Qu'y a-t-il de l'autre côté du jardin ? Puisque les rêves ne se réalisent jamais, et si on prétendait ? Quelque part perdu dans l'Histoire, repose un lieu que peu ont vu, appelé l'Inconnu, où les histoires ressurgissent du passé, pour ceux qui s'aventurent dans la forêt.
C'est ainsi que débute le récit de ce conte merveilleux. Un conte qui nous transportera dans une forêt mystérieuse et qui nous fera passer du rire aux larmes et de la contemplation à l'émerveillement en un éclair. Over the Garden Wall est une mini-série d'animation produite par la chaîne Cartoon Network et constituée de 10 épisodes de 11 minutes chacun, formant au final un long-métrage d'1h50. Si déjà dans la forme la série se révèle novatrice, il ne faut pas longtemps en s'y plongeant pour comprendre que nous avons en face de nous un petit bijou.
Diffusée en 2014 et ayant reçu un excellent succès critique, dont une récente consécration aux Emmy Awards, la série Over the Garden Wall est malgré tout restée discrète, la faute à une diffusion quotidienne étalée sur moins d'une semaine et la volonté de la part de son créateur de se limiter à raconter une histoire de 10 épisodes. Il n'y aura donc, logiquement, pas de saison 2. Pourtant, ce n'est pas une raison pour continuer à passer à côté de ce cartoon.
Car c'est bien simple : il s'adresse à tout le monde. Petits et grands, jeunes et moins jeunes. Il suffit de se laisser porter par l'histoire, ni plus ni moins. Ce dessin animé aurait mérité d'être plus connu. C'est ainsi que je vais essayer, en quelques paragraphes, de vous convaincre de lui laisser sa chance.
Sur le papier, magnifique
Commençons par la forme. Visuellement, le dessin animé est à tomber. Vraiment, le style graphique est un élément subjectif, certes... mais ici il est tout simplement magnifique. A la longue on dirait presque une toile artistique. Le coup de crayon est fantastique. Les décors sont ravissants et les arrière-plans extrêmement travaillés, que ce soit au niveau des détails ou des références et indices qui s'y cachent. Pourtant la série sait rester sobre et simple, la preuve avec le trait pour les personnages somme toute classique qui fonctionne diaboliquement bien.
Le jeu d'ombre et de lumière est saisissant.
L'ensemble forme vraiment une œuvre d'art. Chaque chapitre se savoure comme un roman illustré, comme une galerie de tableaux que l'on contemple avec émerveillement. Il y a, de plus, une véritable mise en scène. Contrairement à pas mal de cartoons, ce n'est pas seulement une suite de plans d'ensemble, de travellings suivant les personnages pendant qu'ils marchent et de champs/contre-champs quand deux personnages se parlent. Il y a une véritable recherche dans la réalisation et dans les angles de "caméra" - mot bien sûr incorrect, justement, c'est l'idée qui s'en rapproche le plus. Par exemple, certaines utilisations de la 3D sont exemplaires :
"The Highwayman Song", de l'épisode 4 : Songs of the Dark Lantern
Du coup, Over the Garden Wall adopte tout de suite une certaine patte graphique très atypique. Elle instaure une ambiance certainement sombre et qui varie selon le degré de sérieux de l'histoire. Du noir le plus complet quand les personnages sont perdus, au blanc immaculé de la neige quand le dénouement final pointe le bout de son nez, en passant par des tons aux couleurs automnales, l'ambiance est tantôt oppressante, tantôt fantaisiste, mais colle la série à la peau du début à la fin.
Cela va de paire avec les musiques. Vous en avez un aperçu juste un peu plus haut. Elles sont plutôt spéciales, à l'image de la série. Certaines sont bon-enfant et ont une mélodie restant dans votre tête, d'autres plus étranges et dégageant parfois un sentiment inquiétant. Elles sont centrales dans la série - il y en a 10, une par épisode - et ne sont pas simplement là pour meubler : elles font partie intégrante de l'histoire et leurs paroles nous révèlent parfois des choses, si tant est que l'on y prête l'oreille...
