La nouvelle est tombée, ce mardi 23 juin. Hannibal rejoint le cimetière des "séries annulées trop tôt" de Bryan Fuller, aux côtés de Dead Like Me (que je n'ai pas vue), Wonderfalls (non plus !) ou la plus récente Pushing Daisies (ah, elle si !). Si l'avenir de la série est encore incertain, et que celle-ci pourrait connaître une seconde vie sur de nouvelles plateformes, la saison 3 est toujours à l'antenne, et n'en est pour l'instant qu'à son quatrième épisode. Certes, il faudra attendre que les treize chapitres de cette nouvelle fournée soit diffusés afin de se faire une idée précise sur la cohérence de cette troisième saison. Néanmoins, à l'aube de cet hypothétique dernier repas en compagnie du cannibale le plus élégant du petit écran, voici cinq raisons essentielles qui devraient vous pousser à persévérer le temps d'une dernière saison.
Une série qui flatte la rétine
Alors certes, ce doit être l'argument le plus suranné autour de la série, mais le fait est là : Hannibal est l'une des plus belles choses qu'il m'a été donné de voir sur petit écran. Cependant, cette quête perpétuelle de la stylisation est progressivement devenue un la bête noire de certains spectateurs, qui voyaient dans cette surenchère visuelle une belle coquille vide tournant à vide.
Que ces derniers se rassurent: la saison 3 ne change absolument pas de direction. Tout y est visuellement outré, baroque, grandiloquent. Cependant, si on excepte quelques rares passages (la séquence d'introduction à moto du season premiere, très "Dior Homme"), le visuel n'a jamais autant été au service du récit. Le season premiere et son ambiance ouatée, quasi-fantastique, nous perd dans les rues de Florence en compagnie de Bedelia du Maurier. L'absence de tous le cast traditionnel de la série, qui représentait jusqu'alors la part "rationnelle" du show, renforce cette impression de douce irréalité, comme un cauchemar qui ne voudrait pas se finir.
Un conte de fées macabre
La saison 1 était un procedural horrifique, la saison 2 un thriller cauchemardesque. La saison 3 opte pour le conte de fées, et ce n'est pas une mauvaise idée. La série semble enfin s'être débarrassée de tout souci de vraisemblance, qui représentait un de ses points faibles lors de la seconde saison. En acceptant la part quasi-fantastique du personnage d'Hannibal Lecter, tour à tour Il Mostro, Dieu, Satan ou Faust, la série accorde enfin au personnage le statut mythique qui lui revient de droit. En ce sens, la découverte du manoir Lecter en Lituanie lors de l'épisode 3 n'est pas sans rappeler les diverses représentations du manoir de Dracula au cinéma, renforçant ainsi l'impression que nous sommes à présent entré dans une véritable théogonie du personnage éponyme.
La série se joue donc de sa propre mythologie, Hannibal Lecter brisant lui-même le quatrième mur lors du season premiere en entamant le récit par un réjouissant "Let it be a fairy tale, then !". Le déplacement géographique de la série, à Florence et en Lituanie (pour le moment) contribue aussi au dépaysement du spectateur, et change du Minnesota neigeux des deux premières saisons, étendant la toile d'araignée du docteur Lecter à une échelle beaucoup plus impressionnante.
Un duo délicieux
Bedelia du Maurier a toujours fait partie de mes personnages préférés de la série. Peu dupe du jeu d'Hannibal, elle est l'unique protagoniste qui n'hésite pas à s'adresser à lui sans fard, en le confrontant à ses propres contradictions. Son absence durant la saison 2 a considérablement alourdi la série, ne laissant pour seul interlocuteur à Hannibal qu'un Will Graham beaucoup trop sérieux et mélodramatique.
Le retour de Bedelia, lors de la scène post-generique du season finale de la saison 2 était surprenant, voire quasiment out-of-character dans ce contexte. Cependant, cette saison 3 offre un nouveau regard sur le couple Bedelia/Hannibal. Séduisant et vénéneux, amants et ennemis, complices et rivaux, cette relation est un vrai vent de fraîcheur, porté par deux acteurs qui s'amusent visiblement beaucoup à jouer La guerre des roses, version cannibale. La scène du dîner de l'épisode 3, par exemple, représente un petit bijou d'écriture, alternant le rire et l'effroi en l'espace d'une réplique.
Festin(a) Lent(e)
La saison 2 avait démarré sur les chapeaux de roues, pour peu à peu perdre en force et en cohérence, jusqu'à un final magistral, mais hélas moins percutant que prévu, la faute aux errements qui avaient précédé. Arrivé au troisième épisode de cette saison, il est encore difficile de savoir ce que veut nous raconter la série. Débarrassé de son aspect procedural, la série peut enfin prendre le temps de raconter ce qu'elle veut, et de développer ses personnages sans introduire un nouvel assassin tordu à chaque épisode. Nul doute que ce virage quasiment contemplatif dans l'écriture n'a pas dû aider à attirer de nouveaux spectateur outre-mer, mais il est aussi le bienvenu pour le spectateur assidu, tant la formule un assassin/un épisode tirait la série vers le bas lors des saisons précédentes. Hannibal Lecter se suffit bien à lui-même.
De même, la réintroduction progressive des personnages secondaires au fil des épisodes évite la surcharge et permet à chacun d'entre eux d'être traité avec le soin nécessaire. Si on peut encore se questionner sur la nécessité de ramener autant de personnages vivants après le massacre du season finale précédent, l'ensemble est fait avec un véritable traitement des conséquences, comme on le constate lors de l'épisode 2 et de son twist très astucieux.
Une saison pleine de promesses
Que ce soit le traitement du passé d'Hannibal, qui sera bien différent des Origines du mal (selon Fuller himself), l'adaptation de l'intrigue du Dragon Rouge (interprété par Richard Armitage), le retour des Verger, la possible arrestation d'Hannibal, Bryan Fuller a promis une saison riche en rebondissements et en surprises, mais toujours fidèle à l'univers créé par Thomas Harris. A l'origine prévue sur 7 saisons, le créateur d'Hannibal a dû revoir ses attentes à la baisse sur cinq saisons. Néanmoins, le finale de la saison 3 pourra tout autant servir de series finale que celui de la saison 1 (une fin pleine d'ironie qui renversait les rôles entre Hannibal et Will) ou de la saison 2 (une fin nihiliste, absolue qui célébrait la toute puissance d'Hannibal). Mais voir la série se terminer sans adapter Le silence des agneaux, ce serait tout de même un peu triste, non?
Cette troisième saison a été, jusqu'à maintenant, un sans-faute. L'annonce de l'annulation de la série alors qu'elle est parvenue à un sommet qualitatif ne peut dès lors qu'être un crève-coeur pour moi. Que ce soit dans ses défauts comme dans ses qualités, j'aime Hannibal, car elle a le mérite de proposer quelque chose de différent, d'audacieux, et d'infiniment intéressant en terme de visuel et d'écriture. Si l'aventure s'arrête ici, nul doute que nous retrouverons Bryan Fuller sur de nouveaux projets tout aussi intéressants, notamment l'adaptation d'American Gods, actuellement en discussion. Mais le plus élégant des cannibale me manquera, tout comme ses vestes à carreaux...