Frank Cottrell Boyce (né en 1959 à Liverpool) est un scénariste et écrivain britannique. C’est un romancier pour la jeunesse. On lui doit en tant que scénariste Bienvenue à Sarajevo, Hilary et Jackie et le troisième volet de la trilogie de la honte de l’ère Capaldi avec Hell Bent et The Return of Doctor Mysterio.
Auteur au style acéré, à l'écriture vive, à l'imagination foisonnante, Boyce écrit des histoires drôles pleines d'émotion et utilise pour cela le langage convaincant des adolescents (ce n’est pas moi qui le dit, c’est Wikipédia). Ce qui explique sans doute pourquoi l’on se retrouve avec des robots emojis en tant qu’antagonistes principaux de cet épisode (là par contre c’est bien une supposition personnelle).
Épisode qui, au-delà de proposer ce genre d’ennemis mignons (que mine de rien on n'avait plus vus depuis longtemps dans la série), se positionne également en tant que première véritable aventure de notre nouvelle compagne Bill. Tout un programme donc, avec un risque de ratage d’autant plus élevé qu’une réelle possibilité de réussite était là malgré le triste antécédent Whovien de son auteur.
D’autant que, l’espiègle Whovian que je suis s’étant enfilé les 3 saisons de l’ère du Septième Docteur juste avant la saison 10, n’a pas pu s’empêcher, à travers les images promotionnelles de ce complexe assez beau, de ses points d’eau alléchants et de son personnel robotique, d’y voir un rapprochement avec Paradise Towers. Un très mauvais épisode de Seven où ce dernier et sa compagne cherchaient à se relaxer dans un complexe hôtelier avec piscine, géré par des robots et qui va partir en vrille en partie à cause de ces derniers…
En fait il s’avère que je m’étais gouré. Franky n’a au final pas du tout cherché à repomper le concept de Paradise Towers pour éventuellement nous en fournir une meilleure version. Non, l’épisode de Seven qu’il a repris, c’est The Happiness Patrol. Au rabais.
Une jolie construction privée de fondations
En effet, la première chose qui marque au sortir de l’épisode, c’est à quel point le scénario se révèle superficiel sur ses sous-textes alors qu’il avait un potentiel assez dingue à sa portée. L’épisode bénéficiait d’un beau contexte pour développer une histoire solide avec des thématiques fortes et intéressantes et ne se contente que d’énoncer ses idées pour à peine les effleurer par la suite, restant toujours à la surface de ces dernières sans jamais ne les creuser une seule seconde.
Et cela est surtout incarné ici par les robots emojis. Visuellement ils sont très réussis (j’en veux un pour mon prochain anniversaire, ils sont trop choupis) et parviennent même à constituer une menace sérieuse durant l’épisode, avec le concours de ces robots abeilles qui forment le mur de la station. Il est dès lors très dommage de constater qu’ils ne resteront que des ennemis on ne peut plus lambdas de la série, quand ils auraient pu apporter quelque chose de bien plus intéressant. La très efficace introduction laissant sous-entendre une éventuelle dictature du bonheur ? Il n’en sera au final rien, cette dernière n’étant presque plus jamais ressentie de l’épisode. Le fait d’être dans un bâtiment qui peut à tout instant se métamorphoser pour vous tuer, avec une rapidité d’exécution qui mettrait le Docteur sérieusement en danger et engendrerait de belles scènes de tensions ? Non plus. Et alors n’espérez surtout pas que Franky développe quoi que ce soit d’intéressant à propos du langage à travers les emojis…
Non, comme avec l’écologie pour In the Forest of the Night, au bout du compte, Frank Cottrell Boyce ne se sert ici du langage emoji que comme d’un vulgaire gadget dans l’air du temps, une caution de modernité à son histoire qui ne dépassera jamais ce stade. Et c’est fort dommage car c’est ce qui aurait pu permettre à l’épisode de tirer son épingle du jeu pour devenir bien meilleur et réellement marquant. Si Franky est un scénariste qui sait assurément insérer des éléments et des sujets qui parlent à ses contemporains, il lui manque en revanche manifestement le talent nécessaire pour parvenir à en tirer la substance qui lui permettrait de rendre ses récits plus spécifiques et intéressants.
