Critique : Blackout 1.02

Le 17 juillet 2012 à 20:39  |  ~ 10 minutes de lecture
Un second épisode particulièrement sombre qui laisse entrevoir la vraie nature du piège qui se referme sur Demoys.
Par sephja

Critique : Blackout 1.02

~ 10 minutes de lecture
Un second épisode particulièrement sombre qui laisse entrevoir la vraie nature du piège qui se referme sur Demoys.
Par sephja

L'illusion d'une possible rédemption

 

Après son sauvetage désintéressé du témoin principal d'une affaire de drogue, Daniel Demoys est devenu maire, incarnant par le biais de ses nouvelles responsabilités l'espoir dans la possibilité d'une rédemption. Il prend aussitôt la décision de proposer les appels d'offre concernant les contrats liés à Henry Pulis pour former une coopérative collective soutenue par la ville au détriment des entreprises privées, essayant ainsi de rentrer dans la peau de son personnage. Pendant ce temps, la police découvre l'existence d'un mystérieux témoin, un sans-abris qui aurait tout vu.

 

Résumé de la critique

 

Un épisode réussi que l'on peut détailler ainsi :

  •  une intrigue éclatée menée tambour battant
  •  un retour à la sobriété qui fait mal pour Demoys
  •  un goût affirmé des auteurs pour la tragédie
  •  un vrai polar nerveux et complexe

 

 

Aller de l'avant... sans regarder derrière

 

L'épisode commence par un petit saut dans le temps, Demoys enfilant tout de suite son nouveau costume de maire, marquant ainsi un nouveau départ dans son existence, loin de l'alcoolique qu'il était auparavant. Essayant de rentrer dans son nouveau costume, Daniel cherche à s'imposer en proposant de donner les marchés publics à une coopérative d'ouvriers, au détriment des entreprises privées, idée saugrenue qui va être prise à la légère. Une façon de montrer que le héros de Blackout cherche avant tout à tourner la page, à fuir un passé en essayant de se montrer à la hauteur de la confiance des électeurs qui ont vu en lui l'incarnation du courage et de la sincérité.

Seulement, cette image n'est qu'une illusion soigneusement travaillée et si les premières scènes montrent un héros déterminé et transformé, la suite va laisser apparaître peu à peu des failles, dont l'existence de deux témoins pouvant encore le relier aux lieux du crime. De plus, la fille de sa victime semble être reconnaissante de ses attentions, comptant sur sa présence pour la soutenir et lui servir de soutien alors que son univers se dérobe sous elle, position ambiguë terriblement intéressante. La scène où elle le fait venir sur les lieux du crime est vraiment réussie, Rebecca Callard offrant une performance assez touchante dans le rôle de l'incarnation de l'innocence, jeune femme essayant de faire son deuil, mais incapable de donner du sens à la mort de son père.

Ce retour sur les lieux de son meurtre va être le déclencheur de plusieurs souvenirs chez Demoys, retrouvant une part de sa mémoire concernant les deux témoins de son crime, Sylvie et un mystérieux alcoolique fortement imbibé. Pour Daniel, l'intrigue va constituer à résoudre ses deux problèmes, en particulier retrouver l'homme en question, la police étant elle aussi à sa recherche, apportant du rythme et une certaine tension à cet épisode. La scène où Daniel rentre dans un squat à  sa recherche est intéressante, permettant de lui faire prendre conscience du vrai visage de l'alcoolisme, lui révélant l'image de sa propre déchéance.

Loin du courage qu'il est censé incarner, Daniel tente d'effacer les traces de son crime, avant de découvrir que quelqu'un s'en est chargé à sa place, moment clé qui va marquer le milieu de l'épisode et le connecter à l'inspecteur Bevan. Perdant lentement foi en sa rédemption, Demoys commence à comprendre les vraies raisons de son retour en grâce, découvrant qu'il n'est qu'une marionnette dans un jeu particulièrement cruel dont l'enjeu concerne l'attribution des marchés publics de la ville. Une dimension nouvelle qui confirme l'ambition d'une série qui, dans la froide lucidité de la sobriété, révèle une machination cruelle qui prend petit à petit au piège le héros de Blackout.

 

Boire pour perdre la notion de réalité

 

Seulement, si Daniel est devenu un alcoolique, c'est avant tout à cause de son incapacité à accepter sa vie, en particulier sa relation avec son épouse qui s'est fortement dégradée, créant un mur entre eux que sa nouvelle sobriété ne va pas à abattre. Sa découverte du mensonge  de son mari révèle tout le mépris qu'elle éprouve pour cet homme lâche, trouvant toujours une excuse derrière laquelle se réfugier. Faible et lâche, le personnage joué par Daniel Eccleston n'est pas un héros, juste un être faible et pathétique, incapable d'assumer ses erreurs et de faire face  à ses péchés, entraînant toute sa famille avec lui dans son calvaire.

Brisé, détruit, les personnages de Blackout sont tous au bord du vide, prêt à commettre l'irréparable comme le détective Bevan qui ne parvient pas à reconquérir son épouse, luttant pour une seconde chance qu'elle lui refuse. Un personnage pas assez bien mis en valeur, les auteurs jouant la carte de la facilité, n'exploitant pas assez les qualités d'Andrew Scott alors que l'inspecteur se révèle un excellent moteur dans la seconde partie du show. Si Daniel croit trouver la voie de sa rédemption, le policier sombre dans la colère et la jalousie, allant jusqu'à suivre son ancienne épouse à la trace pour trouver la preuve d'une liaison qui expliquerait leur rupture et donnerait à Sylvie le mauvais rôle.

