Critique : Bomb Girls 1.01

Le 09 janvier 2012 à 17:51  |  ~ 9 minutes de lecture
Une mini-série canadienne sympathique narrant le travail d'un groupe de femmes sur une chaîne de fabrication d'obus durant la seconde guerre mondiale
Par sephja

Critique : Bomb Girls 1.01

~ 9 minutes de lecture
Une mini-série canadienne sympathique narrant le travail d'un groupe de femmes sur une chaîne de fabrication d'obus durant la seconde guerre mondiale
Par sephja

Le quotidien des femmes en temps de guerre 

Gladys Witham est la fille d'un riche fabriquant d'armes canadien, vivant une existence de privilégié alors que les hommes partent au front en ce début de seconde guerre mondiale. Se sentant inutile, elle va alors faire pression sur son père pour rejoindre une chaîne de montage de munitions où les filles viennent gagner leur vie et vivre pour certaines leur première expérience professionnelle. L'une d'elle, Kate Andrews, qui a fuit grâce à sa mère son père pasteur et brutal, va découvrir un univers particulier : le prolétariat au féminin. 

 

 

Résumé de la critique 

Un épisode assez plaisant que l'on peut détailler ainsi : 

  •  une histoire rarement abordée, marquant la naissance d'un désir d'indépendance des femmes 
  •  entre mélodrame et drame réaliste, un épisode qui repose sur de très bonnes comédiennes 
  •  un récit parfois brouillon et maladroit 
  •  une intrigue plutôt prometteuse 

 

 

La guerre vue de l'autre côté 

Minisérie venue du Canada en six parties, Bomb Girls avait tout pour me plaire : une belle galerie de personnages, un fond réaliste sans verser pour autant dans le documentaire scolaire et des personnages féminins forts en pleine seconde guerre mondiale. Une idée originale d'ailleurs de se pencher sur le conflit du point de vue des civils restés au pays, entre les femmes, les nantis et les immigrés pas encore considérés comme des citoyens au Canada. L'histoire commence au premier temps du conflit et raconte le quotidien de nombreuses femmes recrutées pour fabriquer des bombes pour le front anglais.

Ce sont des femmes que rien ne préparait au travail pour certaines, obligées de gagner leur vie pendant que les hommes se battent en Europe dans une guerre à l'échelle industrielle qu'il faut alimenter tous les jours. La plupart n'ont pas beaucoup d'expérience, mais elles exécutent leurs tâches avec une vraie minutie, cherchant par leurs efforts à aider leur cause commune : sauver leurs maris, leurs fils ou leurs amis partis au combat. A leur manière, elles participent vraiment à l'effort de guerre, tout en se découvrant une liberté nouvelle de prendre le contrôle de leur existence qui annonce de grands changements à venir.

C'est donc une minisérie au féminin, avec des actrices assez épatantes, montrant la découverte d'un nouveau prolétariat et d'une certaine ambition héritée de la première guerre mondiale. Mais ce premier épisode ne va pas si loin et se limite surtout à poser les personnages, ne cachant pas les dangers de ce travail en usine d'armement. Au milieu d'une scène comique où deux personnages badinent, l'accident surgit terrible et imprévisible, venant clore un épisode qui aura su imposer un ton entre drame et légèreté.

 

L'histoire d'une émancipation

Bomb Girls est un récit choral tournant autour d'un groupe de filles qui vont avoir pour seul point commun de travailler ensemble à cette usine de munitions. Venant de classes sociales différentes, à la recherche d'émancipation pour certaines, ou ne supportant pas de devoir rester impuissante alors que leurs proches sont au combat, leurs motivations sont diverses et assez touchantes. Avec un peu d'hésitation au début, la série va trouver la bonne approche pour installer ces différents personnages, usant avec sagesse de certains clichés pour aider le spectateur à trouver ses repères. 

La première à nous être introduite est Gladys (de dos ci-dessus), personnage central de l'épisode, car elle occupe une place à l'écart au sein de l'usine, jeune fille découvrant un monde cru et brutal dont elle fut protégée toute son enfance. Placée loin des chaînes de montage par son père patron de l'entreprise, elle hérite du secrétariat, poste encore très féminin loin du tumulte des constructions d'obus et des produits chimiques explosifs. Engagée par choix contre la volonté de sa famille, elle incarne le besoin de s'arracher du giron paternel de la jeunesse de cette époque.

A l'opposé, Lorna (ci-dessous) est une femme qui a été obligée de travailler après que son mari soit revenu estropié de la première guerre, contrainte de gagner de quoi nourrir sa famille. Avec ses deux fils partis au combat, elle travaille aussi pour oublier la peur de recevoir la terrible visite de soldats qui passent parfois dans l'usine, annonçant les décès à des épouses ou des mères souvent anéantis. Incarnée par une Meg Tilly remarquable, elle est le personnage auquel on s'identifie le plus rapidement, servant de pivot dans un récit très éclaté entre l'usine et le quotidien particulier du siècle dernier.  