Un des nombreux instants musique, ici lors de la croisière de l'épisode 6 : Lullaby in Frogland
Cette série reste visuellement gravée dans votre mémoire. Vous savez, ce genre de séries dont l'empreinte artistique est tellement soignée qu'on associe immédiatement des plans, des couleurs et des formes dans sa tête quand on pense à elle ? Over the Garden Wall fait cet effet-là.
Dans le fond, une aventure riche et extra-ordinaire
Alors, l'aventure est bien emballée et vous en mettra plein la vue. Et pas seulement. Elle vous marquera aussi émotionnellement, du moins c'est ce que j'espère.
Le scénario est fantastique. Avec un pitch aussi vague, je n'imaginais pas qu'une mini-série d'animation puisse être aussi dense. Préparez-vous à une avalanche de twists. Du simple rebondissement concernant le scénario du premier épisode, à la claque remettant en cause tout ce qu'on sait du fil rouge, les surprises s'enchaînent et nous amènent toujours à vouloir voir la suite. Si la série abuse parfois de l'effet "standalone" et choisit de ralentir un peu son récit, tout finit par ressurgir et on ne s'ennuie jamais. Quant à la fin de la série, n'ayez crainte. Over the Garden Wall est conçue comme un film qui n'est pas destiné à avoir une suite. Le season-finale boucle son histoire et nous réserve une fin à couper le souffle, qui sait nous apporter des réponses satisfaisantes, ne laissant que très peu de choses inexpliquées. Petit plus : la série s'achève avec suffisamment de matière pour nourrir théories et interprétations en tout genre. Si vous êtes encore du genre à théoriser sur Lost, vous ne trouverez que du bonheur.
Le fil rouge est surprenant et très bien géré.
Ce qu'il y a de fantastique en plus du bon scénario, c'est qu'absolument TOUT était planifié. Il faut savoir que la série a été imaginée en 2004 et pitchée à la chaîne Cartoon Network en 2006. Cela faisait 10 ans que Patrick McHale, le créateur de la série, l'avait conçue. C'est plus que la majorité des films, alors qu'OTGW dure bien moins longtemps qu'un gros long-métrage. Forcément, cela se ressent, et la densité et la richesse de l'Univers créé n'ont plus rien d'étonnant, même si cela reste extraordinaire. Car quand je dis que tout était planifié, c'est vraiment au point où une semaine après avoir visionné l'entièreté de la série et pendant toute la rédaction de cet article, je continue de découvrir des indices manqués, des références et "easter-eggs" prémonitoires, des liens là où on ne les avait pas remarqués, des détails pouvant conduire à toute une réinterprétation du cartoon entier, des secrets et des mystères pouvant apporter des explications supplémentaires sur des intrigues secondaires qu'on pensait avoir oubliées...
Vous savez, ce genre de séries qui vous donnent envie de les revoir immédiatement ensuite, ce genre de séries ou d'œuvres visuelles en général qui, à partir d'un certaint point, font constamment référence à un nouvel élément de leur récit presque à chaque nouvelle scène ? Over the Garden Wall tombe dans cette catégorie, haut la main.
Le bûcheron de la forêt, doublé par Christopher Lloyd (le Doc dans Retour vers le futur), l'une des nombreuses guest-stars de la série.
Alors attention, la série reste très accessible. Elle se situe certes un peu au-dessus du niveau des cartoons habituels et ne pourrait pas être tout à fait comprise ni appréciée avant un certain âge pour les enfants, mais elle reste très simple et précise dans sa narration. Exemple avec les personnages : ils sont très bien écrits et tous humains, ils ont tous une part de gris, néanmoins ils sont en apparence simplets. Pourtant, plus l'intrigue avance, plus nous découvrons une backstory pour tous. Chaque trait des personnages principaux, physique ou caractériel, est là pour une raison que l'on comprend par la suite. Même les secondaires sont un peu développés, dans la mesure du possible. Même la grenouille aura un rôle ! Bien sûr, il y a des personnages "one-off" avec une unique apparition, présents dans un standalone en particulier. Et il y a des figurants. Mais beaucoup moins que vous ne pensez.
