Mais que se passe-t-il ?
En voilà un épisode perturbant. Une pause dans l’intensité de cette saison juste avant la pause de la diffusion. Une pause qui ressemble à une mauvaise page de scénario, celle roulée en boule par un scénariste après qu’il eut imaginé une fin heureuse à son histoire, comme s’il pouvait y en avoir une. Une pause qui nous montre que Breaking Bad est un jeu vidéo grandeur nature, un GTA dans lequel aucun personnage n’est contrôlé par l’Intelligence artificielle d’une machine et ou chaque protagoniste doit arriver à sa propre fin. Ce que nous venons de voir, c’est la fin heureuse de Walter White, celle qui est incompatible avec les autres, celle de son monde, ou la justice n’existe plus, ou la fin justifie les moyens et ou l’argent, en tant que Graal ultime de sa longue croisade, résout tous les problèmes.
C’est également une fin qui nous permet de nous interroger sur les fondamentaux de cette série. Sur le véritable objectif final de tout cela. Une montagne de billet ? Est-ce réellement ce que Walter White désirait ? A première vue au sen propre et métaphorique du terme, on se dit que oui. Et puis cet épisode qui pousse à s’interroger sur le pourquoi d’une telle légèreté après une saison aussi lourde, se digère et révèle sa richesse :
De par son rythme étrange et son montage brouillon en apparence, on peine à décoller. Il n’y a pas de phase ascendante, pas de tension écrasante ni même de drame. Une sorte d’épisode Vaudeville à la sauce Breaking Bad, ou neuf morts tragique sont couverts par une musique légère donnant une touche irréelle à l’ensemble et ou l’ironie balaye le tragique d’un revers de la main. A première vue donc, la mayonnaise ne prends pas. Quelques heures après avoir vu l’épisode on commence cependant à se demander si c’était bien de mayonnaise dont il s’agissait et chaque scène prend une tout autre dimension.
Non, ce n’était pas l’objectif de Walter de gagner autant d’argent et non, ce n’est pas la quantité accumulée qui l’a décidé à arrêter. Walter avait besoin de se confronter à lui-même pour ne pas mourir et c’est l’absence de challenge depuis la disparition de Gus d’abord, et ensuite de Mike qui l’a contraint à abandonner. Walt sait que tout l’or du monde ne lui permettra jamais de sortir de cette prison dont il a découvert l’étendue dans le premier épisode de la série. Il est enfermé dans une vie de famille routinière. L’annonce de sa mort n’a fait que lui donner une raison de vivre : celle d’accomplir quelque chose pour sa famille dans un premier temps, puis pour lui-même. Arrêter de « cooker », c’était accepter que cette raison de vivre s’évanouisse. Sans obstacle, celle-ci est devenue une routine parmi d’autres, une démonstration de la puissance de l’inertie. Et en suivant ce raisonnement, on se rappelle les paroles de Skyler au fil des épisodes et on la soupçonne d’avoir joué cette ultime carte, celle – machiavélique – de la routine pour faire disparaitre son bourreau comme elle le souhaitait quelques épisodes plus tôt. Et en revoyant son comportement, son rapprochement de Walter après la conversation avec Marie au sujet des enfants en dit long sur la réorientation des forces.
De cette manière, les dernières minutes de l’épisode claquent aussi fort que la découverte de Hank sur le trône : Walter White a détruit l’une après l’autre, toutes les branches qui le raccrochaient à la vie : L’intelligence de Gus, l’innocence de Jesse, la résistance de sa femme, l’opposition de Mike, le manque d’argent, l’estime de son beau-frère et surtout, les occasions d’être Heisenberg. Il est redevenu ce morceau de viande froide dont la science peine à soigner la faiblesse, ce pantin familial qu’il fuit depuis cinq saisons maintenant.
Le fantôme d’Heisenberg.
Un chapeau, des lunettes noires et Jesse. C’est tout ce qu’il reste d’Heisenberg. La scène – magistrale comme toutes les autres – ou Jesse reçoit la visite de Walter représente parfaitement ce que ce dernier laissera finalement, hormis un tas de billet inutile car inutilisable : un fantôme qui n’effraie que ceux qui ont vu son vrai visage. Et la dernière personne vivante à avoir vu ce visage est Jesse Pinkman.
Cette fin de demi-saison aurait donc pu convenir en tant que fin définitive pour la série, si nous enlevons Skyler, Jesse et Todd. La découverte de Hank n’est selon moi qu’un cliff de fin comme nous en avons souvent vu dans cette série, elle ne fera qu’éveiller certains soupçons qui seront validés ou non par les évènements à venir. On pouvait se demander ce que Vince Gilligan allait bien pouvoir nous raconter pendant les huit prochains épisodes et ce huitième met le doigt de manière très subtile sur les « autres fins », car je ne sais pas pour Todd, mais je pense que Skyler et Jesse auront forcément droit à une vengeance.
Faites vos jeux.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les créateurs de Breaking Bad n’ont omis aucun détail pour nous immerger et nous impliquer dans le scénario. Cela laisse le champ libre aux suppositions pendant les 12 mois qui nous séparent du dénouement. Si le 21 décembre est bien la fin du monde, cette date nous privera surtout du dénouement de Breaking Bad. Si vous pensez que j’exagère quand même un p’tit peu, rappelez-vous les moments d’intensité que cette série vous a procurés et dites-vous que cet épisode a remis les compteurs à zéro. L’univers de Walter White s’est comprimé et le temps y est suspendu, mais chacune de ses actions a laissé une trace. Si Hank a découvert un indice matériel, il suffirait à Jesse de découvrir l’un des tubes que Walt à cacher pour que la réaction en chaine qui s’en suivrait nous conduise au plus beau bouquet final qui soit dans le monde de la série TV.
Pendant le générique final de l’épisode, je me disais que cet épisode méritait 15. Et je suis toujours d’accord avec le fait que cette note est méritée vu que j’ai connu des moments bien plus intenses dans cette série. Et puis nous avons discutés avec Taoby et en écrivant ma critique, je n’ai plus vu l’épisode en lui-même comme tel, mais plutôt comme le point culminant de nombreuses références auxquelles il est attaché. C’est un pied de nez à l’absurdité de Walter White, à la fausse victoire d’Heisenberg. Je mets donc un 17, une note située entre celle du fan boy et celle du frustré que j’ai au fond de moi. A l’année prochaine Walt.
Ce que j’ai aimé :
- La peur de Jesse
- La découverte de Hank
- La fin de Walter
- L’absurdité de la finalité
Ce que je n’ai pas aimé :
- Ca ne monte pas aussi haut que certains autres épisodes
Note : 17/20