Critique : Dexter 8.09

Le 13 septembre 2013 à 16:48  |  ~ 13 minutes de lecture
Dexter, éreinté, suffoque, se cherche et lance un dernier cri avant de livrer son dernier souffle.
Par Hopper

Critique : Dexter 8.09

~ 13 minutes de lecture
Dexter, éreinté, suffoque, se cherche et lance un dernier cri avant de livrer son dernier souffle.
Par Hopper

« Tonight's the night. [Cette nuit, c’est la bonne.] » C’est par cette simple réplique que s’ouvre Dexter, réplique prononcée par la voix grave et presque gutturale de Michael C. Hall. Depuis, le rouquin maléfique ne se séparera onques de son couteau de cuisine, une huitaine de saisons durant. En tirant bientôt sa révérence, il confirme un triste constat : la série n’est plus que l’ombre d’elle-même. Cette ultime fournée d’épisodes nous laisse sur notre faim, les scénaristes voguant sur une mer d’huile, ne prenant aucun risque, aucun engagement, même a minima. On ne se demandera pas pourquoi  Dexter tombe aussi bas, mais jusqu’à quel point.

 

Make Your Own Kind of Music

 

La superbe chanson interprétée par « Mama » Cass Elliot ne saura nous faire oublier la danse aux incohérences, salsa autodestructrice qui atteint son apogée dans ce neuvième segment. Nous pourrions nous prêter à ce jeu avec délectation, car à la différence d’une planche d’Où est Charlie, Charlie est partout, arborant sa marinière rayée et son bonnet à pompon. Pourquoi Hannah se promène-t-elle en plein Miami pénarde, vêtue d’une robe rose vif (discrétion assurée) sans daigner à teindre ses cheveux ou porter une perruque ? Ensuite, alors qu’elle comptait quitter la ville dans l’épisode précédent avant de se rétracter, pourquoi la blonde vient-elle de se rappeler avoir gardé de l’argent de côté chez son amie Arlene ? Pourquoi Batista n’a-t-il pas repris le flambeau de LaGuerta avec Quinn qui avait soupçonné Dexter dans la saison 5, preuves à l’appui ? Saurons-nous un jour si c’était le petit ami de Jamie qui a placé le sang de Zach sous les ongles de Cassie ou était-ce sir Saxon ? Et, cerise sur le gâteau, le nouveau tueur en série est le fils survivant de Vogel, une révélation justifiée à l’aide d’une histoire de famille qui tombe complètement à plat.

Autant de questions pour l’instant sans réponse. Une preuve de je-m’en-foutisme dans l’écriture ? Les scénaristes auraient par ailleurs déclaré ne pas sentir de pression pour la fin et s’estimaient même confiants, la concernant. Aïe ! Ne le devraient-ils pas, au moins par respect pour les fans et au vu des attentes ? La seule explication possible est que Scott Buck et ses sbires sont persuadés de devoir tenir encore pendant quatre ou cinq saisons tellement ils ont pris l’habitude de repousser la fin de Dexter depuis des années (tiens, tiens Luther). La remise à zéro régulière (Dexter finit toujours par écarter la menace) avec retour au calme est tellement ancrée dans leur façon de travailler qu’ils semblent complètement oubliés que l’étau se resserre cette fois-ci.

 

Vogel et Dexter discutant.

 

Pour sa défense, peut-être que Scott Buck ne savait pas si la série allait continuer ou non au moment où il a commencé à écrire la saison 8. Mais, même sans annonce officielle, les amis auraient pu s’en douter et puis, en considérant cette saison 8 comme une saison classique, elle ne casse pas trois pattes à un canard. Pas d’excuse de côté ! On dirait même que les scénaristes se sont vus contraints de procéder à des changements en cours de route voire des changements de dernière minute, tout court, en prévision de cette même échéance d’où une impression de dispersion, de désordre, de remplissage dans les intrigues : on passe de Vogel au Dexter Junior et l’on zappe la trame de mafia hors sujet avec El Sapo, du jour au lendemain. Tiens, revoilà Hannah ! Si bien qu’aucune cohérence n’est décelable, aucune tension. À vouloir courir plusieurs lièvres à la fois, on risque de n’en attraper aucun. Au lieu de multiplier les intrigues, n’aurait-il pas été plus judicieux de jouer la carte de l’économie narrative (exploiter jusqu’à satiété le matériel disponible à la base et développer les conséquences des actions déroulées AUPARAVANT) ?

