Nous y voilà… Il ne reste plus qu’un seul épisode de Breaking Bad, après quoi nous serons libres. Oui, libres. Libres de décider de regarder un épisode d’une autre série ou un film sans que cela joue sur notre moral. Libérés de toutes les angoisses que cette série peut provoquer, des malaises et des poings qui serrent le cœur. Tel l’héroïnomane en cure de désintoxication, nous souffrirons chers lecteurs, nous souffrirons beaucoup, mais nous ne pouvions plus continuer comme ça. Jusqu’où vont-ils aller pour nous torturer ? Le talent excuse-t-il tout ? De prime abord, je répondrais d'un oui méfiant. Méfiant parce qu’il ne me parait pas naturel d’attendre avidement la diffusion d’un épisode pour finir scotché au canapé la bouche bée après avoir perdu un, puis deux êtres chers, avoir assisté à des scènes de manipulation qui feraient passer Patrick Jane pour un escroc et avalé un flot de haine discontinu par séquences de 52 minutes. Et le tout sans nous laisser le loisir d’excuser la moindre maladresse scénaristique pour servir les ambitions d’une chaine. Tout se tient et tout semble si simple que nous n’avons même pas le droit de nous réfugier derrière une incohérence en nous disant que de toute façon, tout ça c’est du cinéma. Breaking Bad nous fait beaucoup de mal et le pire, c’est qu’il a raison.
Skyler regarde Breaking Bad
What about the soul ?
Je ne sais plus quoi penser de cette série et à vrai dire, j’ai peur de ce dernier épisode. Que peut bien cacher ce Felina maintenant que nous savons que toutes les limites ont été transgressées. Sans nous en rendre compte, Vince Gilligan nous a amené dans un monde ou le manichéisme et tout ce qui tient de la morale se sont évaporés. Seuls restent l’instinct de survie et la vengeance, maintenant que cette série s'est appliquée à dépecer soigneusement tous les codes de l’attachement aux personnages. Parce qu’on n’en vient pas à aimer des monstres sans cinq saisons de préparation, sans partir d’une base humaine solide. Cet homme squelettique dont le seul objectif est de survivre suffisamment longtemps pour exterminer une famille ennemie ne sort pas d’une pirouette scénaristique. Nous le connaissons suffisamment pour que de simples objets nous rappellent un souvenir d’un instant partagé avec l’être humain qu’il était, Walter White, fragile, faillible, mari, papa. Tout ceci pour nous amener aujourd’hui a nous extasier devant un ramassis d’ordures qui, sortis de leur contexte, ne mériteraient même pas que l’on zappe dessus inopinément.
Breaking Bad est peut-être la première série, voire la première œuvre qui dissèque avec autant de minutie l’âme humaine et qui parvient aussi bien à mettre en abyme une âme quelconque pour en extraire les fondements profonds. Et tout ceci nous ramène au deuxième épisode de la première saison qui prend de plus en plus de sens au fur et à mesure des épisodes. Lorsque Walter s’interroge sur ce petit supplément, sur l’infime pourcentage qui manque à la composition du corps humain, l’âme apparait comme une réponse évidente à Gretchen. Dès le début Walter avait tort en pensant qu’il n’y avait rien d’autre que de la chimie là-dedans. Chaque épisode de Breaking Bad a été une réponse a cette supposition. Il y avait bien plus que de la chimie, il y avait l’obstination, la cupidité, l’égo. Walter White a vendu son âme contre de la chimie et chaque semaine, le générique nous montre comment cela doit finir. En nuage de fumée verte.
Jesse regarde Breaking Bad
Descente aux enfers et traversée du désert.
Bon ! Maintenant que les évocations sont évacuées, nous pouvons reposer les pieds sur terre pour regarder l’épisode en face. Hank n’étant plus là, il ne reste que deux histoires : la traversée du désert de Walter White, et la descente aux enfers de Jesse Pinkman. Chacun vit un chemin de croix que l’on pourrait presque voir comme un supplice des enfers grecs. Walter a tout sacrifié pour protéger sa famille lorsque celle-ci n’en avait pas vraiment besoin et voilà qu’il se retrouve totalement impuissant alors qu’il est lui-même responsable de la débâcle de celle-ci. Jesse n’est jamais parvenu à assumer un seul de ses choix et voilà qu’on les fait pour lui et qu’on le libère de toute source de sentimentalisme. Et nous voyons leur chemin partir l’un vers l’autre en sachant parfaitement que la collision sera terrible et pourtant… Tout est possible.
Quand on voit le plaisir que prend Vince Gilligan a nous laisser espérer de longues minutes que l’inéluctable ne va pas se produire, que Hank va s’en sortir, que Walter ne vendra pas Jesse, que Todd va hésiter à coller une balle dans la tête de la demoiselle… On assiste alors tremblant au dialogue entre Skyler et Todd, parce qu’absolument tout peut arriver en une fraction de seconde. Et honnêtement messieurs-dames, rien que pour avoir réussi à rendre aussi instables des situations que le cinéma nous a habitués à regarder d’un œil désabusé par la démagogie, je ne vois plus trop comment émettre un point de vue purement critique sur cette série. Les acteurs sont transcendés, ivres d’un scénario qui macère depuis six ans. Quand cet instant magique arrive, c’est déjà exceptionnel. Quand en plus la réalisation continue à faire preuve d’inventivité, que la technique suit et que pour couronner le tout, la tension ne retombe pas une seule seconde pendant trois épisodes, il ne reste plus qu’à regarder un peu coi l’auteur percer la dernière page de son œuvre d’un point final que nous savons d’ores et déjà douloureux.
Par conséquent, nous en resterons là pour cette semaine. Il ne nous reste plus qu’à méditer sur toute cette sale histoire et à nous préparer psychologiquement pour le dénouement. Série-All sera là pour pleurer avec vous et quelque chose me dit que nous continuerons à parler de cette série encore longtemps.
Walt regarde aussi Breaking Bad.
Ce que j’ai aimé :
- L’épisode
Ce que je n’ai pas aimé :
- Regarder l’épisode.
Note :19/20