Cela fait maintenant quatre semaines que nous regardons Vince Gilligan s’éclater comme un enfant qui fout de grands coups de pied dans un château de sable qu’il aurait mis la journée à construire. On ressent presque le plaisir jouissif de la destruction à chaque nouvelle scène. De mémoire de visionneur régulier, jamais aucune série n’avait enchainé autant d’épisodes de qualité sans la moindre fausse note. Et nous sommes ravis de nous faire écraser par tant de drames, de manipulations, de déchirements et de regrets. Mais quel est ce maléfice ?
Vitesse et précipitation
Si tout semble s’enchainer comme un éclair, forçant parfois votre serviteur à consulter le timer pour être sûr que le plaisir durera encore quelques minutes, rien n’est bâclé pour autant. Et on en vient presque à se demander si les autres séries ne se foutraient pas un peu de notre gueule finalement, parce que vraisemblablement, éviter les temps morts quand on a bien construit son script, ça semble couler de source.
Depuis le début de cette sixième saison (ou seconde partie de cinquième saison au choix), la timeline de la série s’est contractée au point de ne plus autoriser aucune ellipse. Nous suivons Walt, Jesse et Hank sans discontinuer et même si l’on sent l’apothéose poindre à l’horizon, chaque scène rajoute de la poudre et tout plein de trucs inflammables à la sentence qui arrivera ipso facto dans quatre semaines. Les camps se dessinent et s’il nous a paru difficile de lire les intentions réelles des protagonistes ces cinq dernières années, on peine désormais à envisager autre chose que l’inéluctabilité. Hank, Marie et Jesse d’un côté contre Walt, Skyler et Saul de l’autre, la détermination de chaque camp étant définie par son implication dans la finalité de toute cette histoire.
Manipulations diaboliques et justice implacable
Cette semaine, Walt parvient à manipuler Junior, galère à manipuler sa femme et se vautre royalement en tentant la même chose avec Jesse tout en n’ayant plus aucun contact avec la famille Schrader. Et la puissance du personnage nous saute désormais aux yeux dans chaque ligne de dialogue qu’il prononce. Nous sentons subtilement l’intensité que Walt veut prodiguer à ses bobards, farfelus ici pour en amener un plus plausible là, et depuis le début de la série, nous assistons à la partie d’échecs que se livre Walt contre lui-même, comme si le pouvoir de ses manipulations dépendaient de sa propre crédulité.
Le premier coup de téléphone à Jesse est ainsi un formidable pied de nez à la relation qui unissait les deux personnages et deux éléments de l’épisode viennent immortaliser leurs instants de vie : Jesse disant « he was my teacher » et Hank lui expliquant sans savoir lui-même à quel point il est dans le vrai que Walt l’aime vraiment, surement comme Léonard aime son disciple…
Alors on se prend à vouloir tantôt que le camp de la justice l’emporte, et tantôt que ce soit celui de Darwin parce que bon, tant de talent, même si c’est pour le mensonge, ça mérite presque le respect. Le pire (ou le meilleur) dans tout ça, c’est que l’on sent Walt sincère et tentant réellement d’effacer son passé comme l’essence dans son salon. En ceci l’épisode est encore une mise en abyme de l’histoire de son anti héros avec un Walt qui tente encore de préserver sa famille, son foyer, sa réputation, son histoire et ses intêrets. Son, sa, ses, l’ampleur de l’implosion à laquelle nous assistons n’a d’égale que la taille de l’égo de Walter White et, ici et là, son manque volontaire d’humanité finit par devenir touchant, tout comme la haine de Jesse, Hank et Marie parce que finalement, tout ce petit monde est plus humain que nature.
Des détails
Si nous transposions Breaking Bad dans l’univers d’un autre créateur, avec d’autres scénaristes, la série perdrait surement non seulement sa saveur, mais également son intérêt. Ce qu’il y a d’incroyable dans ce show, c’est que nous autres, téléspectateurs de 2013, avons déjà vu des centaines d’histoires de trafic de drogues, de mafia, de drames familiaux poignants, de psychopathes et de relations prof/élève. Et pourtant tout est différent, de la recette aux ingrédients.
Il n’y a plus grand chose à dire sur cette série. Todd a trouvé sa raison d’être en cette fin d’épisode et nous n’avons plus qu’à appuyer quatre fois sur lecture avant de pleurer sur ce que nous attendions avec impatience depuis six ans. Finalement, la confrontation finale qui se dessine à l’horizon semble mettre Hank sur la touche au profit de Jesse . Ce sera Walter armé de Todd, contre Jesse armé de Hank. Kaijus et autres Jaegers n’ont qu’à bien se tenir, ces géants-là font justement dans la dentelle, et ce sera bien plus puissant que tout ce que la mécanique hollywoodienne nous a livré jusque-là.
Ce que j’ai aimé :
- Presque tout.
Ce que j’ai un tout petit peu moins aimé :
- Jesse a peur et c’est normal. Mais s’il sait Walt intelligent, il devrait se douter qu’il ne posterait pas un tueur pile en face de son banc. Mais bon, je chipote.
Note : 18/20