La fin du temps d'adaptation
Annie Walker célèbre le 4 juillet à Langley lorsqu'elle reçoit un message de Jai Wilcox lui demandant de le retrouver en secret, cherchant à lui parler d'une menace pesant sur elle et toute l'agence. Seulement, sa voiture explose avant qu'il n'ait le temps de s'expliquer, laissant Annie bouleversée et la CIA en état de crise. Soupçonnée, l'agent Walker est promue en dehors du CDC pour rejoindre la division de Lena Smith, une femme moins protectrice et plus exigeante que Joan Campbell.
Résumé de la critique
Un épisode ambitieux que l'on peut détailler ainsi :
- des auteurs qui choisissent de tout chambouler
- Annie Walker obligée de travailler sans filet
- une mythologie très ambitieuse
- une vraie série d'espionnage
Révolution
A la fin de la saison deux, les auteurs de Covert Affairs avaient fini par me convaincre d'une chose : retourner à mon coffret des cinq saisons d'Alias pour retrouver mon goût pour les séries d'espionnage, genre majeur de la série télévisée. Annie Walker semblait condamnée à n'être qu'un personnage comme un autre, le show reposant sur son capital sympathie et une réalisation qui ose délocaliser le tournage. Du coup, pourquoi continuer les critiques, pourquoi poursuivre un show condamné à se répéter lui-même sans fin et sans espoir d'évoluer ?
Cet épisode va répondre à cette question de la meilleure des manières et vient rappeler que si les deux premières saisons ont protégées l'agent Walker, les scénaristes ont bien l'intention cette saison de lui faire enfiler sa tenue d'espion pour de bon. Cette année est celle du changement et commence par une explosion assez clichée, mais qui rappelle que toute histoire d'espionnage se doit de reposer sur un mystère que la saison va devoir décrypter. Dès lors, la hiérarchie au sein de la CIA va être bouleversée, avec Joan qui perd coup sur coup Annie et Auggie, chacun affecté à un point stratégique de l'agence.
L'agent Walker va faire la connaissance de sa nouvelle patronne, interprétée par une impeccable Sarah Clarke, chef d'une branche plus élevée au sein de la CIA. Une façon pour les scénaristes de lui mettre la pression en montrer le prix du succès, à savoir l'obtention de nouvelles responsabilités, enlevant le filet de sécurité sur laquelle elle reposait jusqu'ici. Perdant le contrôle, l'héroïne se retrouve totalement seule, obligée d'assumer ses choix et ses convictions, montrant une volonté d'agir plaisante, seul moyen pour conserver la main dans des situations périlleuses. La possibilité de la mort vient rappeler à l'agent Walker la nature des risques qu'elle prend, lançant une saison qui apparait enfin comme celle de la maturité.
Mais pour cela, il faudra que la mythologie se montre à la hauteur, plaçant un certain poids sur Auggie qui se retrouve dans le fauteuil de Jai, essayant de comprendre les origines de l'attentat. L'ensemble est assez confus pour l'instant, mais montre quelques bonnes inspirations qui permettent d'espérer un développement intéressant, à l'opposé totale des habitudes de la série. Un risque important, pris par des auteurs qui osent enfin bouleverser la structure du show et donne un épisode sans temps mort et enthousiasmant, à des années lumières de la saison précédente.
Le travail d'espion
Après avoir appris les ficelles du métier et les différents aspects du travail d'espionne, Annie passe à la phase la plus difficile, à savoir celle où toute la responsabilité pèse désormais sur ses épaules, sans personne pour sauver la situation. De manière assez maligne, la première scène montre comment Annie dépendante de sa soeur pour rattraper ses bourdes, protection chaleureuse que les scénaristes vont brutalement lui retirer. Même si elle n'était pas prévue dans le casting de départ, le choix de Sarah Clarke se révèle aussitôt excellent, la comédienne imposant un style plus dynamique à la série.
Annie voulait être espionne, son voeu est désormais exaucé, la plaçant en première ligne face à une menace très tangible, la moindre faute risquant de lui coûter sa vie. La peur de la mort, peu présente jusqu'ici dans les missions de Walker, devient un enjeu quotidien, consciente que si son identité est révélée, la jeune femme deviendra une cible. Sa vie privée s'évanouit alors, laissant Annie face à la nécessité absolue de maintenir son mensonge, offrant à la comédienne la possibilité de montrer la fragilité de son personnage tandis qu'elle découvre la réalité de son métier, beaucoup moins glamour que prévu.
