Critique : Blackout 1.01

Le 05 juillet 2012 à 15:39  |  ~ 9 minutes de lecture
Un polar sombre en trois parties glaçant et assez captivant, porté par un Christopher Eccleston particulièrement remarquable
Par sephja

Critique : Blackout 1.01

~ 9 minutes de lecture
Un polar sombre en trois parties glaçant et assez captivant, porté par un Christopher Eccleston particulièrement remarquable
Par sephja

Le diable est dans la bouteille

 

Politicien de petit envergure, Daniel Demoys est avant tout un alcoolique notoire, délaissant une femme avec qui il entretient des rapports exécrables et des enfants qui souffrent d'assister à son autodestruction. Homme corrompu et infidèle, il arrange depuis des années avec Henry Pulis pour qu'il obtienne certains appels d'offre juteux. Se méprisant lui-même, sa vie va basculer le jour où il se réveille couvert de sang, incapable de se souvenir de ses actions de la veille, victime d'un blackout complet.

 

blackout

 

Résumé de la critique

 

Un épisode plaisant que l'on peut détailler ainsi :

  •  une structure de narration risquée, mais payante
  •  un homme qui lutte en vain contre ses démons
  •  un polar noir et poisseux comme un soir de pluie
  •  une bonne pioche malgré quelques lourdeurs

 

 

blackout

 

Les faits avant les mots

 

Série en trois épisodes écrite par Bill Gallagher, Blackout nous plonge dans l'esprit torturé de Daniel Demoys, un politicien blasé et désespéré interprété par Christopher Eccleston dans une minisérie au démarrage assez déboussolant. En effet, au lieu de nous présenter le héros par la description de sa routine et de son univers, le scénariste choisit de nous l'introduire par le biais de son vice principal : l'alcool. Des verres entiers qui lui remplissent le gosier, lui assombrissent l'esprit, le transformant en quelqu'un d'autre, un homme brutal et sombre qui sème la terreur chez ses proches.

Les auteurs ne cherchent d'ailleurs pas un seul instant à rendre sympathique leur personnage principal, la série commençant sur un plan glaçant et vertigineux d'un homme au bord du vide, jolie métaphore du drame qu'il traverse. Mais avant de se mesurer au néant, Demoys va toucher le fond, délaissant le récital de sa fille pour voler et copier des documents concernant les appels d'offre de la ville, fournissant à son ami Henry Pulis les informations pour lui permettre de remporter le contrat. Loin de nous expliquer quoi que ce soit,  les auteurs nous mettent devant le fait accompli, obligé de comprendre seul les enjeux de cette intrigue.

Seulement, la situation dégénère entre lui et son associé et leur affrontement aboutit à un blackout pour sa part, se réveillant sur son canapé, l'esprit encore embrumé d'une gueule de bois carabiné, les mains couvertes de sang. Incapable de se souvenir, il découvre que son associé est entre la vie et la mort, victime d'une agression sauvage dont il va vite conclure qu'il est le responsable, craignant que son alcoolisme l'ait poussé à franchir la ligne. En nous immergeant dans cette histoire sans la moindre exposition, les auteurs nous placent dans la situation du témoin passif devant des évènements aux conséquences dramatiques.

Le but est clairement dans cet épisode de nous pousser à juger Demoys, à prendre position pour ou contre lui, la série reposant en grande partie sur l'ambiguïté du personnage. Loin d'être l'incarnation d'un mal, Daniel est juste un être vaincu par sa faiblesse, rendu violent, brutal et égoïste par une consommation massive de spiritueux. Une fois l'opinion du spectateur fait, le récit bascule avec une improbable rédemption, la destinée lui offrant une occasion de se racheter qu'il va saisir avec l'énergie du désespoir.

 

La rédemption est-elle possible ?

 

Faible, égoïste et corrompu, Demoys n'est pas un personnage sympathique, l'interprétation admirable de Christopher Eccleston parvenant à lui donner cette fragilité touchante qui va porter la série tout du long. Polar esthétique plaisant, Blackout doit beaucoup à ses interprètes formidables, laissant apparaître le potentiel d'un show toujours sur la limite, nous amenant fréquemment au bord du précipice avec son héros. Devenu un exemple pour la société pour avoir fait rempart de son corps devant le témoin dans une affaire de trafic de drogues, Daniel se laisse emporter par sa popularité nouvelle, essayant d'effacer l'homme qu'il a été.

L'opportunisme de ce retour en grâce fait évidemment grincer des dents, tandis que le héros profite de la naïveté d'une population aveuglée par les images du sauvetage. Au plus près de Demoys, les scénaristes tentent de nous faire rentrer dans son esprit, de pénétrer la complexité d'une âme corrompue, toujours pris entre la raison et le désir de replonger une dernière fois. Seulement, les auteurs ont la mauvaise idée de multiplier les flashback, alourdissant inutilement une narration qui parait assez pesante dans le premier acte.

