Critique : Bomb Girls 1.02

Le 18 janvier 2012 à 20:35  |  ~ 9 minutes de lecture
Un second épisode intéressant qui ramène à la réalité de la guerre par le biais d'une défaillance dans les obus produit par l'usine.
Par sephja

Critique : Bomb Girls 1.02

~ 9 minutes de lecture
Un second épisode intéressant qui ramène à la réalité de la guerre par le biais d'une défaillance dans les obus produit par l'usine.
Par sephja

Une bombe est un engin de mort

Marco participe à un test standard sur les munitions lorsque l'un des obus fait exploser le mortier, envoyant trois ouvriers à l'hôpital et créant la panique au sein de l'usine. Refusant que le gouvernement apprenne que certaines munitions sont défaillantes, le directeur de l'usine demande que toutes les femmes soient réévaluées afin de licencier la moins compétente. Pendant ce temps, Vera découvre son nouveau visage après s'être fait scalper par l'une des machines de l'usine.

 

Résumé de la critique 

Un épisode intéressant que l'on peut détailler ainsi :

  •  une guerre des sexes sur le thème de la compétence 
  •  la lutte des classes au féminin 
  •  des femmes qui découvrent le pouvoir de l'influence et de l'apparence 
  •  une reconstitution qui mise avant tout sur ses personnages

 

 

Les différents terrains de la guerre

L'usine d'armement poursuit son travail alors que la bataille d'Angleterre commence et que la Luftwaffe bombarde Londres tous les jours de l'autre côté de l'Atlantique. La production d'armement s'intensifie et les contrôles de qualité deviennent décisifs, surtout que la moindre erreur de calibrage engendre aussitôt des drames. C'est ce point qui va servir de départ à l'épisode avec la remise en cause de la main d'oeuvre féminine, entraînant une guerre des sexes parmi les ouvriers, entre les hommes supposés infaillibles et les femmes réputées trop laxistes.

L'occasion de voir certains clichés ressortir, les scénaristes enfonçant des portes ouvertes par instant en oubliant de faire preuve d'un peu de nuance. Heureusement, le récit se rétablit vite en montrant que certains hommes joignent leur protestation, utilisant le raisonnement logique pour trouver le vrai coupable. Aussitôt, le souhait de licencier certaines femmes devient une décision liée au désir du patronat, dont le seul but est de satisfaire le gouvernement en donnant des têtes pour permettre de faire oublier l'accident.

Hors de question pour ces femmes de faire grève tant la misère et l'importance de leurs tâches, à savoir aider à ramener les hommes au pays, rendraient le moindre jour chômé inacceptable. Les femmes s'organisent autour d'une boîte de réclamations anonymes pour améliorer les conditions de travail, s'unissant sur l'idée d'exiger que leur travail soit jugé à sa juste valeur. Fier de leur oeuvre, elles s'unissent au-delà des classes, sur la conviction que leur travail mérite d'être reconnu, construisant un sentiment de fierté et d'union qui annonce déjà une forme d'émancipation.

En faisant preuve d'une injustice flagrante envers ses ouvrières, le patronat montre le vrai regard qu'il porte sur une main d'oeuvre pour qui il n'a que peu de considérations. Seulement, il oublie qu'elles travaillent pour leur mari et leurs frères partis au combat, pour nourrir leur famille et ne supportent donc pas d'être qualifiées de laxiste. Leur combat trouve écho chez les travailleurs émigrés (Marco en particulier), construisant une nouvelle forme de lutte des classes particulièrement inattendue.

 

L'idéal féminin et sa remise en cause 

Mais la vraie question qui traverse l'épisode concerne la femme et sa place dans une société où elles sont contraintes de s'en sortir seules, travaillant pour survivre pendant que  la guerre s'éternise au loin. La scène où Kate est obligée de louer ses services à un photographe de charme pour payer ses papiers montre bien le peu de possibilités offert par la société pour leur permettre de gagner leur vie à cette époque. Au-delà de la maman ou de la putain apparaît l'ouvrière, des femmes qui sont en train de changer en profondeur la vision de la féminité en prouvant leur capacité à gérer de lourdes charges de travail.

Travailler tout en vivant sa féminité au quotidien, voilà une capacité dont les femmes se pensaient incapables et qui apparaît comme un choix possible. Certes, des tensions apparaissent entre les femmes de bonne famille et les filles plus pauvres, mais cette jalousie va vite être balayée pour une cause commune, celle d'un besoin d'affirmer une certaine fierté. Balayant l'idéal féminin bourgeois de la bonne épouse et de la mère, les femmes trouvent une nouvelle façon de s'épanouir en l'excitation de renverser une autorité masculine qui les a menées à la guerre et à la misère.

