Critique : Angry Boys 1.04

Le 12 septembre 2011 à 11:30  |  ~ 6 minutes de lecture
Un épisode où la colère est silencieuse, se nourrissant de frustrations au travers de l'histoire d'une mère monstrueuse.
Par sephja

Critique : Angry Boys 1.04

~ 6 minutes de lecture
Un épisode où la colère est silencieuse, se nourrissant de frustrations au travers de l'histoire d'une mère monstrueuse.
Par sephja

Skateboarding GayStyle ! 

Tim Okazaki est une star du skate-board au Japon, vivant sous la coupe d'une mère castratrice et autoritaire qui lui sert aussi de manager. Ayant créé la marque GayStyle, elle pousse son fils à clamer haut et fort qu'il est homosexuel, dans le seul but de tirer profit de sa notoriété pour construire un bon plan marketing. Enfant solitaire et sage, Tim se plie à la volonté de sa mère, celle-ci se construisant un empire à partir de son fils. 

 

Résumé de la critique 

Un épisode vraiment étonnant sur la frustration que l'on peut détailler ainsi : 

  •  un personnage de mère détestable qui exprime sa frustration au travers de ses enfants 
  •  Blake et le syndrome de la castration
  •  Daniel qui veut résoudre les problèmes de masturbation de Nathan 
  •  un épisode qui évoque la colère comme un moyen d'échapper à l'oppression des autres

 

 

Une mère totalement frustrée 

Avec le personnage de Tim Oazaki, Chris Lilley va retrouver l'inspiration en se plaçant en retrait, incarnant son insupportable mère-manager. Femme d'affaire impitoyable, elle ne laisse aucun espace de liberté à son fils, n'hésitant pas à employer le chantage affectif le plus cruel pour garder le contrôle sur lui. En état de frustration perpétuelle, elle tente de contrôler son fils en lui créant une identité sexuelle en marge, exprimant en fait son propre manque affectif. Portrait savoureux délicieusement décalé à coup de pénis géant rose bonbon, Chris Lilley crée un personnage comique incroyable, à la fois insupportable  et irrésistible.

Le potentiel est énorme, cette storyline se bâtissant sur un ensemble de mensonges qui ne demandent qu'à être révélés, tandis que l'empire de cette mère castratrice s'apprête à s'effondrer. Posant des éléments de comédie passionnant, Chris Lilley nous parle du mensonge et de la douleur qu'il entraine, un sentiment de dépendance envers un bonheur individuel qui se construit sur le malheur des autres. La colère née avant tout d'une accumulation de petites souffrances, d'une volonté de briser le miroir de l'illusion qui peut se construire avec les meilleures intentions du monde. 

 

Jouer comme un enfant à des jeux d'adultes 

Pendant que Tim se fait voler son enfance par sa mère, Blake continue de la vivre malgré son âge avancé, en préparant l'intronisation de nouveaux membres dans son club de surfeurs. Entre jeux débiles et provocations gratuites, Blake poursuit son chemin, dressant le portrait d'un homme pathétique, adulte ayant la maturité d'un adolescent. Pourtant, plutôt que de s'intéresser à la lutte entre les deux gangs, Chris Lilley va se concentrer sur l'agacement de celles qui partagent leurs vies et doivent supporter leur immaturité : leurs épouses.

La frustration devient celle de femmes qui voudraient bien voir leurs maris grandir et se comporter en personne civilisé, venant mettre fin à ce conflit qui s'apprêtait à tourner à la bataille rangée. La colère devient un sentiment enfantin, un élément qui n'a pas sa place dans une existence d'adulte, offrant ici le spectacle pathétique d'une bande de losers qui essaient de se donner de l'importance. La chute finale est particulièrement jouissive, brisant totalement l'image de rebelle du surfeur, offrant un bel exemple d'humour corrosif.

 

 

Nathan, Daniel et la problématique de la masturbation

Ce ton corrosif se retrouve avec Nathan et son frère toujours en train de préparer la fiesta avant le départ à l'école des sourds. Niant totalement la douleur de la séparation future avec son frère muet, Daniel décide de lutter contre la dépendance à l'onanisme de celui-ci, essayant de trouver un moyen pour l'empêcher de se masturber. La révélation viendra du chien familial et sa collerette, fournissant à Nathan de produire l'une des idées stupides et cruelles dont il a le secret, permettant à Chris Lilley de dénoncer la pire des bêtises, celle qui se pare de vertu. 

Un sketch efficace et bien écrit qui montre comment la frustration est un acte de violence bien pire et ne permet pas de résoudre une addiction. Avec ces protections aux mains, Nathan est privé de sa liberté d'agir sur l'extérieur, Daniel fondant sa thérapie sur la suppression de celle-ci. Seulement, la violence ne peut être résolue en enchaînant quelqu'un, ne faisant qu'accentuer la force d'une bombe qui finira par exploser d'une manière ou d'une autre. Derrière l'humour des situations se cache un vrai travail de construction qui fait le charme de Angry Boys, avec une utilisation du format documentaire bien plus subtile que Death Valley. 

 

Angry Boys ou l'art de la provocation 

Si le travail de Chris Lilley est peu connu encore en France, il mérite clairement d'être découvert tant il parvient à véhiculer un message complexe tout en faisant usage d'une provocation maîtrisée. Avec un sens de l'humour hyper corrosif, il dresse des portraits d'êtres humains inconscient de leur propre faiblesse, pris dans le piège d'une certaine bêtise et d'un paraître qui les rend ridicule. Tim, à force de devoir crier qu'il est gay pour plaire à sa mère, emmagasine un certain désespoir et une passivité qui ne peut tenir indéfiniment. 

En conclusion, un épisode étonnant et impressionnant qui prouve que Chris Lilley est un formidable auteur capable d'utiliser un humour provocateur avec beaucoup d'intelligence. Très intéressant, le personnage de Oazaki montre la capacité des auteurs à créer des personnages détestablement réalistes et à insérer un élément absurde pour amener une dose de comédie indéniable. Le format documentaire, ajoutant à la crédibilité des situations, rend tout ceci totalement irrésistible, sans masquer une certaine amertume qui fait le charme du show. 

 

J'aime : 

  •  le GayStyle, une idée brillante 
  •  la chute du sketch sur Blake 
  •  la technique anti masturbation de Daniel 
  •  la réalisation impeccable 
  •  un épisode particulièrement drôle 

 

Je n'aime pas : 

  •  une mise en place un peu longue 

 

Note : 14 / 20 

Un épisode très réussi de Angry Boys entre provocation et humanisme, qui montre combien Chris Lilley peut faire preuve d'une vraie subtilité malgré un ton assez féroce. La frustration et la violence silencieuse devient le fil rouge d'un épisode passionnant, trouvant avec Tim Oazaki un personnage vraiment attachant.

L'auteur

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