Histoire et débats : la série TV #4

Le 09 novembre 2010 à 18:42  |  ~ 12 minutes de lecture
Bon, cette fois, c'est sur, Histoire et débats s'intéresse à la France, mais pas seulement. La censure, ça vous dit quelque chose?
Par Scarch

Histoire et débats : la série TV #4

~ 12 minutes de lecture
Bon, cette fois, c'est sur, Histoire et débats s'intéresse à la France, mais pas seulement. La censure, ça vous dit quelque chose?
Par Scarch

Pour en finir avec les anglo-saxons...

 

Avant de clore le chapitre sur la série TV dans les années 60 aux USA et en grande-Bretagne, il nous a semblé judicieux de nous pencher sur le traitement des programmes par les organismes de censure à cette époque et de comparer le modèle britannique au modèle Américain. Après ça, c'est promis, nous retournerons aux senteurs fromagères de nos contrées.

 

La semaine dernière, nous avons parlé des trois principales séries des années 60 en Angleterre. Parmi celles-ci se trouvait à raison Docteur Who qui, rappelons le, est devenu une véritable institution pour les anglais. Pour franchir légèrement la limite du cadre du dossier de cette semaine, nous nous arrêterons cette fois-ci sur un événement de 1970 dont les prémices se situent quelques années auparavant.

Cette année là (à lire sans chanter) ainsi que les suivantes, Mary Whitehouse se plaignit régulièrement à la BBC de la série Dr Who pour son caractère violent, effrayant et choquant. Mais au fait, c'est qui cette Mary Whitehouse et pourquoi cette dernière marqua l'histoire plus qu'un ou une autre?

Mary Whitehouse était - elle est morte en 2001 – une militante pour les valeurs morales et la décence religieuse britannique. Cette dame était d'ailleurs tellement dévouée à sa cause qu'elle fondit, en 1965 la National Viewers' and Listeners' Association, plus connue à notre époque par les britannique sous la dénomination Mediawatch-uk. Cette association qui incarne le puritanisme anglais milite activement pour préserver les programmes audiovisuels de la violence, la sexualité et autres joyeusetés. C'est ici que cela entre dans le cadre de notre enquête car le mode de censure britannique étant différends dans sa mission et son action du modèle Américain, cela expliquera par la suite la différence profonde qu'il existe entre les séries britanniques d'époques et leurs homologues d'outre-Atlantique.

Mary Whitehouse en 1993

Deux ans avant la création de l'association dont nous venons de parler, Mary Whitehouse la bien-nommée écrivit une lettre à la BBC pour réclamer un entretien avec le PDG de l'époque: Hugh Greene, entretien qu'elle n'obtint pas sur le coup pour être rediriger vers Harman Grisewood, délégué sur l'affaire par Mr Greene. Malgré les plaintes formulées lors de l'entretien concernant le non respect de la morale dans les programmes de télévisions, celle-ci n'observa aucune amélioration dans les mois qui suivirent. Selon Mary Whitehouse, Hugh Greene était « plus que n'importe qui d'autre (…) responsable de l'effondrement de la morale anglaise » rien que ça. Le manifeste de l'association accusait la BBC de propagande antireligieuse et pro infidélité et alcool et voyait plutôt la télévision comme un support pour encourager la foi en Dieu... Ce manifeste donna lieu à une pétition qui fut signée par 500 000 personnes.

En refermant la parenthèse sur le combat de la National Viewers' and Listeners' Association, nous nous apercevons que le mode de censure Britannique se base sur les valeurs défendues par la population, ici incarnées par l'association. La télévision anglaise était ainsi régulée dans le fond et dans la forme par la culture anglaise elle-même incarnée par cette association entre autre, et soutenue par le public, tout comme la France à l'époque, le CSA n'ayant fait son apparition qu'a la fin des années 80. Les séries télévisées de l'époque, sans être des outils de propagande comme l'affirmait Mary Whitehouse, véhiculaient donc plus ou moins des modèles de valeurs et de culture propres à leur pays. Ce n'était pas le cas des américains qui, et nous nous en rendons comptes à notre époque, tendaient plus à exporter la culture américaine.

Dans un article de la publication "LE RYTHME ET LA RAISON" Bruno Bordier nous explique que la Federal Communication Commission, l’agence de régulation des médias (FCC) « fut créé en 1934 non seulement pour assigner les fréquences des stations de radio et plus tard de télévision, mais aussi pour gérer une sorte de cahier des charges, c'est à dire afin que les programmes comportent un certain pourcentage de matériel servant l'intérêt public. » Il continue plus loin dans l'article ainsi: « il semble étonnant que dans un pays glorifiant le capitalisme, un organisme commercial libéré de contraintes telles que celle-ci, supprime de par lui-même un argument de vente surpuissant (le sexe). Mais il faut se rappeler l'existence de groupes d'influence (les lobbies) qui peuvent exercer des pressions très importantes sur la fibre sensible du capitalisme : le marché.