Tout n'est pas parfait dans cet épisode, mais si la première partie paraît légèrement confuse, elle est une nécessité pour mettre en valeur la suite et cette touchante tentative de rédemption, base de l'intrigue principale de Blackout. Seul au bord du néant, Demoys comprend que son péché risque de l'entraîner dans le chaos, cherchant à échapper au vide qui le menace en se raccrochant à une main tendue, celle d'une destinée qui s'amuse de sa propre ironie. Scène superbe, la confrontation entre le héros et une bouteille de vodka est le symbole d'une série qui se pose la question la plus simple qui soit : peut-on se racheter de ses pêchés, même du pire qui soit ?

Jouant sur cette hésitation, Blackout est une vraie bonne surprise et doit beaucoup à un extraordinaire Christopher Eccleston, méconnaissable et blafard durant tout le premier acte. Si le déroulement n'engendre  pas de grosses surprises, la question universelle que la série pose sur la possibilité du pardon devrait suffire à convaincre de laisser sa chance à ce show crépusculaire et particulièrement réussi.

 

blackout

 

Un polar sombre très classique

 

Si la destinée de Demoys est bien le coeur de la série, l'agression de Pulis va servir à alimenter une histoire policière classique, avec un meurtrier qui refuse de trouver le courage de confesser son crime. En effet, cet aveu est entravé par le doute, Daniel ne gardant aucun souvenir de ce qui s'est produit dans cette ruelle, son alcoolisme l'ayant mis dans un état second. La fin est de ce point de vue une vraie réussite, donnant envie de voir une suite qui ne peut être que crépusculaire, celle d'un polar noir d'un homme essayant d'effacer les traces de ses propres fautes.

Pour enquêter sur ce crime, un policier hanté, perdu et méprisé par ses collègues, joué par un Andrew Scott toujours à l'aise pour incarner des personnages aux portes de l'abîme. Incapable de se remettre de son divorce, il est lui aussi au bord du vide, celui d'une colère destructive, du refus de sa propre impuissance à retrouver un bonheur qui lui a échappé des mains. Là où le héros trouve la chance de sa rédemption, ce personnage apparaît comme son contraire, cherchant dans le contact de ses filles et le regard de son ex-femme une trace d'espoir qui n'existe plus.

Peu exploité jusqu'ici, il va constituer sans nul doute la pièce de résistance du second épisode, en espérant que les scénaristes sauront satisfaire les espoirs placés dans une série classique par son sujet, mais dotée d'un réel potentiel. Trois parties qui mèneront, je l'espère, dans les tréfonds de l'abîme que représente le désespoir d'un homme, un puits terrifiant et sans fond qui renvoie clairement au premier plan de l'épisode. Blackout, une minisérie anglaise marquante qui pourrait être la première bonne surprise de cet été.

 

Addictif sans être éblouissant

 

Si l'épisode est globalement impeccable, un petit reproche pourrait être fait au réalisateur des deux premières saisons de Misfits, Tom Green, qui abuse de certains effets de lumière, malgré un travail sur la composition remarquable. L'abus de filtre nuit à la crédibilité de la première partie, là où la seconde se révèle à l'opposée beaucoup plus réussie grâce à un style plus simple et moins ampoulé. La scène où Christopher Eccleston débouche comme par réflexe une bouteille de vodka est de loin la plus réussie, confrontant avec succès le héros avec sa propre nature.

En conclusion, Blackout est une série intéressante qui mérite d'être découverte, plongée dans l'abîme d'une âme corrompue ravagée par une dépendance féroce à l'alcool et un sentiment de corruption assez fort. Portée par une direction artistique efficace et une performance gigantesque de Christopher Eccleston, la série s'impose comme une bonne surprise, histoire d'un homme au bord de l'autodestruction. Polar sombre en trois parties, un show nous force à prendre position face à un héros très ambiguë, héros malgré lui d'un univers en quête de renaissance.

 

J'aime :

  •  Christopher Eccleston remarquable
  •  le scénario intéressant
  •  la réalisation surtout dans la seconde partie
  •  le plan d'ouverture très bien choisi

 

Je n'aime pas :

  •  l'usage un peu balourd des flashback

 

Note : 14/20

Bonne surprise venu d'Angleterre,  Blackout nous raconte histoire d'un homme sur la voie de l'autodestruction qui trouve par hasard le chemin de sa propre rédemption. Joué par un Christopher Eccleston formidable, un polar qui a un vrai potentiel, en espérant que la suite saura se montrer à la hauteur.

L'auteur

Commentaires

Avatar sephja
sephja
Correction, blackout comportera 4 épisodes. La fiche imdb n'était pas à jour.

Derniers articles sur la saison

Critique : Blackout 1.03

Un final doté d'une vrai force dramatique, mais qui laisse aussi voir les défauts d'un polar certes intense et élégant, mais aussi particulièrement frustrant.

Critique : Blackout 1.02

Un second épisode particulièrement sombre qui laisse entrevoir la vraie nature du piège qui se referme sur Demoys.