Le septième épisode, intitulé For Services Rendered, diffusé dimanche dernier sur FX, a rassemblé près de 12 millions de spectateurs, un record pour la chaîne qui en espérait - au mieux - 10 millions. The Strain a donc sans surprise été renouvelée pour une seconde saison le 19 août dernier, saison qui devrait voir le jour à l’été prochain. Quel sera son contenu ? Le mystère reste entier, d’autant que la première saison apporte sans cesse de nouveaux éléments qui viennent enrichir –et compliquer- l’intrigue. Le Dr Goodweather et le Dr Martinez doivent faire face à l’hostilité du CDC, mais surtout à la trahison de Jim, leur « fidèle » collaborateur corrompu par le mystérieux groupe Stoneheart. Les alliances se font et se défont : Nora décide de partir, au nom de sa morale, laissant Eph avec Abraham, le vieil antiquaire qui a déjà combattu la « chose » tapie dans l’immense cercueil, qui se trouve maintenant en plein cœur de Manhattan.
Le spectateur omniscient : un chassé-croisé de personnages complexes
La série donne à voir les destins croisés des différents acteurs de la contamination : des quatre survivants, qu’on voit, avec une certaine angoisse, muter progressivement en monstre vampirique, au vieil Abraham, parti en croisade contre ce virus démoniaque, The Strain est sur tous les fronts. Au rythme de progression de virus correspond une multiplication des points de vue qui ne fait que renforcer une tension déjà omniprésente dans le pilote, en témoigne la dernière séquence de l’épisode 2, qui m’a franchement donné des frissons : une petite fille, passagère de l’avion qui n’a au premier abord pas survécu, revient chez elle. Son père, ému, appelle un Dr Goodweather étonné pour le remercier. Yeux injectés de sang, peau blanchâtre, il ne remarque son allure effrayante et son regard affamé que lorsque celle-ci se jette sur lui, et qu’une excroissance monstrueuse sort de sa bouche pour atteindre son cou et son artère. L’homme s’effondre, vidé de son sang, dans le bain qu’il avait fait couler pour sa chère enfant, revenue de chez les morts… Les cadavres de l’aéroport sont donc revenus à la vie : les sacs mortuaires sont vides, les morts-vivants sont déjà partout, cachés, dans les rues et les égoûts de New York, alors que les premiers symptômes apparaissent sur le corps des quatre supposés « survivants ».
Chaque épisode propose en effet une immersion de plus en plus approfondie dans le quotidien de ces rescapés, voués à une progressive –et douloureuse- mutation. Ce qui est intéressant, c’est le profil de ces zombies en devenir : le pilote, la rockstar, l’avocate et le père de famille forment un ensemble assez symbolique, une dichotomie entre mystique et rationalité que The Strain s’amuse à mettre en scène. Joan Luss (Leslie Hope, la femme de Jack Bauer dans 24), avocate désagréable, tient son pouvoir de la loi et permet aux quatre rescapés de rentrer chez eux. Le capitaine Doyle Redfern décide uant à lui de faire confiance à Eph, et donc au pragmatisme scientifique, en acceptant de servir de cobaye. Gabriel Bolivar, rocker gothique, copie conforme de Marilyn Manson, est représenté en pleine orgie dionysiaque. A l’opposé de cet addict du Sex, Drugs and Rock and Roll, le père et mari aimant Gary Arnot retrouve une femme dévouée dans une maison ornée de symboles religieux, chapelets et peintures des saints éparpillés un peu partout. Des personnages tous différents donc, qui face à la menace d’une transition mortelle réagissent selon leurs croyances : la loi et la science pour les uns, la foi en dieu ou en satan pour les autres.