Associations de parents, groupes religieux… Voilà sans doute l'origine ultime de cette censure qui traite l'américain moyen comme un enfant dont on ne doit pas "souiller" l'esprit. Pays de toutes les libertés, sans doute, mais pas pour tout le monde. »

Avant tout, il convient pour expliquer les termes de l'article, de préciser que la télévision américaine est basée sur le modèle capitaliste de la concurrence. En premier lieu, la concurrence s'établissait dans les années 50 entre le cinéma lui-même et la télévision et ses œuvres de fiction. Ensuite, la concurrence était présente entre les différentes chaines publiques, privées et locales. Enfin, en substance, il s'agissait de concurrencer d'autres cultures et d'autres modèles économiques.

L'action de la FCC, comme le précise Bruno Bordier visait à inclure dans les programmations un certains nombres d'éléments servant l'intérêt publique. Sans nous étendre sur le fait que la FCC visera plus tard à promouvoir la concentration horizontale entre les différents networks, nous pouvons déjà constater qu'a l'époque, le parti pris américain n'était pas de sensibiliser à la morale (toute parole jugées immorales étant purement et simplement supprimées et remplacées par un « bip ») en particulier, mais de véhiculer un message positif du pays et de propager sa culture.

Il faut en outre, prendre en considération l'importance des lobbies, des religions et de l'ultra libéralisme lui-même. Ainsi, la censure outre-atlantique ne s'exerce pas du tout comme en Europe ou la légitimité culturelle est telle qu'il n'y a nul besoin de s'intéresser à l'intérêt publique ou a la propagation de la culture du pays. La censure en Europe vise simplement à protéger le téléspectateur de l'immoralité, quand celle des USA œuvre sur plusieurs niveaux, y compris celui qualitatif qui cherche à émettre une image propre et saine du pays et de son modèle économique.

Ceci confluera le chapitre sur les années 60 aux USA et en Angleterre. Nous pouvons donc à présent nous concentrer sur la même période en France.

 

Cocorico?

En France, l'ORTF, la seule chaine Française de l'époque multiplie considérablement son panel de séries TV et feuilleton. Alors que la décennie précédente n'avait vu passer en tout et pour tout que 2 feuilletons et 2 séries télévisées sur la chaine, à savoir « Agence Nostradamus » et « Le tour de France par deux enfants » pour les feuilletons, et « Ivanohé » et « les  cinq dernières minutes » pour les séries télévisées, les années 60 voient arriver en tout 13 feuilletons et 28 séries télévisées répartis sur la décennie.

 

Alors que le premier feuilleton Français des années 60 fait son apparition au début de la décénnie, à savoir « le temps des copains » en 1961 (une série sur la collocation et l'amitié étudiante où l'on se serre les coudes dans toutes les galères), la première série tv 100% française n'apparait, elle pas avant 1962 avec l'inspecteur Leclerc enquête. On peut alors déjà noter la thématique propre aux productions Françaises qui n'ont pas tellement changées avec le temps à savoir les histoires quotidiennes incarnées à notre époque par Plus belle la vie ou sous le soleil, et les enquètes policières pour lesquelles je ne pourrais pas donner de liste exhaustive pour les comparer à notre époque.

Déjà à l'époque, la série Américaine et britannique envahit le petit écran Français. Su les 28 séries télévisées diffusées a partir des années 60 en France, seules 12 d'entre elles sont Françaises.

En voici la liste:

  • L'inspecteur Leclerc enquête (policier)
  • Bonne nuit les petits (programme pour les enfants)
  • Thierry La Fronde
  • Le manège enchanté (programme pour les enfants)
  • Les saintes chéries (vie quotidienne)
  • Les globes trotters
  • Kiri le clown (animation)
  • Vidocq (policier)
  • Allo Police (policier)
  • Les chevaliers du ciel
  • Les enquêtes du commissaire Maigret (Policier)
  • Les Shadoks (animation)

 

Nous pouvons déjà enlever les programmes pour les enfants et les séries policières pour nous concentrer sur les programmes originaux qui ont marqués leur époque ce qui réduit déjà la liste à 6.

Parmi ces 6 séries, 3 ont marqués leur époque, et c'est sur celle-ci que nous allons nous arrêter pour conclure cet article (je m'excuse par avance, Vidocq est une série policière qui a marqué son époque, mais nous nous concentrerons sur ce genre cher à la France dans un prochain article).