Et ce n’est malheureusement pas le seul défaut d’In the Forest of the Night qui refait ici surface, Franky ayant toujours sa conception très à lui du rythme. L’épisode est en effet foutrement mal rythmé, avec une exposition interminable et un dénouement balourdé à l’arrache en moins de 5 minutes. Pourtant, vidé de toute thématique intéressante à développer et bourré de meublages dont on se serait bien passé (le passage avec la chaudière…), l’épisode n’a absolument aucune excuse pour être aussi mal dosé sur ce point, les interactions Docteur/Bill ne prenant clairement pas suffisamment de place au sein de l’épisode pour qu’on puisse dire que ça se fasse au détriment du reste. Même l’intro et la scène finale qui sont respectivement une extension des épisodes précédents et suivants ne peuvent être ici mis en cause ! (joli clin d’œil à l’ère Hartnell de la série classique - que j’affectionne tout particulièrement d’ailleurs - la pratique d'une scène finale teasant l’aventure suivante étant en effet couramment répandue dans les épisodes du 1er Docteur).
Et à côté de cela, il est à noter que l’épisode est impeccable visuellement parlant. Que ce soient les décors, les effets spéciaux ou la réalisation, tout a été mis en œuvre pour offrir un rendu optimal et particulièrement soigné tels qu’on n’en a que trop peu eu dans les épisodes « mineurs » de ces dernières saisons. Du coup, l’épisode est ironiquement un peu à l’image de la colonie de son histoire : beau mais assez creux, au fond aussi volatil que les robots abeilles qui le compose…
Adventure Time
Bon, l’épisode n’a certes pas vraiment brillé de par son histoire de base, mais a-t-il pour autant déçu sur toute la ligne ? Son deuxième grand aspect, le fait qu’il s’agisse de la première aventure de Bill, l’a-t-il réussi, au moins ?
Eh bien oui… et non à la fois.
Je m’explique : Peter Capaldi et Pearl Mackie font indéniablement partie des points qui tirent cet épisode vers le haut, pour ne pas carrément dire qu’ils le sauvent du précipice. Leurs interactions se suivent avec grand plaisir et dynamisent fortement un récit qui, mal rythmé comme il est, aurait non seulement déçu mais aussi plongé indéniablement son spectateur au cœur d’un ennui mortel (qu’on ressent par soubresauts malgré tout le talent de nos comédiens). Bill, pleinement écrite ici comme une vraie humaine avant tout, offre de par ce simple fait une dynamique et une alchimie rafraîchissante avec le Docteur après 5 saisons de Moffateries en tous genres portées par des compagnons plot-devices qui n’existaient jamais que dans ce qui les rendaient exceptionnels aux yeux de son showrunner/du Docteur. Si The Pilot tendait à la désigner comme la possible lueur d’espoir de la fin du run de Moffat, cet épisode semble confirmer la tendance pour ce personnage qui va peut-être bien pouvoir être la vraie bonne surprise de la saison, si le big Moff ne fait pas tout foirer dans la dernière ligne droite encore une fois.
Mais… force est de constater qu’en tant que première aventure d’une nouvelle compagne, cet épisode ne remplit pas vraiment le contrat. C’est tout d’abord dû au fait assez dommage que Bill est, en termes d’action, tout compte fait incroyablement passive dans cet épisode. En effet, si la jeune femme excelle dans son rôle d’élève du Docteur tel qu’établi dans The Pilot, elle est en revanche scénaristiquement inutile à la progression de tout l’épisode. Elle n’intervient significativement en rien dans les avancées de l’enquête du Docteur, ne participe d’aucune manière à sa résolution et ne crée même pas par maladresse de situations qui la mettent en réel danger ! Elle ne fait qu’apprendre pleins de choses tout du long, sur le TARDIS, sur le Docteur, sur l’univers, sur les robots… mais ne sort jamais de ce carcan. Et le côté rushed et sans réel aboutissement du dénouement de l’intrigue du jour (comme dans, ô surprise, In the Forest of the Night !) ne risque pas de l’aider davantage à en sortir…
Du coup, logiquement, l’épisode ne nous apprend absolument rien sur elle qu’on ne connaissait déjà à l’issue du season premiere. Cet épisode n’est fondamentalement révélateur en rien de ne serait-ce qu’une infime parcelle de sa personnalité. Certes les précédentes compagnes n’ont pas toujours été des modèles d’action dans leur première aventure, reste qu’on avait même dans les pires des cas au moins ça à se mettre sous la dent.