Une jeune femme qui devient un personnage décisif pour la série, seul témoin crédible de la présence de Daniel sur les lieux du crime et qui reste silencieuse à cause de ses sentiments pour Demoys, femme perdue en quête de protection. Soumise à un ex-mari incontrôlable qui la terrifie, elle contraint le héros à répondre à son affection, menaçant de révéler ses infidélités à sa femme et son crime à la police s'il ne lui montre pas de considérations. Une relation étrange, tortueuse, celle d'une femme qui entraîne le héros dans le néant d'une relation absurde et dangereuse, au pouvoir de destruction particulièrement appuyé.

Les femmes sont des personnages importants de Blackout, victime de la lâcheté masculine, que ce soit l'alcoolisme du héros, l'esprit manipulateur de Bremner ou la capacité d'autodestruction de Bevan. Comme Ruth, elles encaissent les coups et incarnent une fragilité qui donne tout son enjeu à une histoire encore nébuleuse, mais particulièrement addictive. La scène en particulier entre Christopher Eccleston et Branka Katic dans le rôle de son sponsor est particulièrement touchante, symbole d'une série qui montre les tentatives du héros pour croire en son propre avenir, essayant de reconstruire ce que l'alcool a réduit en miettes.

 

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus faible

 

Sombre, Blackout l'est clairement, polar crépusculaire qui montre l'impossibilité de trouver la rédemption sans passer par l'aveu complet de toutes nos erreurs, obligeant à un grand déballage terriblement destructeur. Seulement, la peur du regard de ses enfants fait que Demoys ne fait pas l'aveu de toutes ses fautes, se plaçant dans une situation inconfortable face à sa femme, à Sylvie et surtout à Ruth, montrant envers elle la plus infâme des hypocrisies. Si Blackout semblait raconter la rédemption d'un homme qui ne le mérite pas, elle révèle brutalement ici son vrai visage, à savoir le portrait d'un homme trop faible pour demander pardon et assumer ses propres erreurs.

Daniel n'est finalement qu'un pantin, tenu par des intérêts financiers qui le dépassent, découvrant petit à petit que ses conseillers sont finalement aux ordres d'une entreprise cherchant, grâce à lui, à mettre la main sur les marchés publics de la ville. Une simple histoire de corruption qui place Daniel dans la position du bouc émissaire parfait, politicien trop faible et fragile pour résister à la pression de ce lobby, tenu par sa propre culpabilité. Pris au piège, le héros de Blackout découvre petit à petit sa totale impuissance, ses ennemis possédant toutes les preuves pour révéler son vrai visage et le faire plonger définitivement.

Faibles, les hommes et les femmes de Blackout le sont, incapable de prendre la décision courageuse de faire le bien par peur de l'onde de choc que cela risque de créer et des conséquences sur leur quotidien, cherchant à protéger des enfants de leurs propres faiblesses. Un monde sans héros, où l'individu fait fréquemment le mauvais choix avec la certitude d'agir pour le mieux, essayant de trouver un juste compromis, de justifier le mensonge par le bien commun. Un vrai polar qui fait glisser ses personnages dans une chute tragique, se débattant avec la rage désespérée de celui qui sait qu'il est pris au piège, conscient que la conclusion à son calvaire sera forcément la mort.

 

Dernier éclat lumineux avant le crépuscule

 

Un point qui dérange concernant Blackout concerne une nouvelle fois sa réalisation, mélange entre des cadrages audacieux et d'autres séquences mal mises en valeur, comme la scène de la filature de Bevan dans le dernier acte. Sublimé par une photographie remarquable, l'épisode agace par certains tics de réalisation superflus, en particulier dans la gestion du complot qui laisse quelques craintes concernant les deux épisodes à venir, l'intrigue donnant la sensation de se disperser un peu trop. Ainsi, l'histoire de l'homme sauvé par Demoys dans le premier épisode se révèle être une impasse, point négatif qui vient entacher un épisode globalement impeccable et prometteur pour la suite.

En conclusion, une seconde partie réussie qui suit l'ascension au poste de maire de Daniel, inconscient du piège où il se trouve alors que son passé le rattrape petit à petit, l'obligeant à effacer les traces restantes de son mensonge. Portée par un casting pléthorique et en particulier des comédiennes particulièrement convaincantes, Blackout commence à laisser entrevoir la vraie nature de la manipulation autour de Demoys, refermant un piège particulièrement ingénieux et implacable. Noir, pesant, captivant et immersif, une plongée dans le destin d'un homme qui veut croire à une rédemption illusoire, mais qui découvre que cet espoir n'est que l'expression d'une faiblesse qui va bien plus loin que le simple alcoolisme.

 

J'aime :

  •  un vrai polar, particulièrement réussi
  •  les acteurs très impressionnants
  •  le face-à-face entre Demoys et Bevan
  •  la photographie superbe

 

Je n'aime pas :

  •  le complot encore assez confus  

 

Note : 14/ 20

Encore un épisode réussi pour Blackout qui se concentre sur l'ascension de Daniel au poste de maire et sa tentative désespérée pour effacer les traces d'un passé particulièrement encombrant. Une série au casting exceptionnel, en particulier Rebecca Callard, parfaite dans le rôle de Ruth Pulis, personnage qui incarne toute la monstruosité du mensonge de Demoys et la nature tragique de cette histoire.

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Image Blackout (2012)
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