Le 3 novembre 1963, L'ORTF diffuse pour la première fois une série dont le héros est Français tout en n'étant pas policier. Un héros comme Robin des Bois, sans arc, mais avec une fronde. Vous l'avez compris, il s'agit de Thierry la fronde. Ce personnage est un des rares héros de la culture Française qui soit né d'une série tv et qui engendrera ensuite des livres tirés de ses aventures. Après enquête sur le net, il n'existe pas vraiment d'anecdote croustillante sur cette série dont la diffusion s'arrêta en 1966. Ses trois saisons suffirent pourtant à faire de ce programme une série culte et a implanter le personnage dans la culture Française, qui plus est un personnage héroïque.

Autre série en 3 saisons remarquable, les chevaliers du ciel qui fut diffusée entre 1967 et 1969. Encore une fois, la série misait sur l'originalité en suivant deux pilotes de chasses Français dans leurs mission et ce sans aucun effets spéciaux. Tous les plans de chasse étaient filmés depuis un autre avion ce qui donnait à la série un réalisme exemplaire. Ceci peut être confirmé par le fait qu'un acteur de la série à même été félicité pour ses prouesses en vol par un capitaine étranger qui ne savait pas que l'acteur n'était qu'un... acteur. En outre, le générique était tout de même interprété par Johnny Halliday himself.

 

La deuxième saison de la série vit l'apparition de la couleur ce qui accentua encore le réalisme. Tout ceci fit des chevaliers du ciel une autre série culte qui fera l'objet d'un remake en 1988 et d'un film en 2005.

Nous ne pouvons pas raisonnablement conclure cet article sans parler des Shadoks et de son narrateur Claude Piéplu car il faut savoir qu'en ce temps là, les Shadoks shadokaient, shadokaient, shadokaient... Seuls les plus vieux pourront surement comprendre la dernière phrase mais sachez que cette série était en fait un dessin animé grossièrement dessiné qui misait grandement sur l'invraisemblable et la bêtise. Pierre Desproges divisera plus tard la France en deux parties: « les imbéciles qui aiment »   les Shadoks et « les imbéciles qui n'aiment pas ».

Si cette série TV Française cultissime devint ce qu'elle est c'est principalement par le biais de la polémique qu'elle souleva. Une polémique au demeurant pas vraiment profonde vu qu'elle opposait ceux qui aimaient les Shadoks aux autres. Naturellement, sans contenu, la série serait passée aux oubliettes rapidement, mais l'univers créé par Jacques Rouxel et narré par Claude Pieplu dont la voix imprègne la série était travaillé a tel point que certains proverbes et rudiments de langages et de mathématiques Shadoks ont été étudié et sont encore connus des fans. Enfin, fierté nationale, la série est racheté par la télévision anglaise et est diffusée a partir de 1973 en Angleterre.

 

Voilà, nous n'en avons pas encore fini avec la série télévisée en France dans les années 60, c'est pourquoi je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour conclure le chapitre sur les années 60, et éventuellement ouvrir celui des années 70. Tout un programme. En attendant, vous pouvez éventuellement exprimer votre point de vue sur la différence entre censure Européenne et Américaine. A la semaine prochaine!

L'auteur

Commentaires

Avatar elpiolito
elpiolito
La censure américaine, c'est encore pas mal ça à l'heure actuelle. Certes, on retrouve beaucoup plus de séries plus "libérées", mais ça reste très propre sur soi : pas beaucoup de mots vulgaires, très peu de sexe voir simplement de nu visible (je suis prêt a parier que l'on voit plus de fesses dans Une Femme d'Honneur que dans la moitié des séries américaines). Et même au niveau liberté d'expression, sans chercher le vulgaire ou le sexe, il y a quand même énormément de limitations. Rien que l'épisode 201 de South Park qui est truffé de bip pour éviter de prononcer Mahomet. Pour un pays qui défend la liberté d'expression, c'est dommage. La seule chose qu'il ne censure pas c'est la violence, ce que je trouve un peu dommage. certes, il en faut un peu, on est pas des bisounours mais pour certaines séries, c'est à se demander si ce n'est pas un concours de celle qui serait la plus gorette, alors que des fois c'est inutile (à mon avis en tout cas, je pense que tous ne partageront pas mon opinion...). Par contre, je ne me considère pas comme vieux et je sais que les shadoks shadokaient, enfin surtout qu'ils pompaient, pompaient ... A tout hasard, si quelqu'un sait où trouver la collection complète des épisodes, ça m'intéresserait, j'étais plutôt parmi « les imbéciles qui aiment » !

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