Je ne me souviens pas vraiment ce qui m’a poussé à regarder The X-Files. Peut-être était-ce une envie de connaître enfin cette série qui aurait pu bercer mon enfance si j’avais été un peu plus attiré par la télé, ou bien une lassitude quant aux séries actuelles qui m’a poussé vers des séries plus old school, mais qui restent de grands classiques.
Oui, série "classique" signifie ce genre de coiffure...
J’ai tout entendu à son sujet : une grande série, une série surcotée, une série irrégulière ou alors des conseils comme « Ne regarde que les deux premières saisons, le reste ne vaut pas le coup ». Moi-même quand je me suis lancé, c’était plein de fausses impressions sur la série : je pensais réellement me retrouver face à Men In Black version série. Et pour se frapper 202 épisodes, la motivation ne se trouve pas facilement. Pour info, ça représente 5 jours, 21 heures et 24 minutes de série. Que dis-je, de bonheur !
Une série sur les extraterrestres… humaine !
Le 6 Mars 1992, une jeune agent du FBI, diplômée de médecine, Dana Scully (Gillian Anderson), est convoquée dans le bureau de son supérieur. Plusieurs hommes l’y attendent (ça sent la cigarette d’ailleurs), et lui communiquent sa nouvelle affectation, qui sera de rédiger un rapport sur Fox « Spooky » Mulder (David Duchovny), un agent diplômé d’Oxford, spécialiste des crimes violents, mais qui s’enterre dans le sous-sol des locaux du FBI pour enquêter sur les X-Files. Les X-Files, ce sont les affaires qui ont dû être classées par le Bureau faute d’explication convaincante, et que Mulder croit associées au paranormal.
Scully, scientifique pure et dure, est alors embarquée dès le pilot dans une histoire à dormir debout : des enlèvements extraterrestres. Evidemment sceptique, certains évènements vont tout de même lui causer quelques doutes : la voiture de nos deux héros qui s’arrête inexplicablement en plein milieu de la route, une lumière aveuglante, et 9 minutes de « perdues ». Mulder s’y connaît en matière d’enlèvements par nos chers aliens, puisque sa propre sœur a disparu dans son enfance, et la seule explication qu’il semble accepter est celle de l’abduction. Mais malgré ce que Scully voit, elle continue à ne pas y croire.
« Hé toi ! C’est qui le plus beau de nous deux ? »
Dès ce pilot, j’ai compris que la série n’aurait rien à voir avec mes attentes. Il est rare de voir un pilot de grande qualité, mais là, tout était réussi. On est embarqués dans l’univers de Mulder, on a envie d’y croire avec lui. On imagine que Scully sera bien assez vite convaincue malgré son approche scientifique. Du moins on l’espère. La dimension humaine de la série est bien plus importante que ce que je le pensais, notre héros ayant un lourd bagage et semblant assez torturé, Scully montrant les prémices d’un point de vue jeune fille rigoureuse mais un peu fragile à exploiter, les personnages sur qui se focalise l’enquête étant également assez approfondis.
Et en dehors de la trame mythologique de la série, sur les extraterrestres, on retrouve de nombreux cas relevant du paranormal. Tout ici y est étudié : la télékinésie, les mediums, la pyrokinésie, la sorcellerie, les fantômes, les anomalies génétiques diverses et variées, réincarnation, voyage dans le temps… à chaque épisode son cas, appelé « Monster Of The Week ». Des personnages très travaillés, qu’on ne croisera qu’une fois, voire deux dans certains cas. Et la véritable réussite, c’est d’arriver à insuffler le doute dans notre esprit de téléspectateur, en donnant un réel côté humain à la série. Après tout, les thèmes évoqués plus haut relèvent de la science-fiction. Mais finalement, à l’aide de situations ancrées au plus profond dans la réalité, de tentatives d’explication par Mulder pour convaincre Scully, on finit par se dire que tout est possible. On assiste à ces faits, ils sont irréfutables. Et là encore, le travail sur ces « Monsters » qu’on ne croisera que très peu relève du brio. On en arrive à comprendre leurs actions, parfois même à ressentir de la compassion.
Et même si j’adore Fringe, sur ce genre de cas, je n’ai pas la même implication dans ce type d’épisodes. Ce qu’a fait X-Files de ce côté-là est très fort.
