Critique : Blackout 1.03

Le 13 août 2012 à 11:43  |  ~ 12 minutes de lecture
Un final doté d'une vrai force dramatique, mais qui laisse aussi voir les défauts d'un polar certes intense et élégant, mais aussi particulièrement frustrant.
Par sephja

Critique : Blackout 1.03

~ 12 minutes de lecture
Un final doté d'une vrai force dramatique, mais qui laisse aussi voir les défauts d'un polar certes intense et élégant, mais aussi particulièrement frustrant.
Par sephja

Les lumières de la ville sont noires et aveuglantes

 

Daniel décide de céder sous la pression et de proposer que le conseil municipal cède à Dentro le contrat revenant initialement à la coopérative. Pour le faire céder, la compagnie fait pression grâce au détective Griffin et à Jerry Durans pour menacer directement lui et sa famille, révélant qu'ils sont les hommes derrière la mort du témoin de la mort de Pulis. Victime d'une tentative de meurtre, le détective Bevan survit et se cache de ses supérieurs, essayant de découvrir seul la vérité cachée derrière toute cette histoire.

 

Résumé de la critique

Un épisode convenable que l'on peut détailler ainsi :

  •  un final incomplet à cause de problèmes structurels
  •  la peur du vide et ses conséquences
  •  un drame fort par instant, mais inconstant
  •  un bilan de cette saison un  

 

Blackout 103 : Demoys avoue son crime à Ruth

 

Préserver le peu qu'il vous reste 

 

Dernier épisode pour Blackout avec beaucoup de storylines à achever, travail difficile que les scénaristes ne vont réussir qu'en partie, certains éléments amenant à une conclusion assez frustrante. Pour bien apprécier cette fin, il faut comprendre que le coeur de la série repose sur le destin de Demoys et son espoir de rédemption, alcoolique devenu maire de la ville par des circonstances heureuses. Seulement, cet espoir n'était qu'un mensonge, l'épisode s'amusant à briller les illusions de son héros qui apparaît faible, pris au coeur d'un engrenage politico-financier qui le dépasse. 

Daniel est devenu maire non pas par son héroïsme accidentel, mais par l'opportunité qu'il représentait pour Dentro de mettre au sommet du pouvoir un être faible dont il pense avoir le contrôle. Il y a en effet deux histoires dans Blackout avec d'un côté les destins anecdotiques de Demoys ou de Bevan et de l'autre le récit de la tentative de prise de contrôle d'une ville entière par une puissante compagnie. Le personnage de Christopher Eccleston n'est pas le héros, ce n'est qu'un pantin sans importance, un alcoolique faible qui cherche à fuir son crime et profite d'une opportunité qui se révèle un piège finement tressé. 

A la différence de Demoys qui se voit offrir une porte de sortie, d'autres personnages comme Sylvie et Bevan sont totalement pris au piège d'une existence en forme de spirale autodestructrice qui a réduit leur couple en miettes. Deux destinés contraintes à avancer malgré tout sans réussir à se rejoindre, avec la certitude de l'impossibilité d'un quelconque bonheur ou d'un possible rachat, les obligeant à aller au bout de la route, jusqu'au désespoir. Une vision très sombre de la destinée qui handicape le final, n'offrant pas la porte de sortie attendue, donnant une scène finale étrange pour Bevan qui ne parvient pas à dénouer toute cette affaire et succombe à sa soif de vengeance. 

Il n'y a donc que peu d'espoir dans Blackout qui décrit un univers où la vie n'a pas de sens, plaçant ses personnages face au vide existentiel pour mieux narrer leurs peurs et leurs déchéances. Pour le héros, l'espoir d'un pardon s'efface pour finalement le ramener à la vérité, lui laissant comme seule possibilité de soigner sa sortie et faire la paix avec son démon intérieur dans un ultime sursaut d'orgueil aussi spectaculaire que pathétique. Avec comme seule satisfaction d'avoir su protéger sa famille et faire la paix du mieux possible, le laissant seul au sommet de cette ville, obligé de faire face à ses propres responsabilités. 

Si l'aspect existentiel du récit est plutôt réussi, l'aspect politique paraît beaucoup moins convaincant, proposant une vision cynique et sombre du capitalisme où la ville est devenue la proie des entreprises privées. Les impôts, cet argent du travail qui possède une vraie valeur à la différence de l'argent de la dette, est la cible de Dentro, une compagnie qui n'est jamais incarnée, privant Daniel d'un ennemi à affronter pour le final. L'impuissance des héros de Blackout est très frustrante, laissant le spectateur devant le sentiment qu'une partie de l'intrigue lui a été retirée. 