C'est aussi ce qui fait toute sa beauté en fin de compte : en pensant suivre quelque chose de très simple et de très limpide, on découvre petit à petit la richesse du scénario d'ensemble. Pour ceux cherchant des choses faisant réfléchir, sachez que derrière ce cartoon se cachent des thèmes hyper intéressants. Des métaphores pleuvent souvent, la subtilité est reine et la fin, sans donner de spoiler, contient une part de symbolisme assez marquée et fait vraiment émerger un nouveau regard sur toute la série, comme toute excellente fin digne de ce nom devrait le faire.
Quand un plan ne cache aucun détail en particulier, il est juste beau.
La série dans son ensemble n'a pas pour moi de message en particulier à faire passer. Elle a juste quelque chose à raconter : une histoire. Elle nous raconte une histoire, un conte, puis nous laisse méditer là-dessus. Avec cette histoire, elle veut nous faire ressentir des choses, ce qu'elle réussit merveilleusement bien. Cette histoire nous touche. Elle peut vous faire ressentir de la peur, de la joie, de la tristesse, de la nostalgie, elle peut sans doute en mettre certains mal à l'aise même, je suppose. Ce qui pourrait être malheureusement motif pour ne pas regarder. Pour ma part, ce fut surtout de l'émerveillement et de l'admiration. Et je pense que cela peut être différent pour tout le monde. C'est aussi pour cela que je disais plus haut que la série s'adresse à tous : je pense qu'elle éveille en chacun des choses différentes. Elle a quelque chose à transmettre, quoi précisément, je ne sais pas, mais vous le saurez probablement en regardant.
Over the Garden Wall, c'est quoi en fait ?
Alors finalement, qu'est-ce qu'Over the Garden Wall ? Difficile de le définir précisément. C'est avant tout un conte, des signes évidents ne trompent pas. La scène d'introduction nous donne l'impression de plonger dans un livre, des références à plusieurs classiques sont disséminées un peu partout, l'ambiance très "vieille Amérique du Nord" réunit plusieurs époques à la fois.... De quel type de conte s'agit-il exactement ? Ce dessin animé fait tout : merveilleux, histoire d'épouvante, comédie, il verse dans le symbolisme. Ce qui est sûr, c'est qu'il va plus loin qu'un simple conte pour enfants. Il devient par moment le conte des contes, celui qui raconte l'histoire que l'on aimerait tous vivre. C'est un OVNI dans le paysage des cartoons/des séries/des films d'animation - la preuve : on ne sait même plus !
Une seule chose importe : c'est qu'Over the Garden Wall est l'une des plus belles œuvres d'animation qu'il m'ait été donné de voir dans ma vie.
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En résumé, pourquoi tu te DOIS de regarder Over the Garden Wall ?
- Un conte mélangeant les genres et les époques, tout en gardant une touche singulière.
- Visuellement irréprochable, possédant une patte graphique et magnifique.
- Des musiques qui apportent quelque chose à chaque épisode.
- Un scénario captivant avec une très bonne gestion des personnages et des mystères.
- Une écriture subtile, dévoilant peu au début pour nous subjuguer vers la fin, le sens du détail est ahurissant.
- Un format jamais-vu de plusieurs segments formant un long métrage d'1h50. 1h50 de sa vie, ça vaut le coup, non ?
- Que ce soit un sentiment de gêne et d'angoisse, d'émerveillement ou de retour en enfance, Over the Garden Wall ne vous laissera pas indifférent.
Alors, tu es chanceux. Oui, toi, lecteur. Par rapport à moi et à une poignée d'autres, tu as encore un magnifique dessin animé à découvrir. Je crois qu'il n'y a jamais rien eu de semblable et il sera sûrement la seule chose de son genre dans le paysage de la télévision pendant longtemps. Ce chef-d'œuvre t'attend. Et toi, qu'attends-tu ? Fonce !