de part et d'autre de l'Atlantique ?
Par Puck

 

Les participants :

 

deauville saison 2

 

Ecriture : « l'argent, c'est du temps ! »


Commençons par enfoncer les portes ouvertes.

Oui, le budget est une part majeure de l'écriture de la série, en France comme aux Etats-Unis. Pourquoi ? « Parce que l'argent c'est du temps », répond Graham Yost. Des exemples ? Ce qui est le plus parlant, c'est le nombre de jours utiles consacrés à chaque épisode, répondent les deux showrunners américains.

« Vous pensez qu'en terme de budget, il y a un monde entre la France et les Etats-Unis ? Mais en réalité, il y a un monde entre HBO et les autres chaînes américaines », martèlent-ils.

Alors que pour Justified ou The Chicago Code, respectivement diffusés par FX et Fox, les épisodes sont bouclés en 7 et 8 jours, HBO produit ses épisodes sur des temps beaucoup plus longs : 20 jours de tournage pour les Sopranos, 20 pour Sex and the City, voire plusieurs mois pour certains épisodes de Band of Brothers, indique Graham Yost.

 

Un choix de production, donc un choix d'écriture.

Côté français, le budget est aussi inclus dès l'écriture. « Pour Pigalle la Nuit, j'avais en tête le coût dès la conception de la série. Nous avons fait un choix de production, et donc un choix d'écriture », explique Hervé Hadmar.

« Entre tourner dans le vrai Pigalle et reconstruire Pigalle en studio, nous avons fait le premier choix. En clair, ça s'est traduit par l'utilisation de la rue, de la vie de Pigalle. Nous avons filmé sans arrêter les passants, en utilisant des micro-cravates, de longues focales et en envoyant les acteurs jouer leur scène de l'autre côté de la rue. Une fois sur trois, la prise était totalement ratée, avec le bus qui vient s'arrêter entre les acteurs et nous, ou les passants qui reconnaissent l'un des acteurs. Mais une fois sur trois, c'était extraordinaire. L'impression de filmer la vie et le chaos et d'en faire un récit. Cette identité graphique et visuelle est pensée dès l'écriture, et nous n'avons jamais eu de dépassement de budget ou de jours de retard ».

 

pigalle la nuit

Pigalle, la nuit, produite par Canal+, a été entièrement tournée dans le quartier parisien

 

L'écriture justement. D'un exercice relativement solitaire, ou en duo, en France, on passe à un travail d'équipe, avec un chef d'orchestre, le showrunner, « responsable de l'intégralité de la série », outre Atlantique.

Exemples : sur Justified, il y a 8 à 9 scénaristes qui travaillent dix heures par jour, du lundi au vendredi, sur chaque épisode. Quand ils sont au maximum 4 sur les séries françaises. « De toute façon, explique Shawn Ryan, c'est un travail très collaboratif, dans lequel le showrunner dirige, mais il y aurait trop à faire pour une seule personne ».

 

Un processus à géométrie variable

En France comme aux Etats-Unis, les showrunners n'entendent pas laisser la baguette à quelqu'un d'autre : « Je ne crois pas que la création d'une série soit un processus démocratique, il faut un regard particulier qui s'impose pour rallier les autres, et proposer un processus original », affirme Hervé Hadmar. Mais d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique, chacun sa recette.

A Pigalle, les choses commencent par une discussion à bâtons rompus, « le plus souvent dans un bon restaurant avec mon coauteur », raconte Hervé Hadmar. « On fantasme sur les saisons, les personnages, les arches (« arcs narratifs »)... Et on passe très vite aux dialogués. De toute façon, comme je réalise, c'est moi qui écrit la dernière version dialoguée ».

 

« Sur Engrenages, le travail commence par une trame brute, construite comme un rapport de police et livrée par Eric de Barahir, le coauteur, qui est par ailleurs commissaire divisionnaire », raconte Anne Landois. « Une fois cette trame écrite, on réfléchit ensemble à la façon de faire vivre nos personnages à l'intérieur, ça nous donne les axes qui vont leur permettre d'évoluer sur la saison. On passe ensuite à un document plus détaillé, qui permet de passer à la continuité dialoguée de chaque épisode ».