L’approfondissement des personnages passe aussi par une évolution dans leurs relations. En effet, la particularité et la virulence du virus remettent en question les rapports de pouvoir. Alors que Jim, Eph et Nora découvre le véritable visage de cette nouvelle épidémie et sont, à la fin du troisième épisode, contraints de tuer le pilote devenu totalement incontrôlable, la position « dominante » de Goodweather n’a plus lieu d’être face à un phénomène clairement surnaturel. Du coup, la série propose une continuelle inversion des rôles : à partir de l’épisode 5, Goodweather passe du statut de chef à celui de suivant. Abraham, qui connaît le virus et sais –plus ou moins- comment le contenir, prend les choses en mains. A partir de l’épisode 7, le trio de départ se reforme, devenant un quatuor. De ce fait, la série évite le risque de lassitude d’un spectateur face à une « équipe » qui n’évolue jamais. D’autant que cela permet d’en apprendre plus sur certains personnages principaux, notamment le Dr. Nora Martinez, qui jusqu'à l’épisode 4 n’était considérée que dans l’optique de sa relation avec Eph. A la fin de l’épisode s’opère un détachement décisif : elle désobéit à F, au nom de sa morale, se séparant ainsi du groupe. Du coup elle gagne en intérêt : d’autant qu’on sait qu’il y aura forcément les retrouvailles avec Eph (épisode 7) : c’est aussi une manière de relancer l’intrigue amoureuse.
Les retrouvailles de l'ancien bourreau nazi et de sa victime : des flashbacks fascinants.
En même temps qu’elle s’élargit sur de nouveaux personnages, The Strain se recentre sur le mystérieux Abraham (Dadid Bradley, vu récemment dans Broadchurch) et sa relation avec le terrifiant Thomas Eichorst (Richard Sammel, déjà excellent en nazi sadique dans Inglorious Basterds). Ce dernier rend visite à Abraham, en garde à vue après son intervention à l’aéroport. L’appelant par son numéro de déporté, la haine mutuelle qu’entretiennent ces deux hommes l’un envers l’autre est palpable. « You will not save anyone, you’re not a hero, nor a saviour, you’re just a number » lui rappelle Eichorst alors qu’Abraham le menace. Des flashbacks rythment l’épisode 5 et 7, autour de la déportation d’Abraham et de sa découverte du « monstre », du « patient zéro », ce démon qui choisit la nuit ses victimes dans les baraquements. Ici la bête vampirique prend une dimension métaphorique : l’horreur des camps, l’épuisement des prisonniers, dont on « aspire », littéralement, toute vitalité. On découvre également que c’est Abraham lui-même, sculpteur d’exception, qui a été chargé, par Eichorst, de fabriquer l’immense cercueil du « maître » lors de son internement. Au début du troisième épisode, on nous dévoile enfin le vrai visage d'Eichorst, homme sans âge qui n’a pas pris une ride depuis la guerre. Au service du « maître » depuis de longues années, il cache son apparence reptilienne sous un maquillage convaincant. Et ne perd pas ses habitudes de geôlier sadique en enchaînant ses victimes dans une cellule capitonnée.
L’immersion historique est selon moi véritablement passionnante, car elle permet de faire des pauses dans une intrigue qui risquerait parfois d'aller trop vite. D’autant plus que la rivalité Eichorst/Abraham détourne l’attention du couple Ephraim/Nora, donnant presque plus d’importance à ce vieil antiquaire juif, pourtant loin d’être un personnage « bankable ». David Bradley est très bon en Van Helsing un peu fatigué, mais plus que déterminé à trouver et décapiter tous les passagers de l’avion porteurs du virus.
Un rythme effréné : un spectateur haletant face à une contagion inévitable
L’épisode 6 marque un tournant : c’est le véritable début de la fin. Eph tente de convaincre sa femme qu’il faut quitter New York, et, alors qu’il est recherché par le FBI après sa fuite du CDC, se fait arrêter. Nora qui a sorti sa mère de la maison de retraite après avoir croisé dans un des couloirs un mort-vivant, est-elle aussi en fuite. Une ellipse s’abat sur New York, faisant sortir les zombies affamés de leurs cachettes, qui se jettent sur des passants ébahis et terrifiés. Nora et Eph se retrouvent finalement chez Abraham, qui leur annonce qu’il a un plan pour mettre fin à l’épidémie… Il faut tuer « le Maître », la bête tapie dans le gigantesque cercueil qu’il a lui-même construit. Un plan qui semble dérisoire et plutôt incohérent face à la violence de la contagion, mais qui laisse présager une seconde moitié de saison plus qu'addictive...
The Strain, c’est donc pour moi une série qui s’intensifie, se complexifie et du même coup, rend complètement accro ! Portée par un casting parfait, notamment Bradley et Sammel et par une intrigue qui gagne sans cesse en intensité, le pari de Guillermo Del Toro est plus que réussi, en témoigne les audiences US. Prochain épisode diffusé le 31 août prochain sur FX !