Un complot omniprésent et omnipotent
La trame de la série, présente de plus en plus au fil des saisons, repose sur un gouvernement cherchant à cacher au monde l’existence des petits hommes verts (« Grey, actually »). Ce gouvernement au sein du gouvernement est incarné avec brio par l’homme à la cigarette. Un homme qui semble avoir deux coups d’avance sur tout le monde à chaque instant, qu’on retrouve dans plusieurs situations. On apprendra même, au cours d’un épisode qui lui est consacré, qu’il s’appelle C.G.B. Spender, et qu’il est l’homme qui a assassiné John Kennedy et Martin Luther King, qui devenaient trop gênants dans les sphères obscures et haut placées.
« Cancer-Man », comme le surnomme Mulder, fait en réalité partie d’un groupe, « The Syndicate », d’hommes tous probablement très haut placés, bien qu’on ne connaisse pas leurs fonctions respectives. Un Syndicat qui semble détenir la vérité sur tout.
« Fumer tue ? Pas si je tue "Fumer" avant ! »
Cette vérité, c’est précisément l’obsession de Mulder. Savoir, pour connaître le sort de sa sœur, pour révéler au monde ce qu’il ne sait pas. Cette croisade, le Syndicat en est bien conscient, et joue avec. Mulder semble balloté de droite à gauche, manipulé. Il apprendra même que son père était impliqué dans toute cette histoire, et qu’il est à l’origine de la disparition de sa sœur. Scully continue à ne pas croire à tout cela. Jusqu’à ce qu’elle aussi soit impliquée dans ce complot : elle disparaît pendant de nombreuses semaines, en raison de ce qui apparaît être une abduction. On l’aperçoit par instants subissant des tests qu’on dit pratiqués par les extraterrestres. A son retour, une puce lui est greffée au bas de sa nuque. Une fois retirée, Scully tombe malade, d’un cancer agressif et incurable. Et tout ceci va changer sa vision.
En matière de complot, les scénaristes ont toujours su distiller avec parcimonie et grande intelligence les révélations et informations. Elles se sont souvent matérialisées avec des sources, dont on a toujours douté. Deep Throat durant la première saison, qui a semblé manipuler nos héros par moments. Pareil pour X, Marita Corravubias…
Cette trame a par moments offert quelques incohérences, une fin pas forcément à la hauteur de ce qui était espéré. Mais au final, quand on y réfléchit, au terme d’une épopée moderne comme celle-ci, on se demande s’il pouvait réellement y avoir une fin Nous avons tout vécu avec nos héros, leurs espoirs, leurs doutes, leurs craintes, les révélations nous menant en bateau, au point d’avoir un doute sur l’existence des aliens, puisque l’on sous-entend que tout cela n’était qu’une machination destinée à cacher la vérité vraie, sur des expériences menées sur tous les américains via de simples opérations comme le vaccin contre la variole.
Il y a eu quelques facilités, quelques morts ressuscités assez inexplicablement, mais dans sa globalité, le fil conducteur de la série, présent sur plus du tiers des épisodes (au moyen de doubles voire triples épisodes au suspense parfois insoutenable) fut une réelle réussite.
Mulder/Scully : Une relation homme/femme réussie ?
Tout les oppose : Scully la scientifique, procédurière, coincée du cul par moments, et Mulder le cynique, désinvolte et prêt à croire tout ce qu’on lui dit. Et cette opposition se matérialise pendant de nombreux épisodes, pleins de tension entre les deux protagonistes.
Il est toujours délicat de voir interagir deux héros de sexe opposés dans une série. Le « Will they/ Won’t they » omniprésent, le souhait des fans, font que souvent les scénaristes basculent dans la facilité et font tomber rapidement amoureux nos héros. Cette relation est le chef-d’œuvre de Chris Carter et Vince Gilligan. Mulder et Scully se sont rapprochés lentement mais indéniablement, sans pour autant qu’à aucun moment, la tension sexuelle soit omniprésente. Sans qu’à aucun moment on ait de déclaration d’amour de l’un ou de l’autre. La dynamique du couple était géniale, portée par un duo Duchovny/Anderson à l’alchimie parfaite et au talent exceptionnel. On s’attache vite à Scully la fille de militaire pourtant fragile (même si au début elle ressemble à Peggy de Mad Men), et Mulder le garçon tourmenté mais au sens de l’humour vif. On a envie de les voir ensemble. Au final, il s’est installé un amour entre les deux. C’était inévitable. Mais on sentait plus une relation fraternelle, fusionnelle, l’un prêt à mourir pour l’autre. Une complicité de tous les instants, une vie de petit couple. On prenait un grand plaisir à les voir interagir, s’engueuler, se jalouser quand des femmes séduisaient Mulder ou lorsque certains personnages prenaient l’apparence de Mulder et séduisaient Scully.