La première aventure de Bill aurait donc dans le fond pu être interchangée avec n’importe quelle autre, tant elle semble avoir eu peu d’impact sur son personnage. Et si en définitive ce n’est pas la mort non plus, c’est moche quand même. D’autant plus que c’est ici sans doute dû à l’incapacité de son auteur à réussir à inclure réellement un compagnon dans son aventure (je n’ai en effet pas le souvenir que Clara ait joué un plus grand rôle que Bill dans l’autre épisode de son auteur)…
En définitive, Smile est un épisode qui loupe ses deux principaux coches, sans pour autant retomber pleinement dans les méandres de la médiocrité d’In the Forest of the Night. Si Frank Cottrell Boyce ne corrige fondamentalement pas les problèmes déjà présents dans l’écriture de son précédent opus, l’épisode du jour peut au moins se targuer d’avoir suffisamment d’éléments appréciables pour ne pas rejoindre son grand frère dans l’abîme, comme un visuel réussi, un main cast très en forme et des idées scénaristiques sans doute trop bonnes et pures à la base, de sorte qu’un saccage de leur potentiel et la présence de facilités scénaristiques regrettables ne suffisent pas à elles seules à réduire à néant leurs aspects positifs. Un épisode assez oubliable en somme, bien que limitant suffisamment la casse pour ne pas être désagréable sur l’instant…
L'avenir whovien que l'on espère pour Frank Cottrell Boyce
J’ai aimé :
- Un épisode très réussi visuellement
- Un casting au top, vecteur d’énergie
- Bien que sous et mal exploités, j’adore les Robots Emojis
- La scène finale mini-teasing de l’épisode suivant, très Hartnellienne
- Moins d’une minute de Nardole
Je n’ai pas aimé :
- De belles idées et thématiques qui restent au stade embryonnaire
- Un épisode mal rythmé
- Un scénario creux, faible et facile, à la résolution trop abrupte
- Une première aventure quelconque au possible pour une Bill trop passive
Ma note : 11/20.
Le Coin du Fan, par Galax
Peu de références directes cette fois-ci :
- Bill s'interroge sur le sort de l'humanité quand ils partent coloniser le reste de l'univers. Le Docteur évoque même avoir croisé quelques vaisseaux en route. Cela fait référence à The Beast Below et dans une moindre mesure The Waters on Mars pour la nouvelle série, et The Ark, The Ark in Space ou encore Frontios pour la série classique.
- Quand Bill tombe sur le grimoire retraçant l'histoire humaine, des images de Stonehedge et Vincent Van Gogh sont vues, deux symboles bien connus des Whovians remontant tous les deux à la saison 5.
- À un moment dans l'épisode, le Docteur récupère un crâne et arrive à "voir" la mort de la personne. Les compétences psychiques du Douzième Docteur ont par le passé été montrées comme plus puissantes que ses anciennes incarnations (cf. Listen, Heaven Sent...)
"À un ami chauve" - Le Coin du Nardole, par Koss
Petit être chauve venu d'on ne sait où
Avec toi le Docteur se balade un peu partout
Inoffensif au tout début
Ton mystère peu à peu s'intensifie
De comic relief gênant, tu es devenu
Mère du Docteur par une Moffaterie
En espérant que tu finisses par acquérir un but
Et enfin te sortir de ce rôle de rebut
Énième compagnon et très cher Nardole
Fais en sorte de rendre cette saison un peu plus folle.