En direct de Deauville : Leçon de scénario avec Shawn Ryan

Le 18 février 2012 à 10:46  |  ~ 10 minutes de lecture
Deuxième journée. Après trois cafés et des poussières (enfin pour Puck, accro. Alanparish, lui, est bien réveillé), on commence par une masterclass sous la direction de Shawn Ryan (The Shield, The Chicago Code). Une session toujours animée par Alain Carrazé. Espérons que cette fois-ci, il laisse un peu de place pour les questions de la salle...
Par Puck

En direct de Deauville : Leçon de scénario avec Shawn Ryan

~ 10 minutes de lecture
Deuxième journée. Après trois cafés et des poussières (enfin pour Puck, accro. Alanparish, lui, est bien réveillé), on commence par une masterclass sous la direction de Shawn Ryan (The Shield, The Chicago Code). Une session toujours animée par Alain Carrazé. Espérons que cette fois-ci, il laisse un peu de place pour les questions de la salle...
Par Puck

Dans la salle, entre un grand type chauve aux yeux bleus, assez impressionnant : le grand frère, en moins massif et plus souriant, de Vic Mackey. Shawn Ryan veut nous démontrer à travers trois extraits que l'on peut écrire des scènes très fortes, avec « two people in a room », deux personnes dans une pièce. Ca sera finalement moins une leçon qu'une conversation.

 

shawn ryan deauville

Shawn Ryan

 

« « Television can be an intimate media », c'est ce que je veux démontrer à travers ces deux extraits. Même si la télévision peut donner des choses grandioses, elle s'immisce dans votre intimité et peut montrer un échange entre deux individus. Le point commun des trois scènes que je veux vous montrer, c'est le secret.

L'une des choses les plus fascinantes pour moi, c'est de montrer comment on peut dévoiler les secrets des personnages, simplement par une conversation entre deux personnes. Tout l'intérêt est de voir comment accéder à une révélation. »

 

« Sur The Shield, la première chose que je cherche à comprendre en tant que showrunner, et avec l'équipe de scénaristes, c'est quelle va être la trajectoire émotionnelle et affective de nos personnages. Y compris pour des guests comme Forest Whitaker, qui incarne un même personnage, un lieutenant des affaires internes, sur une saison entière. Après avoir tourné le premier épisode, nous nous étions rendus compte que nous avions fait une gaffe : il était présenté comme un homme divorcé, mais il portait une alliance. Les scènes avaient été tournées, et il nous a fallu justifier à posteriori pourquoi un homme divorcé continuait à porter son alliance, trouver une ruse scénaristique. Nous avons donc introduit le fait qu'il était obsédé par son ex-femme, qui souffre d'une maladie mentale. Ce qui a finalement conduit au climax de cet épisode [où Vic découvre ce secret, son point faible]. »

 

the shield

Extrait de The Shield, saison 5, épisode 8, avec Forest Whitaker et sa femme dans la salle d'interrogatoire.

 

Le réalisateur a le champ libre

« Moi, je n'interviens pas lors du tournage. Y compris sur les scènes importantes. J'y assiste quelquefois, mais rarement. La télévision demande beaucoup de temps, et vous devez choisir ce que vous voulez vraiment faire. L'écriture et le montage, c'est ce que je préfère. Je n'interviens pas sur la réalisation. Mais en amont, je discute beaucoup avec le réalisateur, pour préciser mes intentions, les sentiments, les obsessions des personnages. »

 

Gérer un guest une saison entière

« Dès que j'ai rencontré Forest Whitaker pour le convaincre de jouer dans The Shield, j'ai discuté avec lui de l'arc, pour voir d'où venait son personnage, et où il irait. Lui-même est intervenu et c'est lui qui a dit qu'il devait être très droit, très rigide, au point que s'il fléchit, il rompt. Nous avons utilisé cette idée dans le tournage. Il a même choisi les expressions qu'il utiliserait, sa gestuelle. Nous nous sommes donc servis de la façon dont il s'est emparé du personnage, et de son changement physique, sa perte de poids, pour marquer l'implication de son personnage, de plus profonde, dans l'histoire. C'est l'incarnation du mal qui le ronge.

Mais nous avons aussi laissé tomber certaines choses au fur et à mesure du tournage. C'est pour ça aussi que j'aime écrire au fur à du tournage, pour choisir de nouvelles options. »

 

Gérer un personnage inexcusable.