Construit sur le mode du récit choral, Bomb Girls dresse un portrait attachant de personnages très divers et particulièrement complexes donnant une vraie richesse à l'intrigue. A la fois différentes et semblables, elles incarnent différents idéaux et espoirs pour l'avenir, la série évitant intelligemment le piège du pamphlet féministe tout en optant pour un ton volontairement mélodramatique et juste. Seulement, ce premier acte va connaître quelques petits accrochages qui vont nuire à la bonne fluidité du récit, les portraits des garçons se révélant être dans un premier temps beaucoup moins soignés que celui des jeunes femmes.

 

 

La fin de l'autorité du père 

Mais un personnage va sortir du lot, à savoir Kate jouée par Charlotte Hegele, très convaincante dans son rôle de jeune femme en fuite, poussée par sa mère à quitter le cocon familial et son père violent et brutal. Son voyage au coeur de l'univers de ces femmes obligées de survivre par leurs propres moyens est particulièrement intéressant, posant un regard nouveau sur les victimes oubliées d'une existence misérable en pleine seconde guerre. Un monde à l'arrêt, dans l'attente des victoires ou des défaites de leur armée partit dans un pays lointain, tandis que sur place les germes d'une révolution se mettent en place. 

Seulement, la série va commettre une petite erreur en dressant le portrait de personnages masculins assez passables, insistant un peu trop sur un machisme cliché, trop en tout cas pour être vraiment crédible. Le personnage de Marco, émigré italien volontiers badin et séducteur, va être le symbole des défauts et des qualités de ce premier épisode. D'abord, déplaisant et plutôt lourd, son portrait va lentement se nuancer pour créer un parallèle intéressant entre la situation de ces immigrés fuyant le fascisme et ses jeunes femmes, deux classes sociales tenues habituellement à l'écart du monde du travail. 

La scène du bal est la première véritable réussite de l'épisode, même si la réalisation paraît un peu kitsch, proposant un décor un peu trop minimaliste. Les personnages sortent enfin de leur cliché et montre un visage inattendu, celui d'êtres essayant de prouver à la société qu'ils sont aussi capables que les autres, même si la guerre n'a pas voulu d'eux. Les hommes doivent accepter d'agir de manière plus spontané et renverser les convenances, le temps de la guerre ne leur permettant pas de faire la cour à ces jeunes femmes de manière conventionnelle.

La scène de demande en mariage est très amusante par son absurdité volontaire et touchante, le jeune soldat accordant à Gladys un pouvoir qui lui permet de se sentir forte et de défier son père, détruisant cette figure d'autorité trop étouffante. C'est cela Bomb Girls, la description sur la base d'une intrigue romanesque d'un monde en train de changer, les femmes s'emparant du pouvoir que les hommes leur ont laissé. 

 

Une introduction convaincante 

Au premier abord, les premières minutes m'auront beaucoup inquiété, le récit passant du coq à l'âne pour présenter les différents personnages du show sans véritable fil directeur. La narration devient par la suite beaucoup plus claire, offrant l'histoire de la vie des oubliées de la guerre, ces femmes qui ont travaillé avec abnégation pour produire les munitions nécessaires au combat. La scène finale de l'obus se promenant avec une marque de rouge à lèvres est à la fois drôle et brillante, confirmant tout le potentiel d'une minisérie particulièrement réussie. 

En conclusion, un récit choral plutôt intéressant sur un aspect peu connu de la seconde guerre mondiale, à savoir la destinée d'un groupe de femmes travaillant d'arrache-pied pour fabriquer des obus. Dotée de personnages attachants, Bomb Girls est une bonne surprise, malgré un démarrage poussif, profitant d'un groupe de comédiennes particulièrement convaincantes. Entre l'aspect volontairement mélodramatique de leur existence et le réalisme de la guerre et du travail à l'usine, deux univers se rencontrent, posant les prémisses de la révolution féministe à venir.

 

J'aime :

  •  les comédiennes convaincantes 
  •  le récit assez original 
  •  la scène de demande en mariage très réussie 
  •  l'obus marquée au rouge à lèvres, parfait résumé de ce premier épisode 

 

Je n'aime pas : 

  •  les premières minutes très confuses 
  •  quelques erreurs dans la reconstitution (un poster affiché deux ans trop tôt)

 

Note : 14 / 20 

Une bonne surprise que cette minisérie qui se penche sur l'existence des femmes obligées de travailler dans les usines d'armements durant la seconde guerre mondiale. Un récit choral plutôt efficace qui propose quelques scènes assez fortes, pendant que l'intrigue trouve le juste équilibre entre le rire et les larmes. 

L'auteur

Commentaires

Avatar Koss
Koss
Très bonne critique, malheureusement perdue dans les tréfonds du site.

Avatar Anonyme
Anonyme
Oh oh je m'y pencherai peut être alors quand j'aurai un moment de libre.

Avatar sephja
sephja
Franchement, sans être transcendant, c'est pour l'instant un show assez honnête

Avatar Anonyme
Anonyme
Bah me trouvant perso depuis que j'ai terminé American Horror Story et The Slap en déficits de nouvelle série honnête, je suis carrément preneur.

Avatar CAD
CAD
Tu as essayé Boss Anonyme ?

Avatar Anonyme
Anonyme
Oh yeah et j'ai mega adoré! Mais pareil c'est fini. bouh :( c'était si court...

Avatar Altaïr
Altaïr
faut vraiment que je regarde...

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