Un discours simpliste qui appuie le ton volontairement désespéré d'une série d'une réelle noirceur, mais qui s'encombre par instant d'éléments inexploités ou bâclés qui l'empêchent de convaincre. 

 

La tentation irrépressible de sauter dans le vide 

 

Blackout avait commencé avec Daniel au bord du vide, au sommet d'une ville trop grande pour un homme aussi faible et fragile que lui, incapable de faire face à ses propres démons. Les idéaux de sa jeunesse et sa foi dans la politique ont laissé petit à petit place aux déceptions d'un homme corrompu, brisé par sa faiblesse au point de se jeter à corps perdu dans la boisson. Découvrant que la rédemption est impossible, Daniel fait la seule chose en son pouvoir : soigner son départ, faire la paix avec lui-même et ses proches avant de perdre volontairement le contrôle de sa destinée. 

Se pencher, regarder dans le vide, c'est aussi ce que fait Sylvie, prise au piège des sentiments qu'elle ressent pour Demoys, un désir triste et uniquement physique, celle d'une femme vaincue par ses pulsions. Un personnage qui plonge de la même  manière, incapable d'échapper à sa dépendance malgré la conscience du mal qu'elle fait autour d'elle, storyline intéressante malheureusement mal exploitée. Une faiblesse symptomatique de la série et frustrante qui sera récurrente dans Blackout, série trop courte à la vue du matériel de départ, n'ayant pas su comme The Shadow Line prendre le temps pour donner du sens à ses différentes intrigues. 

Ruth hérite aussi d'un traitement pas à la hauteur de son potentiel, même si les scénaristes offrent une conclusion intéressante à son personnage. Pour elle, c'est la mémoire d'Henry Pulis qu'elle est obligée de sacrifier, fuyant pour ne plus voir tous les mensonges d'une police qui couvre les responsables et d'une ville qui lui ment en pleine figure. Seule, elle part pour fuir la vérité, celle d'un père qui n'était pas celui qu'elle croyait, celle d'un meurtrier qui aura été son seul soutien dans sa peine  pour la laisser impuissante lors de la révélation de son hypocrisie. 

Une mauvaise foi qui est aussi celle des scénaristes, créant le personnage improbable de Donna pour justifier des scènes de confessions certes touchantes, mais terriblement improbables. C'est là le défaut majeur de Blackout, série qui s'autorise une facilité avec un personnage beaucoup trop positif, étrangeté dans un univers aussi cynique et désespéré, cherchant ici à donner une teinte positive et hypocrite à un final particulièrement sombre. Une scène intéressante sur la culpabilité des enfants d'alcooliques, mais tellement peu crédible qu'elle finit par révéler les ficelles mélodramatiques de la construction de cette série.

 

Blackout 103 ; Bevan se cache pour survivre

 

Le corps noir et ses dangers

 

La maladie qui touche Blackout est la même que celle dont est victime le personnage principal, à savoir la tendance naturelle à l'être humain à se laisser séduire par la noirceur de l'âme humaine et à perdre la distance nécessaire pour ne pas s'embourber. Ainsi, la réalisation de Tom Green multiplie les cadrages très soignés, avec une photographie superbe, mais qui cassent les efforts des scénaristes pour donner une crédibilité à cet univers. Certes, la mise en scène est très jolie dans la forme, mais elle en fait fréquemment trop, accumulant les jeux de lumière et les effets théâtraux inutiles, ne laissant pas le temps aux personnages de s'exprimer pleinement. 

Lucy, pourtant jouée par l'excellente Lyndsey Marshal, profite d'un temps d'exposition beaucoup trop réduit, les auteurs oubliant d'utiliser sa relation particulière avec son frère pour amener encore plus de force à ce final. Comme tous les personnages secondaires du show, elle n'est que l'expression d'un schéma répétitif, fuyant son passé et l'erreur de sa relation avec Jerry tout en continuant d'en porter les traces en elle. Avoir le courage d'aimer en dépassant les erreurs du passé, une morale un peu tardive pour un récit qui se satisfait d'un minimum par rapport au potentiel de départ du show. 