Alain Carrazé : Comment tenir 7 saisons avec un personnage pour lequel il n'y a aucune rédemption possible aux yeux du spectateur ? Il a quand même tué un collègue de sang-froid dès le pilot ?

Shawn Ryan : J'ai appris moi-même une leçon avec cette série.

En effet l'irréparable est commis dès le début. Et au fur et à mesure de la série, on voit Vic faire le bien et le mal, réussir des enquêtes. Une fois que le mal est fait, il faut continuer à vivre sa vie.

Mais au final, quand le personnage de Forest Whitaker arrive pour coincer Vic, je pensais que la moitié du public voudrait qu'il réussisse, et l'autre moitié, qu'il échoue. Je me suis trompé, à la fin de la saison, tout le monde détestait le personnage de Forest Whitaker.

Je me suis rendu compte que, comme la caméra était toujours sur Vic, elle l'a humanisé, et le public a sympathisé avec lui, a pris son parti, contre un personnage beaucoup plus droit, beaucoup plus conforme. Du moment que le public peut ressentir de l'empathie, même pour un tel personnage, il ne peut pas aimer celui qui s'oppose à lui. »

 

Producteur ou scénariste, il faut choisir

Carrazé : Pour le dernier épisode de la série, qui l'un des plus final les plus beaux que j'ai vus, vous étiez absent car solidaire de la grève des scénaristes. Est-ce que vous le regrettez ?

Shawn Ryan : « En 2007, sur la fin du tournage, la grève entre les auteurs et les maisons de production a éclaté. J'étais dans une position délicate, car j'étais au centre des négociations, comme showrunner et producteur. J'ai donc fait un examen de conscience. Les derniers scripts avaient été écrits. Je me suis posé la question sur ce que j'étais. Et tout ce que j'avais fait sur le show, la production, le montage, me ramenait finalement à l'écriture, je ne pouvais séparer ces activités. Toutes les phases de production sont liées, mais le coeur, c'est l'auteur. Et ça n'aurait pas été honnête de poursuivre ces activités alors que les scénaristes étaient en grève. Je n'étais donc pas là pour la fin du tournage, et j'ai raté ce rituel, ce que je regrette amèrement, mais je reste persuadé que mon choix était le bon.

 

 

Terriers, échec marketing

Pour cette série, créée avec Ted Griffin, qui a fait Ocean's Eleven, la campagne marketing a été difficile, car le titre provisoire -qui est devenu définitif- et la campagne d'affichage étaient mauvais, et n'ont pas convaincu le public. On a coulé la série, alors qu'on était très fiers du show et des personnages. Ca nous a servi de leçon sur l'importance du marketing pour lancer une série, une bonne production ne suffit pas.

 

terriers

Extrait de Terriers, saison 1, épisode 9, scène entre Hank et une victime d'abus sexuels, où le jeune homme se confie.

 

The Chicago Code, un anti The Shield ?

J'ai cherché à faire un cop show différent de The Shield, de ne pas copier moi-même. Comment faire pour me renouveler ? D'abord le lieu : Chicago, l'opposé géographique de LA, avec une histoire politique très riche. Un vaste périmètre d'action dans the Chicago Code, alors qu'il est très délimité dans The Shield. Ensuite, une femme officier du plus haut niveau contre des flics de terrain. Enfin, des choix stylistiques différents : une image plus cinématographique, plus léchée dans The Chicago Code, et beaucoup plus granuleuse dans The Shield.

Dans The Chicago Code, comme ce sont des personnages honnêtes, ce qu'ils essayent de démasquer, c'est la corruption dans la politique locale. Ils suivent la trace d'un policitien local, qui traite avec la pègre. On a l'impression qu'il est sous la coupe de la pègre, mais dans l'extrait que nous allons voir, la nature véritable de leurs relations est révélée.

 

the chicago code

Saison 1, épisode 3. Le conseiller municipal coince le chef de la mafia locale

 

Les cop-show : « il faut renouveler le genre »

 

The Chicago Code ne s'est pas poursuivi, mais vous êtes parvenu à clore l'arc narratif principal. Comment avez-vous fait ?