Tout ce qui leur est arrivé les poussait inextricablement l’un vers l’autre. Mais il faut tirer un grand coup de chapeau pour avoir attendu aussi longtemps pour avoir un véritable premier baiser entre les deux personnages.
Deux personnages complémentaires, portés par deux excellents acteurs, qui constituent la fondation de la série. Mais durant leurs enquêtes, Scully et Mulder n’étaient pas seuls…
Des personnages secondaires incontournables
Qu’ils soient gentils ou méchants, ils ont animé la série par leur présence. On a eu Walter Skinner (Mitch Pileggi), Assistant Directeur du FBI, supérieur hiérarchique direct de Mulder et Scully, au début agacé par les tribulations de Mulder, puis qui a été impliqué à son tour, et s’est révélé être un renfort de poids. Byers, Langly et Frohike, alias « The Lone Gunmen », trois geeks qui publient un journal éponyme destiné à faire découvrir la vérité. De plus en plus présent, leur humour, leur geekitude auront toujours été un grand plaisir pour tous les amateurs de la série. Ils auront même leur propre série durant une saison.
« Nous on arrive à hacker sous Windows 95 et IE 1. Alors respecte-nous. »
Les sources, Deep Throat, X, Corravubias, Kritschgau, ont tous joué un rôle important dans les révélations faites à la fois à Mulder et Scully mais également au téléspectateur.
Du côté des méchants, CGB Spender le machiavélique a déjà été évoqué, on a eu également le chasseur de primes alien, qui n’a pas souvent eu l’occasion de se mettre en valeur par du dialogue, mais qui a été un personnage omniprésent de la série. SPOILER : On peut également citer Alex Krycek (Nicholas Lea), tueur à gages d’origine russe travaillant au compte de Spender. Récurrent quoique par moments dans des situations très compromettantes (main coupée, infecté par un virus extraterrestre…), il s’est également par moments révélé utile pour Mulder, bien qu’il ait assassiné son père. FIN DU SPOILER
Et c’est sans compter les agents du FBI récurrents (Diana Fowley, Jeffrey Spender, John Doggett, Monica Reyes) qui ont succédé ou remplacé temporairement Mulder et Scully au département des X-Files, qui ont joué un rôle majeur dans la série à un stade plus avancé.
Tout ça sans oublier les guests d’une richesse inouïe (même si par moments certains acteurs ont joué deux rôles différents à quelques saisons d’intervalle, comme Terry O’Quinn, présent à trois reprises dans trois rôles différents).
Une série de haute volée… sur 7 saisons.
Cette partie contient quelques spoilers mineurs.
Il faut bien en parler, la série a su maintenir un rythme époustouflant sur les 5 premières saisons. A partir de là, et après le film, qui aurait dû à l’origine clôturer la série, la série a commencé à décliner. C’était peu visible sur les saisons 6 et 7, la série se reposant sur ses bases avec de bons loners, d’excellents épisodes mythologiques et un relation Mulder/Scully toujours au top. Ca l’est devenu lorsque Duchovny a quitté la série. Non pas que son remplaçant ait été mauvais, j’ai bien apprécié Doggett, mais la dynamique n’était plus la même, et même si l’on s’inquiétait du sort de Mulder, on ne vibrait pas autant. Et c’était pareil dans la saison 9, avec quelques arcs mythologiques parfois superflus, et un épisode spécial qui apporte une conclusion controversée. Je l’ai apprécié dans sa globalité malgré tout, notamment le retour de tous les personnages qui ont pu aider Mulder à un moment, mais on sentait que c’était réellement pour clôturer la série.
Au final, malgré ce déclin, The X-Files est un des grands classiques des années 90. Une série de grande qualité, aux loners rarement moyens, très souvent bons et parfois excellents (Jose Chung from Outer Space, Triangle, Bad Blood, Post-Modern Prometheus, The Field Where I Died, et j’en oublie probablement…), à la trame mythologique prenante, rythmée et consistante sans trop verser dans le spectaculaire incohérent. Le sentiment de clôture n’est pas réellement là, on reste un peu sur notre faim, mais ça ne pouvait en être qu’ainsi. Après tout, « The Truth is out there »…