Il y a de quoi faire : l’enquête du meurtre de LaGuerta (en rendant pour une fois utiles Angel et Joey et en faisant ressentir le danger), la traque d’Hannah du point de vue de Dexter (en nuançant le côté romantique, vu qu’après tout Dexter a trahi la blonde), un registre plus effrayant pour le docteur Vogel en adversaire redoutable et non pas en mère spirituelle. Sans omettre la descente aux enfers de Debra et un p’tit nounours tâché de sang qui ferait bien de servir. Et un petit coup d’accélérateur pour prendre tout le monde de court à la manière de la saison 5 de Breaking Bad. Au diable, le chirurgien du cerveau, la fille de Masuka, la promotion de Quinn et les autres histoires secondaires ! Reliez toutes les intrigues à Dexter et seulement à Dexter, surprenez-nous. Faites en sorte qu’il soit en constante pression, qu’il soit assailli de toute part et qu’il ait des adversaires à sa hauteur. C’est ce qui faisait le sel de la saison 4 où il y avait un chien (Lundy) poursuivant un chat (Dexter), traquant la souris (Trinité). Le plus triste dans Dexter, c’est que la série avait démontré à plusieurs reprises son potentiel, d’abord avec le tueur de glace, Doakes et la fascinante Lila qui connaissaient la réelle identité de Morgan ou, comme susmentionné, le redoutable Tueur de la Trinité. À cette époque, Dexter pouvait être captivant et haletant en empruntant aux techniques classiques de la narration : le double sens et le quiproquo. À mener une double existence, Dexter Morgan se trouvait nécessairement confronté à des situations ambivalentes (ce moment épique où Lundy convoque le rouquin pour un interrogatoire dans la saison 2).

 

Dream a little dream of me

 

« Un épisode où il ne se passe absolument rien. L’histoire du fils de Vogel est totalement absurde.

J’ajouterai que Scott Buck est un très mauvais showrunner. Depuis sa prise de fonction (saison 6), on enchaîne les arcs narratifs médiocres, les nouveaux personnages bâclés ou tués à la volée sans justification (Louis, Cassie), et on vide les personnages formant le noyau dur de la série de leur substance. Oui, parce que l’intérêt des autres membres du casting ne résidait QUE par leur manière d’interagir avec Dexter. Autant dire qu’on s’en branle royalement des histoires parallèles de la Miami Metro, que ce soit les amourettes de Quinn, la fille de Masuka ou la collection de chemises hawaïennes de Batista.

La saison 8 aurait dû se recentrer sur les personnages qui formaient le noyau dur de la série, il n’en est rien. Au contraire, on nous injecte une flopée de nouveaux tous aussi superficiels les uns que les autres, le pompon allant au petit-ami de Cassie, supposé fils de Vogel et mauvais sosie de Ryan Gosling. À la limite, je veux bien un nouveau qui fasse office de détonateur, mais là, ça fait vraiment saison de remplissage.

Ah, et l’on a parlé une seule fois du Bay Harbor Butcher cette saison, c’était de la bouche de Vogel à l’épisode 1, donc on s’en fout. Donc l’enquête ne sera jamais rouverte. Déception personnelle.

Merci Scott Buck. Grâce à toi, je me fais chier devant un épisode de Dexter, ce que je ne pensais jamais dire un jour. Je ne regarderai pas la prochaine série que tu feras sur Showtime. »

Tout a été dit à travers cet avis émis par un internaute. C’est pourquoi il me semble plus intéressant de pousser l’analyse plus loin au lieu de la critique (laquelle me semble claire). Bien sûr, les mauvaises choses arrivent, mais jamais à Dexter. À ce stade, il est le seul personnage totalement immunisé, obligé à feindre l’étonnement devant tout le petit monde qui gravite autour de lui. Il a perdu en cours de route sa nature froide et méthodique de meurtrier. Combien de fois l’a-t-on vu s’adonner à son passe-temps favori cette saison ? Presque jamais. Une série sur un tueur qui ne tue pas, c’est le comble ! En outre, désormais, l’émotion prend le pas sur sa noirceur habituelle et son sens particulier de la justice ; Dexter est devenu mielleux, dépressif et triste à mourir. Il faut bien comprendre que Dexter est psychopathe, donc totalement dénué d’empathie.

 

Hannah et Dexter.

