Bilan : The Newsroom saison 1

Le 05 septembre 2012 à 04:33  |  ~ 12 minutes de lecture
Série HBO écrite par Aaron Sorkin, The Newsroom devait être LA série de l'été, le nouveau succès du créateur de The West Wing. Hélas, tout ne s'est pas déroulé comme prévu.
Par sephja

Bilan : The Newsroom saison 1

~ 12 minutes de lecture
Série HBO écrite par Aaron Sorkin, The Newsroom devait être LA série de l'été, le nouveau succès du créateur de The West Wing. Hélas, tout ne s'est pas déroulé comme prévu.
Par sephja

Eduquer en divertissant 

 

Diffusée cet été et critiquée par mes soins sur SerieAll, The Newsroom était très attendue : une série sur les médias signée Aaron Sorkin, créateur de The West Wing et The Social Network, ne peut être anodine. Le concept du show est simple et les intentions de l'auteur sont claires dès le premier épisode : remettre en cause l'image de l'Amérique et de sa toute-puissance en faisant le constat d'un pays qui se ment à lui-même. "Les Etats-Unis ne sont plus la première puissance du monde", la phrase est prononcée d'entrée par Will McAvoy, dans un moment de sincérité aux conséquences rudes pour sa carrière. 

Si un tel pitch peut prêter à sourire vu de notre regard d'Européens, elle est un choc de l'autre côté de l'Atlantique, car elle remet en cause la position des USA comme première puissance mondiale, place pourtant considérée comme acquise. L'auteur montre d'emblée que son héros veut être au-dessus de la mêlée, il confère à Will une certaine arrogance lymphatique qui lui donne tout son charme. The Newsroom est l'histoire d'un homme cynique, sentimentalement brisé et qui décide de refaire du journalisme d'opinion en abandonnant un discours politiquement correct et en proposant un ton différent des grands Networks. 

Seulement, sa petite phrase sur l'Amérique lui vaut d'être lâché par son producteur Don, et son patron Charlie est le dernier à croire encore en un l'avenir d'un homme qui apparaît comme un prétentieux agressif. Il va essayer de relancer sa carrière en lui imposant l'arrivée de Mackenzie MacHale comme nouveau producteur, une femme volontaire qui se trouve surtout être celle qui lui a brisé le coeur des années auparavant. Elle amène avec elle une équipe jeune et donne une tonalité plus engagée à News Night, l'émission où Will va partir en croisade contre les mensonges que les médias infligent à l'Amérique. 

Eduquer en divertissant, mêler le discours politique et le romanesque, voilà l'ambition d'Aaron Sorkin pour une série pleine de promesses, mais qui va vite se heurter à l'aspect légèrement mégalomane de l'entreprise.  

 

the newsroom 102-1 : Will Mc Avoy présente

 

Aaron Sorkin est un homme ambitieux 

 

D'entrée, The Newsroom annonce toute son ambition, avec une première scène remarquablement bien écrite qui pose d'emblée Mc Avoy comme un personnage central fort, le porte-parole d'un auteur qui semble avoir beaucoup à dire. Aussitôt, on comprend que le show a une grande ambition : raconter les deux dernières années de l'histoire médiatique américaine du point de vue de l'auteur de The West Wing. La forme est soignée, le casting intéressant et l'auteur ne cache pas dans ses choix esthétiques son amour pour les séries des années quatre-vingt-dix, prônant le mélange des genres entre comédie romantique de bureau et leçon de journalisme.

Malheureusement, à cette ambition se mêle aussi une certaine prétention, surtout qu'une fois passé l'enthousiasme de la découverte, la série enfonce fréquemment des portes ouvertes. A force de voir sur chaque épisode la mention "écrit par Aaron Sorkin", on se dit que les membres du pool des scénaristes n'ont pas été à la hauteur des intentions premières de l'auteur, qui a choisi d'assurer lui-même une bonne part de l'écriture. Alors, mégalomanie de l'auteur de The Social Network ou incompétence des autres scénaristes ? Difficile à dire, mais le show s'épuise à la mi-saison, avec des histoires qui n'évoluent pas vraiment et une impression de redondance.