Les risques du métier sont bien mieux mis en valeur cette année, tout comme l'enjeu qui dépasse la simple mission solo, son opération s'intéressant à un achat de terrain en plein milieu du désert Marocain qui cache quelque chose de beaucoup plus gros. La série se doit d'être crédible, profitant de l'expérience des deux saisons précédentes pour les comédiens et du charisme dans l'ancienne vedette de 24, la capacité de l'équipe de tournage à délocaliser le tournage se révélant un plus indéniable. Cherchant à s'appuyer sur les qualités habituelles de la série, Covert Affairs offre une mission du jour plaisante et efficace, même si la scène de la tempête de sable est peut-être de trop.
La scène d'ouverture apparaît au final comme décisive, laissant apparaître pour la première fois une Annie Walker blessée, décoiffée, déboussolée et encore assommée par l'explosion dont elle vient d'être témoin. Une image forte qui marque ce début de saison, donnant à l'héroïne une fragilité nouvelle qui manquait à la série, celle d'une femme confrontée à la violence de la réalité du métier d'espion.
Un pari risqué
En choisissant une intrigue feuilletonnante et en insérant une part de géopolitique dans le show, Matt Corman et Chris Ord prennent un très gros risque, privilégiant le plaisir du spectateur à la sécurité d'un format usé jusqu'à la corde. Choisir de laisser les éléments techniques du scénario à Auggie paraît plutôt intelligent, l'utilisation de l'astuce narrative du décryptage des dossiers permettant de diffuser les informations petit à petit. Si l'épisode est réellement bon, c'est avant tout grâce à l'enthousiasme évident des auteurs devant la tâche qui les attend, un tel format ne laissant que peu de place à l'improvisation, plaçant l'équipe créative dans les mêmes dispositions que leur héroïne.
C'est donc en allant à contre-courant de la mode actuelle que Covert Affairs surprend, mais aussi en donnant à Piper Perabo la responsabilité de nous faire croire et partager sa romance avec un très bon Richard Coyle. L'ensemble fait un peu carte postale, mais revient à une routine habituelle du show pas vraiment déplaisante, donnant une base de départ assez convaincante à la suite de l'histoire. Le cliffhanger final apparaît comme assez malin, offrant l'opportunité de lier directement le travail d'Auggie avec la mission de Walker, nécessité absolue pour éviter une trop grande dispersion du récit.
Seulement, si les interprètes parviennent à vendre leur personnage, la vraie faiblesse de cet épisode reste l'aspect géopolitique de l'intrigue, les enjeux restant pour le moins confus. Par sa forme privilégiant un certain réalisme, la série ne peut pas se permettre le côté très "comic book" d'Alias, ne possédant de méchant charismatique à la hauteur d'un Arvin Sloane. C'est finalement la seule chose qui manque encore à la série, un vrai antagoniste sur le terrain, mais aussi au sein de Langley, qui vienne mettre la pression sur l'ami de l'agent Walker.
Le grand chambardement
Avec tous ses changements, la série donne la sensation de chercher à s'ajuster, en particulier concernant Joan qui se retrouve reléguée à un rôle assez subalterne. L'épisode laisse par instant un sentiment de confusion, Auggie cherchant encore la nature de son rôle au sein de l'Agence, surtout par rapport à Annie. Multipliant les changements, ce début de saison emporte tout sur son passage et doit encore redéfinir certains éléments de son univers, en particulier concernant les rapports hiérarchiques au sein de Langley, seul moyen de donner une vraie dimension mythologique à cette histoire.
Après une saison deux décevante qui faisait fréquemment du remplissage, cette saison trois prend une orientation totalement différente, offrant une intrigue inattendue et bienvenue qui relance clairement la série. Le choix risqué d'un style plus feuilletonnant montre la volonté des deux showrunners de passer à la vitesse supérieur et de se mettre en danger, en espérant que la suite saura tenir les promesses de ce season premiere courageux. La tâche s'annonce ardue, mais ce changement d'orientation reste une excellente surprise, surtout vu le marasme dans lequel la série avait fini sa saison précédente.
J'aime :
- le démarrage percutant
- le choix du feuilleton risqué
- le scénario sans temps mort
- les acteurs très bons
Je n'aime pas :
- l'intrigue à Langley encore assez brouillonne
Note : 14 / 20
Après une saison une timide et une seconde brouillonne, Covert Affairs choisit de tout révolutionner en donnant une promotion à l'agent Walker qui se retrouve sous les ordres d'une Sarah Clarke très convaincante. Optant pour un style feuilletonnant, cet épisode pose des bases intéressantes pour une troisième année ambitieuse sur le papier, mais qui va avoir la difficile tâche de tenir ses promesses.
sephja
