Il s’est passé des mois depuis la fin d’une septième saison placée sous le signe du conformisme; les scénaristes ayant préféré jouer la carte de la prudence. Malgré l’omniprésence du fantôme du sergent Doakes, l'épisode final s’était révélé assez prévisible (on y voyait Debra en pleurs tirant sur LaGuerta). Restaient les deux questions en suspens à savoir : l’évasion d’Hannah et la culpabilité de Debra pour pousser les curieux à voir la suite. A Beautiful Day va-t-il réussir à poser correctement les jalons de la saison 8 ? Et surtout, celle-ci arrivera-t-elle à renouer avec la maestria de ses débuts ?
« Tic, tac, tic, tac. Tu entends ? C’est ta vie qui s’écoule. »
Dans ce premier épisode, six mois se sont passés depuis la mort de LaGuerta. Dexter a repris une vie normale à la différence de sa sœur Debra qui a changé de travail, de mec et de vie. En parallèle, un nouveau tueur en série sévit à Miami, laissant derrière lui un corps mutilé. Un certain Dr Evelyn Vogel (Charlotte Rampling), neuropsychiatre et spécialiste des serial killers, propose son expertise aux autorités. Voilà de quoi occuper notre cher rouquin friand des giclées de sang !
Commençons par les faiblesses de ce season premiere. À ce stade de la série, l’obstination des auteurs à assister son public semble aberrante. Et les mauvaises langues auront bien raison de pointer du doigt ce didactisme jusque dans les dialogues tant l’on se retrouve en terrain connu, n’attendant qu’un décollage imminent. Ce décollage n’aura pas lieu dans ces cinquante minutes introductives, la faute à la reprise d’un schéma mille et une fois revu avec les mêmes intrigues secondaires (la relation entre Quinn et Jamie niaise au possible, l’affaire Andrew Briggs déboulant comme un cheveu sur la soupe) et les mêmes problématiques harassantes.
L’ensemble laisse une impression de sur place, de déjà-vu et d’invariabilité. Par exemple, comment se fait-il que les collègues de Dexter, surtout Quinn, qui - je le rappelle - était à deux doigts de démasquer Dexter dans la saison 5, soient aussi dupes ? Mazuka conserve son humour assez décalé et ses blagues douteuses, Batista son grand cœur, Quinn son air de Don Juan du pauvre. Bref, chacun tient sa place habituelle et même Dexter n’évolue pas d’un iota (ce qui est bien dommage). Seul Debra échappe à ce jugement, poursuivant sa descente aux enfers.
Cependant, rassurons les plus sceptiques : A Beautiful Day comporte son lot de bonnes idées qui sont souvent mal exploitées. Alors que la disparition du jeune Harrison aurait pu redistribuer les cartes et marquer un temps fort dans l’épisode, elle se transforme en un pétard mouillé, nous abandonnant avec un arrière-goût d’amertume. Certes, ce n’est qu’un début, mais, pour l’instant, il est difficile de déceler une orientation de la part des scénaristes. Le meurtre vite expédié d’Andrew Briggs et les maladresses ici et là viennent ternir le tableau général. Passons maintenant aux bons points.
« Je vous en prie, c’était plus fort que moi, c’était vraiment plus fort que moi. Je vous en prie, il faut me comprendre... »
Autant vous dire que ce premier épisode remplit assez bien son job : le traitement de la relation entre Dexter et Debra semble maîtrisé de bout en bout tandis que l’apparition du docteur Evelyn Vogel promet une confrontation palpitante entre ces deux figures centrales qui nous rappelle le lien ambigu unissant le tandem Alice-Luther dans la série britannique éponyme.
Par ailleurs, les six mois qui nous séparent de la fin de l’avant-dernière saison permettent de faire le point, de repartir sur de nouvelles bases ce qui est à la fois un défaut et un avantage. L’espoir de voir Harrison tenir un rôle moins anecdotique dans la série et le retour d’Hannah ont de quoi laisser présager des poussées d’adrénaline, sans oublier le docteur Vogel. Celle-ci semble en connaître long sur le sombre passé de Dexter et pourtant, perçue comme une menace, elle porte néanmoins un regard compatissant, presque bienveillant sur son cobaye. Plusieurs questions nous taraudent l’esprit ce qui est plutôt bon signe.
Vient ensuite la mise en scène moins inspirée, mais toujours aussi appliquée. La scène du supermarché est d’une rare justesse; jeu d’acteur, dialogues, mouvement de la caméra, photographie, tout y est. La musique de Daniel Licht, quoiqu’inchangée, fonctionne toujours aussi bien et renforce l’émotion de par ses battements lourds et ses percussions dysharmoniques.
Mes premières impressions sont globalement positives. En effet, depuis le départ de Clyde Phillips, showrunner de Dexter pendant les quatre premières saisons, la série n’a cessé de naviguer en eaux troubles : entre Lumen et sa bande d’amis psychopathes, le Tueur du jugement dernier et la mafia ukrainienne, il semble que les scénaristes aient du mal à renouveler le show ou du moins à lui redonner son énergie d’antan. Mais, désormais, le potentiel est là, présent. Reste aux scénaristes un matériau très riche qui n’attend qu’à être pleinement exploité. Escomptons de leur part une prise de risque. Vous savez ce qui vous reste à faire, messieurs : surprenez-nous !
Dernière mention, les coups de gueule de notre ami Dexter sont plaisants. J’ai cru déceler dans cet épisode de nombreux symboles : le vase rouge de LaGuerta (en Afrique du Sud, le rouge est la couleur du deuil, un deuil que Dexter repoussera avec la chute de l’objet), le banc inauguré en mémoire de LaGuerta où seul s’assiéra Dexter ce qui revêt un caractère ironique proche de l’humour noir, le nounours d’Harrison maculé de sang et les dessins de Dexter. Et finalement, qui ne nous dit pas que Debra est amoureuse de son frère puisqu’en tirant sur LaGuerta, elle a choisi la famille et a renoncé à toutes les valeurs de justice auxquelles elle croyait ?
Pour l’instant, il est inutile de vous rappeler que votre cher serviteur attend la suite pour se prononcer réellement. Ce premier épisode s’avère être un début prometteur, hormis les incohérences et facilités à déplorer à ce niveau avancé de la série. Il était grand temps que les scénaristes mettent fin aux aventures de Dexter. J’ose espérer qu’ils prendront jeu à détourner nos attentes et exploreront des terrains plus sinueux. Un peu de folie à la Breaking Bad ne ferait de mal à personne !
Ce que j’ai aimé :
- Dexter est de retour pour vous jouer un mauvais tour
- la relation conflictuelle entre Debra et Dexter
- l’apparition du Dr Evelyn Vogel
- la scène du supermarché
Ce que je n’ai pas aimé :
- Le manque de prise de risque des scénaristes
- le rythme un peu moins soutenu
- les intrigues secondaires inutiles et les grosses ficelles
Ma note : j’octroie un 15/20 (je suis généreux)