De moins en moins maîtrisés, les scénarios perdent en intensité, et les personnages deviennent par instant des caricatures d'eux-mêmes lors d'un épisode Ben Laden particulièrement médiocre. Lorsqu'elle parle de la gestion de l'information et de l'éthique journalistique, la série donne l'impression de radoter, si bien qu'on se demande s'il n'aurait pas été plus réaliste de réduire la commande à un nombre moins important d'épisodes. Pourtant, malgré ses défauts, le show garde certaines qualités, à savoir des acteurs convaincants (à Alison Pill près) et des dialogues très bien écrits et fréquemment drôles.

Aaron Sorkin est un homme ambitieux et il aura visé haut, cherchant à redéfinir de son point de vue le journalisme en prenant exemple sur les illustres anciens comme Walter Cronkite ou Dan Rather. Seulement, la série se coupe ainsi d'un public non-américain qui peine à s'intéresser aux histoires de Tea Party. Heureusement, l'épisode "Amen" se penche sur le printemps arabe, même si on sent assez vite que la géopolitique et les problèmes des pays étrangers n'intéressent pas vraiment Aaron Sorkin.

 

the Newsroom 108-2 : Don explique la communication

 

Aaron Sorkin n'aime pas Michelle Bachman 

 

La politique, qui occupe toute une part de The Newsroom, se concentre donc uniquement sur les problèmes intérieurs aux Etats-Unis, le show exploitant l'intérêt généré par la présidentielle américaine à venir. Mais la série choisit son camp, et se montre peu offensive envers Obama, préférant s'attaquer à l'opposition républicaine et surtout au Tea Party, mouvement radical à la marge du Grand Old Party (GOP, le surnom du parti Républicain), financé et manipulé par les frères Koch, des milliardaires ayant fait fortune dans la pétrochimie. L'auteur délaisse ainsi Mitt Romney et préfère largement s'en prendre aux autres candidats de la primaire comme Michelle Bachman, fustigeant ainsi les mensonges de cette branche extrême du GOP. 

Les attaques sont bien ciblées, l'auteur profitant du recul dont il dispose par rapport à chacun des évènements que son équipe est censée vivre en direct. Il en ressort par instant une certaine hypocrisie, surtout lors de la gestion de la fusillade de l'Arizona et de l'annonce préméditée et fausse de la mort de la sénatrice Giffords par Fox News et d'autres grands networks. Evidemment , Mc Avoy ne fait pas la même bêtise, lui et Charlie choisissant de recouper l'information, ce qui conduit à un moment de gloire un peu facile pour des journalistes trop intègres et parfaits pour être honnêtes. 

Si les piques sur l'abus du spectaculaire dans la mise en scène de l'information et sur le niveau pathétique des débats à la primaire sont assez justes, les leçons de journalisme passent par contre beaucoup moins bien. En voulant beaucoup dénoncer, Aaron Sorkin oublie qu'il utilise les mêmes astuces de mise en scène et pousse involontairement le spectateur à appliquer le même esprit critique concernant le contenu du show et les intrigues romantiques. Cette partie plus romanesque de The Newsroom va s'avérer assez inégale et devenir le talon d'Achille d'un show ambitieux, mais qui ne parvient pas à construire des personnages à la hauteur. 

 

the newsromm 108-1 : Will et Mackenzie au travail

 

Aaron Sorkin aime les Romcom 

 

Si la série parle de politique pour éveiller le cerveau et l'esprit critique des spectateurs, les auteurs choisissent de développer des petites intrigues romantiques pour réchauffer le coeur des mêmes spectateurs. Hélas, cette partie s'avère la plus décevante dans The Newsroom, parce qu'il est impossible de construire la moindre histoire dans la continuité, dans un show qui n'a de cesse de faire des sauts dans le temps à chaque épisode. Du coup, la pauvre Mackenzie devient assez pathétique à se battre toute une année pour regagner l'affection de Will sans progresser d'un centimètre. 

Le duo Jeff Daniels-Emily Mortimer fonctionne pourtant très bien, et c'est l'un des points forts de la série malgré quelques maladresses lors du début de saison. Il faut avouer que Mackenzie ne fait pas dans la finesse et que la séquence de l'e-Mail lui donne une image de gourde assez regrettable, le personnage possédant une énergie assez communicative. C'est surtout du point de vue des dialogues que le duo fonctionne le mieux, car ils opposent très efficacement Will l'introverti et Mackenzie l'extravertie, l'enthousiaste et la pondération, la passion et la frustration.