« Nous avions tout filmé avant que la série ne soit diffusée, donc cette fin était prévue. Nous avions décidé de clore un arc principal par saison. De donner une autonomie narrative à chaque saison. »

 

Y-a-t'il encore un avenir pour le cop show ? Ou est-ce écrasé par le procedural ou par des séries typées The Mentalist ?

« Moi je pense qu'il y a un avenir, qu'il y a encore des choses à dire, mais il faut renouveler le genre. Le sujet est inépuisable car le cop show est le lieu d'exacerbation des passions, et il permet, à ce titre de dire des choses sur la condition humaine. Ca vous autorise à écrire des histoires très tendues. Mais certains shows : The Wire, NYPD blue, Homicide, ont mis la barre très haut, et ont bien défriché le genre. »

 

De nouveaux projets ?

En effet, nous préparons deux pilotes.

Pour CBS, une série basée sur les expériences d'un scientifique réel, qui en Californie, cherche ce que nous pouvons apprendre du déchiffrage du génome : notre passé, qui nous sommes, ce que nous pouvons devenir. Et notamment, en regardant le cerveau, il peut définir qui est schizophrène, qui est psychopathe, du moins c'est ce qu'il affirme savoir en regardant les scans du cerveau. Il a remarqué que son propre cerveau avait le profil d'un tueur en série, ce qui l'a poussé à remettre en cause sa système, et revenir sur la part de l'environnement. Ca va être un show qui va explorer les activités criminelles depuis une perspective scientifique.

Ca soulève des questions très intéressantes sur le degré de révélation auquel chacun d'entre nous peut accéder.

 

Et pour ABC, ça sera une qui se passe sur un sous-marin nucléaire américain, dont l'équipage ignore des ordres de la Maison-Blanche, et doit s'échapper. Ils arrivent sur une île hors de l'autorité de l'OTAN. Ils doivent négocier avec les autres nations, et utilisent leurs 24 ogives nucléaires pour faire levier, et se cacher des autorités américaines. C'est sur ce qui se passe aujourd'hui en Amérique, où deux clans s'affrontent sur l'utilisation de puissance américaine et la politique. Ca sera très feuilletonnant, basé sur les personnages, ça sera plus proche de Tom Clancy que de la SF. Un mix entre Lord of the Flies (Sa majesté des mouches) et Tom Clancy.

La suite, bientôt...

 

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L'auteur

Commentaires

Avatar LcD59c
LcD59c
Woow le pilote pour CBS a l'aire vraiment géniale !

Avatar Puck
Puck
En fait, ce qu'il décrit, c'est moins le pilot que les faits réels dont s'inspire la série. Oui, ça a l'air pas mal. Il faudra voir ce que ça donne. En tout cas, les extraits de Terriers, mais surtout de The Shield étaient de vraies tueries. Dommage qu'on ne puisse pas les mettre.

Avatar Taoby
Taoby
Tu lui a demandé si ça le branché de venir nous aider à écrire un scenario dans le topic "scénario" ? Où Monsieur a fait sa star?

Avatar Puck
Puck
Monsieur prétend ne pas parler suffisamment bien le français. Mais monsieur nous pipeaute... Il comprenait ce qui se disait dans la langue de Molière, on l'a bien vu. Non, mais à mon avis, monsieur boude parce que les avis sur The Chicago Code ne sont pas assez flatteurs.

Avatar Altaïr
Altaïr
Lord of the Flies c'est pas "sa majesté des mouches", plutôt ? Sinon, ça me fait plutôt peur son histoire de scientifique à la recherche des gênes des maladies mentales... c'est un terrain super glissant comme sujet.

Avatar Puck
Puck
J'ai mis quoi ? Ah OK. Je corrige. Merci

Avatar alanparish
alanparish
Moi perso les deux projets ne m'ont pas emballé du tout, en particulier le truc du sous marin. L'autre projet sur le génome humain pourquoi pas mais très septique sur le coup. Par contre comme le dit Puck les extraits qu'on a vus c'était du caviar. Le passage de The Shield j'étais à fond dedans et ce dès la première seconde (ce qui est très fort quand on connait pas la série et qu'on te file un extrait du milieu de la saison 5). Franchement j'ai bien envie de me matter The Shield rien qu'à cause de cet extrait. Terriers aussi a l'air pas mal du tout, surtout que j'adore l'acteur principal.

Avatar keri23
keri23
Cool j'espère que ces projets aboutiront...

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