Fille de riche bourgeois, l'esprit plein d'idéaux, Gladys trouve dans l'usine l'occasion d'exprimer des convictions que le milieu aisé où elle évolue réprouve. Dans ces usines, les filles de bonne famille sympathisent avec des militantes et d'autres qui ont choisi de se révolter contre l'autorité du père, découvrant un idéal commun par delà les jalousies. Tout cet univers contient un côté assez cliché qui permet d'identifier et de s'attacher à ces nombreux personnages, donnant quarante minutes très fluides qui passent sans réel temps mort.

On pourrait objecter de nombreuses choses à Bomb Girls, mais elle raconte avec intelligence comment une révolution se forge toujours sur du malheur, la souffrance entraînant le besoin de changement. Les codes se bouleversent alors sous l'impulsion de pionnières qui redéfinissent à leur manière l'idéal féminin, construisant les premiers signes de l'émancipation.

 

 

Assumer le choix de sa propre existence

Mais avant tout, Bomb Girls est une histoire profondément humaine, avec des personnages attachants et très bien incarnés par des comédiennes convaincantes. Les hommes aussi sortent des clichés habituels, Marco montrant comment la cause des travailleurs immigrés rejoint finalement celle des femmes. Loin des facilités du premier épisode, il incarne une nouvelle génération d'hommes qui rejettent l'expression de la virilité passant par un besoin d'asservir pour faire le choix de la séduction comme nouvelle forme de conquête.

La série a beau montrer l'émergence d'un changement dans la condition féminine, elle nous raconte aussi le besoin pour ses femmes de garder certaines valeurs du passé, comme l'importance donnée à l'apparence. Le personnage de Vera est l'incarnation de l'importance de la féminité, défigurée après avoir été scalpée par une machine. Un destin tragique et touchant qui vient nuancer intelligemment le récit choral légèrement utopiste de la révolution féministe, montrant l'importance de rester féminine et de s'assumer même pour celle qui ont fait le choix de l'émancipation.

De même, Gladys va, en affirmant ses opinions, se rapprocher d'un fiancé qui la respecte justement pour cette force de conviction qu'elle affiche. Par ses conseils et ses remarques, elle influence ses décisions et montrent une autre facette de cette capacité à inspirer, preuve que les femmes ont toujours eu de tout temps un goût pour le pouvoir. Une série qui parvient à explorer avec subtilité tous ces aspects de la société des années quarante, entre tradition et premier signe de changement, offrant une minisérie pour l'instant captivante qui mérite totalement le coup d'oeil.

 

Réalisme et adaptation 

Le principal problème de Bomb Girls vient en fait des petits arrangements que la série prend avec l'histoire, dressant un portrait légèrement idéalisé d'une époque. Loin d'être aussi solidaires, les femmes ne se sont pas si vite organisées pour défendre leurs droits à une certaine reconnaissance, la série faisant le choix de la fiction au détriment du réel. Réécrivant l'histoire par instant avec une légère tendance au parti pris, la série propose une intrigue passionnante portée par des comédiennes particulièrement convaincantes.

Au final, la série canadienne nous offre un second épisode plutôt réussi, développant les différents personnages féminins alors que leur travail est remis en question par un patronat opportuniste. Doté d'une galerie de personnages attachants, la minisérie raconte la destinée de six femmes dans un univers trop petit pour elle, écrasée par le poids de valeurs traditionnelles sur le point de voler en morceaux. Malgré un scénario un peu trop orienté dans son discours, Bomb Girls offre une intrigue plutôt plaisante et dynamique,  évoquant un joli éclairage sur une page peu connue de l'histoire.

 

J'aime : 

  •  un récit prenant et particulièrement bien construit 
  •  des comédiennes très convaincantes 
  •  une réalisation soignée et efficace 
  •  un thème de départ particulièrement intéressant 

 

Je n'aime pas : 

  •  des petits arrangements avec l'histoire regrettables 

 

Note : 14 / 20 

Un bon épisode de Bomb Girls qui confirme les qualités entrevues dans le pilote, offrant une intrigue rythmée et prenante, à défaut d'être parfaitement en accord avec la réalité. Une description intéressante du changement profond d'une société où les femmes découvrent un désir d'émancipation, trouvant dans la guerre l'occasion parfaite pour mettre à mal une société excessivement paternaliste. 

L'auteur

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Image Bomb Girls
13.2
13.72
14.5

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