Depuis la fin de Hannibal il y a presque deux ans, on attendait Bryan Fuller au tournant. Créateur de génie du petit écran, il est parvenu à créer un univers commun à ses productions si particulier, que le voir aux commandes d’un projet mythologique adapté d’un Comic Book de Neil Gaiman, génial créateur lui aussi, ne pouvait que faire saliver. Après quatre années de pré-production et une annulation de projet par HBO, le voici enfin sur les écrans américains chez Starz. Et il y a déjà presque tout pour en faire une grande série.
Un univers mythologique violent et très soigné
Difficile de dégager de véritables enjeux narratifs de ce pilote, qui sert surtout à introduire le vaste univers visuel et narratif de la série, ainsi que les principaux personnages. D’ailleurs, un petit coup d’œil à la fiche IMDb suffit pour remarquer qu’on est très, très loin d’avoir fait le tour des personnages au cœur de cette première saison. On ne les croisera peut-être pas souvent, mais c’est justement ce qui semble être le principe de la série : un road-movie mythologique très violent à travers l’Amérique.
Un petit rêve sympathique
Car effectivement, autant dans les dialogues que les actions, tout est particulièrement violent, et la scène introductive donne judicieusement le ton : une longue séquence mythologique sur les Vikings et l’intervention divine sadique d’Odin, leur dieu de la guerre. Auto-éborgnement collectif, effusions de sang graphiques au ralenti, difficile de dire si on est dans du pur Bryan Fuller ou dans Spartacus. La suite donnera raison à la première option, avec une esthétique rappelant beaucoup celle d’Hannibal : jeu sur les très gros plans, ralentis, perfection visuelle et saturation des couleurs. À un point d’ailleurs où on pourrait se demander si ça ne ressemble pas un peu trop à Hannibal, la dernière scène de l’épisode allant jusqu’à quasiment copier l’esthétique pluvieuse de la dernière séquence de la saison 2. Attention Bryan, il ne faudrait pas non plus qu’American Gods devienne un exutoire sur ce que tu n’as pas eu le temps de traiter dans ta précédente série. Néanmoins, il est tout à fait normal que l’on retrouve ici une réflexion similaire autour de ce qui constitue le Mal et la moralité divine, au sens pluriel comme l’indique le titre de la série.
Pas de quoi s’alarmer donc, bien au contraire, d’autant plus que non seulement c’est visuellement superbe, mais parfois même innovant dans la façon dont certains Dieux sont représentés. Le technical boy présenté vers la fin d’épisode est le meilleur exemple de cette énergie visuelle et sonore débordante qui se développe tout au long de l’épisode. Nous ne sommes pas non plus au niveau de Legion, mais qui sait ce que nous réserve la suite de la saison, qui ne peut qu'être encore meilleure tant il est évident qu’il ne s’agit là que d’une introduction.
Des personnages hauts en couleur au cœur d'un récit initiatique
Mais n’allez pas croire non plus qu’American Gods est une série uniquement sombre, faite de combats et de moments glauques. Elle déploie également un humour noir corrosif, traitant de sujets sérieux comme le deuil avec une certaine subversion, et jouant sur le flegme de ces Dieux qui s’amusent de voir débarquer un homme qu’ils semblent mieux connaître que lui-même. Cet homme justement, c’est Shadow Moon, le personnage principal incarné par Ricky Whittle (interprète de Lincoln dans The 100, et sosie officieux de Booba). Il sort tout juste de trois ans de prison et ne sait pas trop dans quoi il tombe lorsqu’il fait la rencontre de Mr Wednesday, un fourbe monsieur qui lui propose un travail dont il ne sait rien.
Avouez qu'il y a une ressemblance, non ?
Saluons en cela le talent de Ian McShane, qui porte malicieusement, avec l’aide de dialogues savoureux, ce personnage haut en couleur qui sera de toute évidence central dans la première saison. La confrontation entre les deux personnages donne lieu à des scènes souvent drôles sans pour autant qu'ils perdent de leur mystère. D’ailleurs, le caractère à l’inverse très sérieux de Shadow Moon, qui pourrait paraître un peu fade face à ce monde grandiloquent, remplit justement parfaitement son rôle d’identificateur pour les spectateurs et le décalage produit lui aussi un certain humour.
Néanmoins, il ne se laisse clairement pas marcher sur les pieds, malgré son désir de tout faire pour ne pas retourner en prison. Face à une bonne bastonnade avec un Leprechaun particulièrement grand, force est de constater qu’on est donc loin d’un conte initiatique à la Candide. Mais parler de conte dans le cas d’American Gods n’est pas non plus hors sujet, puisque la notion de voyage y est clairement présente. Un voyage à travers l’Amérique, un voyage à travers une mythologie mélangeant des inspirations véritables et des inventions, mais aussi un voyage pour retrouver sa liberté.
En effet, à peine sorti de prison, le voilà menacé de mort par des ennemis de Wednesday, et il ne faudrait pas non plus qu’il retombe trop dans ses travers. La prison semble être un danger désormais lointain, mais un indice lors de l’épisode me laisse à penser autrement : vers le début, Shadow se remémore un "enseignement" de la part de son camarade d'incarcération, afin de ne pas retourner en cellule. Présenté oralement presque sous la forme d’un commandement divin, ce conseil, s’il est suivi d’autres lors des épisodes suivants, pourrait bien constituer une sorte de guide initiatique reliant l’exploration mythologique avec le monde actuel. Ce n’est là que pure conjecture, mais avouez que ça aurait de la gueule.
Dans son ensemble, ce pilote d’American Gods est très prometteur : casting au top, visuel superbe, générique magnifique, narration stimulante. Il ne manque plus que des enjeux dramatiques solides se dégagent pour qu’on puisse vraiment prendre notre pied. Dans tous les cas, on attend la suite avec impatience.
J'ai aimé :
- Beaucoup trop de choses pour tout lister ici
Je n'ai pas aimé :
- Une petite redondance parfois avec Hannibal, notamment au niveau visuel
- Il manque peut-être une vraie direction à la fin de l'épisode
Ma note : 15/20.