Critique : The Newsroom 1.09

Le 21 août 2012 à 14:43  |  ~ 8 minutes de lecture
Nouvelle désillusion pour la création d'Aaron Sorkin avec une seconde partie sous le signe de la frustration.
Par sephja

Critique : The Newsroom 1.09

~ 8 minutes de lecture
Nouvelle désillusion pour la création d'Aaron Sorkin avec une seconde partie sous le signe de la frustration.
Par sephja

Espoir et désillusion 

 

La coupure de courant qui a frappé tout l'immeuble laisse l'occasion à Mackenzie de tenter de ressouder son équipe autour de leur désir commun de ne pas se plier à la pression de l'audimat et de faire de l'information. Seulement, le courant revient trop vite, la coupant dans son élan par un retour amer à la réalité, à savoir la nécessité pour l'émission d'obtenir un des débats pour les primaires républicaines. L'équipe s'entraîne d'ailleurs d'arrache-pied pour proposer une simulation à grande échelle du nouveau format qu'ils désirent proposer au parti républicain. 

 

the newsroom 109-3 : will et don en pleine conversation

 

La frustration du soumis 

 

Lorsque l'annonce d'un double épisode de The Newsroom avait été faite, tout laissait espérer qu'Aaron Sorkin allait proposer une histoire conséquente tournant autour de la campagne pour la présidentielle américaine. C'était, après tout, la motivation première du show, à savoir interpeller les électeurs américains sur la situation de leur pays et leur rappeler l'importance du devoir citoyen. Mais, au lieu de cela, cet épisode va surtout confirmer le principal problème de The Newsroom, à savoir qu'au-delà du message politique, le show n'a rien de vraiment solide à raconter. 

Pourtant, le discours de Mackenzie en début d'épisode est un moment particulièrement remarquable où Aaron Sorkin nous laissent entrevoir la volonté de la productrice de construire son travail comme un combat du quotidien. Un moment impromptu qui laisse espérer un épisode sortant enfin des sentiers battus et qui obligerait chacun des membres de la rédaction à se confesser pour de bon. Malheureusement, ce blackout particulièrement prometteur ne dure que cinq minutes, un laps de temps où l'auteur nous régale de dialogues brillants avant la terrible douche froide du retour à la réalité.

Le problème de l'épisode est qu'une utopie qui n'aboutit pas est toujours frustrante, surtout que la perspective d'un débat républicain est beaucoup moins excitant que le récit d'un journal réalisé sans électricité avec les moyens du bord. Cette bataille pour le débat n'aura finalement comme seul intérêt de replacer l'auteur dans une position de donneur de leçons, s'amusant à juste titre de la médiocrité des grands débats pour la primaire. Si le message est assez incontestable, il n'apporte rien à l'intrigue principale, laissant la sensation d'un épisode conçu uniquement pour faire passer un message.

Les histoires romantiques tournent en rond, comme si le show n'avait pas du tout envie de faire avancer les histoires entre les personnages, se heurtant du coup au handicap majeur de ce double épisode. En se fondant sur des faits réels, Sorkin essaie de se donner une crédibilité, mais arrive beaucoup trop tard, les votes pour la primaire républicaine ayant déjà eu lieu. Il est d'ailleurs amusant de signaler comment le scénariste attaque violemment Bachman ou Santorum, mais ne s'en prend jamais à Mick Romney, pourtant candidat élu à l'investiture républicaine.

Le créateur de The Newsroom a des choses intéressantes à dire, mais arrive beaucoup trop tard, découvrant le sentiment de frustration d'un combattant qui arrive sur le champ de bataille après le conflit. Certains le jugeront clairvoyant, d'autres l'accuseront de couardise, mais le problème qui se posera à lui est que son histoire se limite à constater les faits sans pouvoir s'y inscrire.

 

the newsroom 109-1 : Mackenzie motive ses troupes

 

Sabordage coordonné

 

Si le titre affiche l'indication Partie II, la question se pose assez vite de savoir si cette intrigue est vraiment la suite de l'épisode précédent tant bon nombre de pistes lancées la semaine dernière vont passer à la trappe. Certes, l'épisode se situe dans la continuité, mais la reprise du courant va générer une telle rupture dans l'évolution de l'intrigue qu'on a de la peine à voir une cohérence entre les deux parties. Comme Mackenzie qui jure de colère au retour de la lumière, The Newsroom se heurte à la réalité d'un show qui se sera vu trop grand et n'aura jamais pu tenir ses promesses.