En conclusion, un épisode en demi-teinte, captivant par instant, très maladroit à d'autres, mais qui laisse sur le sentiment d'avoir assisté à un bon thriller sans pour autant atteindre le niveau attendu. Malgré tout, la force du pitch, le soin apporté à certains plans et la qualité des interprètes donnent un ensemble très plaisant, en particulier cette séquence où Daniel apprend l'enlèvement de sa fille et va confronter Jerry. Une scène crue et brutale, malheureusement mal mise en valeur par un réalisateur qui ne prend pas le temps, symptomatique d'un show ambitieux qui s'en donne les moyens, mais s'avère trop pressé pour être vraiment crédible. 

 

Apprendre à apprivoiser le vide

 

Pour faire un bilan de Blackout, il faut d'abord différencier les intentions du show, particulièrement séduisantes et le résultat en tant que tel, partiellement inégal. Ainsi, l'idée de départ de construire un thriller autour d'un anti héros corrompu, alcoolique et meurtrier est une bonne idée, proposant la possibilité d'une rédemption délicieusement amorale. Un homme qui fuit son passé et cherche à repartir à zéro, mais qui voit à chaque fois dans le regard de son épouse et de ses enfants l'image de l'ivrogne qu'il fut et des souffrances dont il est responsable.

Dans ce rôle, Christopher Eccleston est impeccable, profitant d'une exposition très importante qui va malheureusement entrainer la mise en retrait des autres personnages. Portrait à charge d'un homme au fond du trou, la série suit Demoys du soir du meurtre d'Henry Pulis jusqu'à sa chute, ce crime le poussant à reprendre sa vie en main, surtout que la destinée met sur son chemin les personnes pour lui permettre de reconstruire sa vie. Une succession de circonstances un peu trop opportunes, laissant apparaître la nature opportuniste d'un récit trop pressé qui ne prend pas assez le temps de mettre chaque personnage en valeur.

Rappelons pour exemple qu'il aura fallu quatre épisodes entiers à The Shadow Line pour nous introduire correctement à Peter Glickman, donnant la scène admirable du face-à-face avec Gatehouse. L'ombre de la série d'Hugo Blick est d'ailleurs présente dans ce climat sombre et désespéré, renforçant la gêne devant les nombreux raccourcis narratifs que s'autorisent les auteurs, cassant par instant la crédibilité du show. La série possède une âme séduisante, mais la mise en valeur ne suit pas, donnant un contenu politique sacrifié au profit de scènes esthétiquement réussies, mais qui n'apporte pas grand-chose à l'intrigue.

Démarrant trop tard dans l'histoire pour laisser le spectateur s'imprégner de cet univers, Blackout n'aura pas su construire un parallèle entre ses différents personnages, délaissant clairement Sylvie qui disposait pourtant d'un potentiel intéressant. La série alors se ramène à un thriller existentiel certes plaisant, mais qui laisse un fort sentiment de frustration devant l'incapacité du show à atteindre les sommets pourtant envisageables. Un destin inaccompli pour cette mini-série ambitieuse qui fait ironiquement écho à celui de ses personnages en quête de pardon et d'un bonheur qui se heurte au cynisme cruel de la réalité.

Un jour ou l'autre, tout être humain se penche sur son vide intérieur, fruit des espoirs déchus et des erreurs du passé, les pêchés de toute une vie qui dresse portrait monstrueux de ses propres faiblesses. Il faut alors avoir le courage de regarder en bas, de voir le sol et de ne pas ressentir la peur devant ses propres abysses, d'assumer comme Daniel Demoys ses propres démons, pour apprendre à apprivoiser le vide.

 

J'aime : 

  •  le ton désespéré et cynique de l'épisode 
  •  les interprètes très bons 
  •  certaines séquences fortes et assez émouvantes 

 

Je n'aime pas : 

  •  des auteurs qui en font trop à plusieurs reprises 
  •  une réalisation qui abuse de certains effets 

 

Note : 13 / 20 

Si Blackout reposait sur un pitch très prometteur, les faiblesses du scénario et le rythme beaucoup trop rapide de l'intrigue empêche de mettre réellement en valeur les qualités d'une histoire sombre et fascinante. Heureusement, l'objet reste très élégant, avec plusieurs idées ingénieuses, des acteurs impeccables et une conclusion plutôt bien pensée, même si elle laisse sur un fort sentiment de frustration. 

L'auteur

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Image Blackout (2012)
14.11
13.67

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