 

the shield tournage

Tournage de The Shield

Sur The Shield, c'est totalement l'inverse. « L'histoire criminelle est la dernière chose que l'on écrivait. On plaçait d'abord les enjeux émotionnels, pour chacun de nos personnages, puis on construisait les événements qui leur permettaient d'en arriver là. C'est quelque chose que j'ai appris en travaillant sur Angel avec Joss Whedon, le créateur de Buffy, the Vampire Slayer », explique Shawn Ryan.

 

Question de rythme

Et pourquoi, en France, attendons-nous si longtemps entre deux saisons ? L'écriture y est encore une fois pour beaucoup. Les équipes françaises écrivent l'ensemble des six ou huit épisodes d'une saison avant d'entamer le tournage. Les équipes américaines, elles, écrivent en continu pendant le tournage de la série. Alors que les premiers épisodes sont en cours de fabrication, elles planchent sur le milieu de la saison. « Ce qui fait des scénaristes le pivot et les éléments les plus importants de la fabrication d'une série », souligne Graham Yost.

Autre conséquence : « Nous devons attendre le verdict de la diffusion pour savoir si la série sera conduite pour une saison supplémentaire », explique Anne Landois. « Et nous ne commençons à écrire la saison suivante que lorsque nous avons ce feu vert. Ce qui explique, pour Engrenages, que nous n'en soyons qu'à la saison 4, alors que la série a démarré en 2004. Ce qui explique aussi que nos personnages vieillissent plus vite que les vôtres », plaisante-t-elle en s'adressant aux Américains.

 

La nudité :  « une chose inconcevable outre-Atlantique »


Quant à la censure, elle est présente sur les deux rives de l'Océan. Si le câble, et particulièrement HBO, fait office de soupapes et laisse filtrer sans les biper les shit et les fuck côté américain, en France, c'est Canal + qui joue ce rôle. C'est ce qui ressort, en creux, de l'intervention d'Anne Landois, qui insiste sur le fait que « la chaîne n'interdit aucune critique du pouvoir politique ou du pouvoir policier ».

Mais ce qu'ont surtout retenu et ce qui a réjoui les deux Américains, c'est la nudité omniprésente sur les productions françaises, « une chose inconcevable outre-Atlantique, sauf sur Showtime ou HBO ».

 

Compte-rendu de la table ronde par nos deux reporters : Puck et alanparish.

Retrouvez tous les articles sur le festival séries de Deauville :

L'auteur

Commentaires

Avatar CAD
CAD
Super résumé, merci à tous les deux. Et c'est super intéressant, je pensais pas qu'il y avait autant d'écart entre les séries et les chaînes pour le nombre de jour de tournage.

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Ouep très intéressant, vraiment sympa d'avoir un compte rendu chaque jour.

Avatar LcD59c
LcD59c
Super article, qui montre bien l'énormissime différence de qualité entre les Américains et les Français.

Avatar Taoby
Taoby
Vraiment très intéressant. Le prochain article est pour quand ?

Avatar Liam
Liam
On sent qu'il y en a qui se régalent :-)

Avatar Puck
Puck
Le prochain, on l'a posté hier soir. Et nous sommes sur le troisième. Et nous avons finalement l'interview de Graham Yost, dans une heure :)

Avatar Aureylien
Aureylien
Idée géniale de prendre l'affiche d'Episodes pour illustrer le festival ! Les différences sont flagrantes c'est sur mais je pige pas l'excuse de Engrenage pour dire que la série mets autant de temps à sortir. Pourquoi il ne change pas leur manière de travailler ? De faire les épisodes au fur et à mesure, ils perdraient moins de temps, moins d'argent.

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Apparemment c'est un peu le problème de la télévision française, c'est que les scénaristes se cantonnent à un système et n'osent pas en sortir (ou ne peuvent pas à cause des chaînes).

Avatar Scarch
Scarch
Super article, merci à tous les deux. Vraiment très interessant.

Avatar Puck
Puck
Merci merci. C'était super intéressant pour nous aussi. En fait, on a pas eu la réponse à cette question, Aureylien, parce que personne ne l'a posé. Ce que j'ai compris, moi, c'est que les chaînes voulaient l'intégralité du produit avant la diffusion. Ca se justifie peut-être aussi par le fait qu'il n'y ait souvent pas plus de huit épisodes. Ou ça, c'est la conséquence. Bon, c'est un peu le problème de l'oeuf et de la poule tout ça...

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