Fortement mise en avant la semaine dernière, l'histoire concernant la NSA et les écoutes de Leona Lansing est abandonnée sous couvert d'une excuse assez peu satisfaisante. Un choix regrettable qui ressemble à un aveu d'impuissance d'Aaron Sorkin, rejetant cette partie de l'histoire pour la prochaine saison tout en laissant le spectateur sur sa faim. La source d'un sentiment de frustration qui se retrouve à plusieurs moments, l'auteur se permettant quelques raccourcis gênants à différents instants qui ruinent une bonne part de la crédibilité de l'ensemble.

L'histoire de Lisa est de loin la ficelle la plus grossière, celle-ci devenant brutalement l'ami d'enfance de Casey Anthony, point de départ d'une storyline assez médiocre. Autant j'aimais bien le franc parler de Lisa la semaine dernière, autant cette scène d'interview est sans conteste la plus mauvaise depuis le début du show, créant un malaise sur le plateau de l'émission autant que chez le spectateur. Sa sortie de route concernant l'infanticide est une idée étrange, n'apportant strictement rien hormis insérer un petit scandale qui permet de masquer la vacuité de l'ensemble.       

Malgré ses qualités esthétiques, ses acteurs impeccables et quelques séquences amusantes, cet épisode est l'exemple des limites flagrantes de The Newsroom. Rien n'est fluide, les transitions sont forcées et certains personnages deviennent par instant des caricatures d'eux-mêmes, tandis qu'Aaron Sorkin s'efforce péniblement de donner l'illusion que toute cette histoire a réellement un but. 

 

 

the newsroom 109-2 : Sloane en discussion avec Neal

 

La victoire du cynisme sur l'utopie

 

La première scène de l'épisode est très importante, montrant ce qui manque à The Newsroom, à savoir un acte fondateur qui permettrait de générer un vrai esprit d'équipe autour du projet de Mackenzie et Will. Mais le retour de la lumière marque le choix de Sorkin de placer cet épisode sous le signe de la désillusion, comme s'il ressentait le besoin de se ramener lui-même à la réalité. Une façon d'admettre que le discours de Will en début de saison était trop beau, posant des bases trop élevées pour un show qui n'a pas su rester à la hauteur.

Le but de ce double épisode était pour Will de placer sa productrice en difficulté, de détruire son enthousiasme en lui faisant avaler toutes les couleuvres possibles, le tout sous le regard de son ancien amant. Si l'idée n'est pas mauvaise, elle n'aboutit à rien de suffisamment conséquent, hormis dresser le portrait pathétique d'une femme qui cherche coûte que coûte à se faire pardonner et d'un homme trop imbu de lui-même pour accepter ses excuses. Point fixe de The Newsroom, cette histoire d'amour entre Mac Avoy et sa productrice est le symbole d'un show qui n'avance pas, s'enlisant dans des romances aussi agaçantes que stériles.

Autre victime de cet épisode, Jim apparait comme un personnage de plus en plus étrange, dont le caractère fluctue en fonction de la personne qui s'adresse à lui. Devant Mac, Charlie ou Will, il est sérieux et professionnel, un homme chargé d'une mission qui sait se montrer parfaitement responsable et adulte. Mais devant Maggie ou Lisa, il devient profondément immature, incapable d'être sincère avec lui-même et d'assumer ses sentiments, surtout lors d'une scène interminable au magasin de vêtements.

A la fin de ce double épisode, The Newsroom ne pose plus qu'une seule question, celle de la volonté du spectateur de continuer plus loin une série prometteuse devenue frustrante. Non pas que les qualités du show aient disparues, mais la non-évolution des personnages et l'absence d'un arc narratif vraiment conséquent ne laissent que peu d'espoir pour le season final à venir. L'occasion pour Aaron Sorkin de redistribuer les cartes et tout reprendre à zéro pour un show totalement essoufflé qui achève sa première saison dans la douleur.

 

J'aime :

  •  la scène de démarrage avec Mackenzie est formidable
  •  les acteurs sont très bons
  •  la qualité des dialogues

 

Je n'aime pas :

  •  le manque d'enjeu
  •  certains arcs jetés à la corbeille
  •  l'histoire de troll passablement intéressante
  •  l'interview de Lisa 

 

Note : 11 / 20

Difficile de ne pas soupirer devant l'incapacité de The Newsroom à se montrer à la hauteur des attentes, les mêmes défauts se répétant semaine après semaine. Le show se terminera la semaine prochaine avec une pointe de soulagement, triste constat tant la création d'Aaron Sorkin dispose d'un potentiel encore bien présent.   

L'auteur

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