 

C’était très bien retranscrit au début de la série : il intellectualise les sentiments, étant donné son incapacité à les ressentir. Il ment et manipule sans arrêt y compris le spectateur. On peut concevoir que les personnages doivent évoluer, mais d’une manière organique et cohérente, en affichant des contradictions faisant du sens. Ils doivent évoluer par leurs actions et les conséquences de leurs actions, un principe ici omis. Par exemple, le suicide (on meurt ensemble) de Debra qui précipite la voiture conduite par Dexter dans un lac a-t-il eu une réelle incidence sur la suite ? C’est sans doute le fardeau de la série : tout le monde passe de la haine à l’amour et inversement en quelques minutes d’épisode. Debra en est le symbole, tel un yoyo capable d’imaginer une relation incestueuse puis de tuer son frère/âme sœur. Quant à Dexter, une petite phrase en dit long au début de l’épisode 5 : « C’est l’un des premiers jours où je suis content que Debra ne soit pas là. » À en rendre un psy dépressif.

La raison de ce déclin est l’installation d’une routine, comme si les meurtres de Dexter étaient devenus une chose banale. Auparavant, les exécutions étaient inventives, un peu choquantes et délicieusement immorales, d’autant plus qu’on craignait chaque seconde qu’on le prenne en flagrant délit. Cependant, une fois l’effet de surprise passé, il n’avait plus rien sur quoi se reposer que ce soit des personnages crédibles, des arcs narratifs soignés ou des antagonistes charismatiques. Les ficelles sont devenues trop grosses.

En effet, les scénaristes ont eu du mal à développer le personnage de Dexter et lui donner de la profondeur, le faire mûrir. Ce n’est pas forcément indispensable, mais étant donné que le protagoniste nous raconte ses pensées via la voix off, il nous fait seulement part d’évidences et jamais de ses doutes, ses interrogations. Contrairement à la plupart des autres séries mettant en scène des antihéros, les créateurs n’ont jamais vraiment voulu remettre en question les agissements de Dexter, même s’il brise à maintes reprises le Code de Harry.

Désolés, les amis ! Il ne reste plus que trois épisodes, trois épisodes qui même s’ils atteignaient enfin un climax (ce qui aurait dû être le cas depuis une éternité) auront du mal à clore de manière satisfaisante la série au vu de tous les arcs ouverts. Conclure, c’est conclure tout ce qui a été dit et non pas créer une nouvelle histoire comme l’ont compris les papas de Breaking Bad. Cette saison serait beaucoup mieux, si les beaufs avaient découvert l’identité du Boucher de Bay Harbor et le traquaient malgré eux, façon chasse à l’homme. Maintenant, vous devrez faire avec le chirurgien du cerveau qui veut taquiner maman.

Il y a toujours des pistes intéressantes qui ne sont malheureusement pas menées à terme, mais c’est peut-être un peu moins dommageable que la saison précédente où on liquidait assez vite et, à notre grande surprise, les personnages inquiétants . On a l’impression que les scénaristes partent sur une idée, et après changent d’avis : Louis, Mike Anderson, Zach... Ce sont les personnages qui débarquent de nulle part et ne durent que quelques épisodes. On n’a pas le temps de s’attacher ou de s’intéresser au personnage qu’il est déjà parti. Un goût d’inachevé, de mauvais traitement se fait ressentir surtout quand il y a du potentiel. Les personnages récurrents (Lila, Rita, Doakes, Lundy, Prado...) qui arrivaient naturellement et duraient au moins une saison étaient une meilleure idée. Qu’on aime ou qu’on déteste, ce n’était pas une aventure servant de bouche-trou pour maintenir une série sous perfusion. Donc là, nous sommes bien déçus par la disparition prématurée de Zach, le passage d’alliée à ennemie de Vogel en moins d’un épisode, la fille de Masuka qui, à priori, ne sert à rien... Et mention spéciale à la scène bidon où Dexter prend peur avec le dessin d’Harrisson.

 

Dexter brûlant une photographie.

 

Le dernier épisode en date ne fait que renforcer cette impression, tout le monde tire les ficelles dans cette ultime et multiple affaire, Dexter, Vogel, Hanna, Oliver, Debra aussi, mais pas pour les mêmes raisons, Harrison, tout le monde sauf ceux qui ont vraiment la charge des enquêtes, Batista, Quinn, Matthews... Espérons que l’épilogue prévoit un regain d’ingéniosité pour ces messieurs (une sorte de revanche sur la vie, réussir là où Doakes et LaGuerta ont échoué, mais non, les scénaristes semblent vouloir faire de Quinn un loser total jusqu’au bout). Allez, plus que 3 épisodes avant la fin. Il est grand temps étant donné que cette série devient laborieuse. Tu nous manques ; vieux Dexter !

 

Ce que je n’ai pas aimé :

Tout.

Ma note : à ce niveau, on peut s’en passer.

 

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