Mais hélas, je suis obligé de parler du point noir de cette saison, à savoir le triangle Jim-Maggie-Don, trois personnages intéressants, mais dont l'interaction se limite à utiliser de grosses ficelles connues. Le vrai problème est le manque de maturité de toute cette histoire d'amour cliché au possible, Aaron Sorkin allant jusqu'à proposer des séquences où l'équipe se retrouve dans un bar pour un débriefing, dans une évocation directe de Ally Mc Beal. Toutes ces références datées sont la preuve que l'auteur vit encore deux décennies en arrière, comme en témoigne un générique qui affiche clairement l'appartenance du show à une autre époque.

Etant la seule à ne pas avoir d'intrigue romantique, Sloan Sabbith aura eu du mal à exister vraiment dans un premier temps, ne s'imposant que dans des storylines périphériques pas toujours très inspirées. Loin d'être totalement maîtrisé, The Newsroom peine à exploiter tous ses personnages et utilise des canevas usés jusqu'à la corde de la comédie de bureau façon The Office. Et bizarrement, c'est là que se trouve l'un des charmes du show, à savoir cette saveur typique des années 90, du temps où l'Internet n'avait pas encore envahi notre quotidien et n'était pas devenue cet ennemi personnel que Sorkin compte bien affronter.

 

 

Aaron Sorkin n'aime pas Internet

 

Une question pour finir ce bilan : peut-on se considérer comme d'avant-garde dans sa critique des médias en menant un combat d'arrière-garde contre la modernité ? C'est pourtant le pari d'Aaron Sorkin qui fait de la condamnation de l'irresponsabilité d'Internet, des blogueurs et des réseaux sociaux une croisade personnelle qui va vite virer au pathétique. Certes, certaines idées défendues par l'auteur sont justifiées, mais il ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes, menant sa croisade avec dix années de retard et en laissant apparaître une certaine ignorance du fonctionnement d'Internet.

De même, lorsqu'il critique la télé-réalité, l'auteur commet fréquemment des approximations qui prouvent qu'ils ne maîtrise que peu son sujet, tapant sur les cibles d'un public qui partage sa nostalgie. En effet, Aaron Sorkin cherche à séduire un auditoire bien spécifique : une tranche de l'Amérique plutôt diplômée, autour de la trentaine, vivant dans la nostalgie d'une télévision et d'un journalisme qui ont lentement disparu. Un objectif qu'il va atteindre, le show montant en puissance tout au long de la saison jusqu'à atteindre les deux millions en première diffusion et six millions de spectateurs en audience cumulée.

L'auteur de The Newsroom n'aime pas Internet et ses pseudo critiques qui écrivent des lignes et des lignes sur les forums et les sites collaboratifs, comme s'ils se croyaient compétents pour juger de son oeuvre. Une évidence assénée à coup de marteaux tant Sorkin a évidemment raison. D'ailleurs, ce bilan n'est finalement que foutaise, le fruit du travail d'un anonyme qui a bien conscience en effet du ridicule de son amateurisme. Et c'est finalement là l'un des principaux points faibles de cette saison : la volonté acharnée de son auteur à vouloir lutter contre un ennemi anonyme qui, avec un peu de recul, n'existe pas vraiment. 

Cet ennemi inexistant a été le défaut constant de la série. Il supprime toute réelle menace sur le personnage principal, et ce malgré la très bonne performance de Jane Fonda dans le rôle d'une patronne de chaîne bloquée entre ses valeurs et sa peur des frères Koch. Son duo avec Sam Waterston reste un des meilleurs souvenirs de cette saison de The Newsroom, le point d'orgue d'un épisode 103 assez réussi et la preuve que la série est vraiment capable du meilleur.

 

the newsroom 109-1 : Mackenzie en plein blackout

 

Conclusion 

 

Malgré une saison inégale, The Newsroom s'achève sur une note globalement positive, celle d'une série intelligente qui parle au coeur des nostalgiques des années quatre-vingt-dix et des amoureux de la politique américaine. En regardant ce show, vous ne verrez pas un chef-d'oeuvre, mais une série ambitieuse et intelligente, avec des dialogues brillants, handicapée par des storylines secondaires peu concluantes et un épisode Ben Laden raté. Une bonne série que je retrouverai avec plaisir en juillet pour la saison deux, en espérant que le show parvienne enfin à transcender son concept de départ. 

L'auteur

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