Critique : Doctor Who (2005) 8.11

Le 06 novembre 2014 à 14:49  |  ~ 30 minutes de lecture
Une énorme révélation dans un épisode sinistre, à l'occasion de ce Wholloween !
Par Galax

Critique : Doctor Who (2005) 8.11

~ 30 minutes de lecture
Une énorme révélation dans un épisode sinistre, à l'occasion de ce Wholloween !
Par Galax

The Finale Begins ! Et qu'il est dur d'écrire cette critique. Surtout quand il s'agit d'une introduction et que je la trouve à elle seule déjà quasi-parfaite. J'arrive à contenir mes émotions devant ces 45 minutes jouissives pour faire la part des choses, j'essaie tant bien que mal de trouver des gros aspects négatifs à ce pénultimième épisode, mais le problème c'est que je ne les trouve pas. Alors tant pis, au risque de passer à nouveau pour un fanboy par ceux ayant été moyennement emballés, je vais encore passer toute une critique à jeter des fleurs à un épisode que je considère proche du chef d'oeuvre et je vais tenter d'expliquer pourquoi. 


Attention à toi cher lecteur qui s'est aventuré là où il n'aurait peut-être pas dû : cette critique spoil sec et notamment sur l'identité de Missy !


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Missy the Ripper


Tout au long de la saison et dès la fin de Deep Breath, la mystérieuse Missy faisait son apparition depuis la Nethersphere, invitant les cyborgs au paradis, prenant le thé avec des morts et observant les aventure du Docteur et de Clara grâce à des iPads... Cet épisode ne répond pas à toutes nos questions (il fait plus le rôle inverse d'ailleurs) mais il a le mérite de nous éclairer sur au moins LE mystère principal de cette saison : qui est cette Missy ? Et voici que (cher lecteur qui s'est aventuré un peu trop loin, si tu t'es pas barré maintenant, c'est vraiment le moment !) le Maître fait son retour ! Ou plutôt, la Maîtresse.

Toutes les marques de canonisation d'un changement de sexe chez les Time Lords sont apparues sous l'ère de Moffat (le Corsaire dans The Doctor's Wife, les soeurs de Karn dans The Night of the Doctor, même dans sa première scène le Onzième Docteur croit être devenu une fille en touchant ses cheveux). Quoi de plus logique que le premier Time Lord connu qui change de sexe apparaisse également sous son ère ? Ce qui me plait le plus dans ce grand rebondissement, c'est que Moffat continue à innover et à prendre des risques. Faire du maître une femme, c'est quand même sacrément osé, un pas de plus vers la transformation ultime : une doctoresse (qui n'arrivera peut-être jamais vu les réactions déjà extrêment vives et la polémique autour de la révélation de l'identité de Missy... je serais toujours étonné de voir à que point un show prônant la diversité et la tolérance peut avoir une fanbase aussi fermée d'esprit sur certains points). Reste que non seulement c'est osé mais en plus c'est sacrément bien amené. Alors oui, ce n'est peut-être pas le rebondissement le plus imprévisible que Moffat ait jamais fait, tout le monde est d'accord là-dessus. Néanmoins il faut bien réaliser qu'à chaque saison, la rumeur du retour du Maître pointe le bout de son nez. Réussir à le (la) ramener par surprise, ça relève du tour de force. Car effectivement, cela avait beau être l'une des théories les plus répandues sur internet sur la base du nom "Missy", je n'y croyais pas tellement avant cet épisode. Et je suis sûr que beaucoup ont comme moi été surpris, surtout qu'évidemment de fausses-pistes ont été lancées un peu partout cette saison alors que la réponse se trouvait sous notre nez depuis le début et était simplement trop évidente pour qu'on y croit.

 

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"Oh, you know who I am."


Est-ce que cela aurait mieux marcher si l'on nous avait caché son nom ? Sans doute. Mais est-ce qu'un twist est réussi sur le seul critère de la surprise ? Pas forcément. Après tout, River en prison pour avoir tué le Docteur ou le John Hurt étant le Docteur caché de la Guerre du Temps, sont deux exemples de mystères que plus ou moins tout le monde avait cramé bien avant la diffusion. Ce qui compte, c'est ce qu'on fait du personnage de Missy. Et c'est là que ses apparitions dans cet épisode nous donnent beaucoup d'espoir pour les 60 minutes la semaine prochaine ; elle brille par son charisme et ses répliques comme ses mimiques sont jubilatoires, mélangeant habilement un côté angoissant et imposant mais aussi humoristique avec une alchimie entre elle et Twelve absolument parfaite.

Il s'agit de la révélation sur la Nethersphere comme une matrice reprise des Seigneurs du Temps qui m'a mis la puce à l'oreille. Une piste confirmée lorsqu'on commence à évoquer le lien avec Gallifrey et les "deux coeurs". Missy, short for Mistress. C'est simple, c'est sûr. L'épisode laisse plusieurs indices de sorte que l'on ait une idée peu à peu et que l'on se creuse la tête en élaborant toute sorte d'explications possibles. Nous induire en erreur, un procédé que ce scénariste adore et qui apparaît non seulement dans ses interviews mais aussi dans ses épisodes (rappelez-vous tous les brainfuck de A Good Man Goes to War comme les quiproquos sur le père du bébé...). "I'm Missy. Mobile Intelligent Systems Interface", c'était trop honteux pour être vrai. Joli troll tout de même !

 

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Acceptez-vous l'idée d'un Maître de sexe féminin ? Près d'un tiers des fans ne sont pas d'accord, ou sont encore indécis...


Bref finalement ce n'était pas le coup de théâtre imprévisible du siècle, mais où est le mal là-dedans ? C'est cohérent, bien amené, et surtout, que c'est jouissif de revoir le Maître sous les traits d'une femme, de Michelle Gomez qui plus est ! La révélation de son identité reste un moment extrêmement fort et qui va faire beaucoup parler. Etait-ce juste pour faire de la polémique ? Il faudra attendre la deuxième partie pour le savoir. En tout cas, si les divers caméos de Missy tout au long de la saison n'auront été que des mises en bouche, je ne suis absolument pas déçu par le plat de résistance. Même en oubliant l'actrice et le personnage - que je trouve tout deux géniaux - les perspectives de son retour sont immenses pour tout ce qui concerne Gallifrey, la guerre du Temps et sa place dans la timeline du Maître (qui a dit qu'elle devait succéder à l'incarnation de John Simm ?). Evidemment, son plan de cyberconversion des morts, qui soit dit en passant est une idée géniale et qui colle à 100% au personnage du maître, était sans doute l'indice le plus évident. Il n'y a que le Maître pour penser à une telle idée. On relance également un tas de questions qui se retrouvent actualisées avec ce twist. Qui est donc la Woman in the Shop ? Qui est Seb, le partenaire de la Mistress ? (Gus ?) Je suis impatient de voir quel type d'incarnation de cet antagoniste culte le showrunner nous proposera. Il a en tout cas démarré avec une forte impression

 

Même si c'est bien évidemment cette révélation dont tout le monde parle qui va créer la polémique et qui va diviser (la saison assumant jusqu'au bout son caractère différent, plus provoc' que les précédentes), il n'y a pas que sur ce plan-là que Moffat prend des risques. Et si Dark Water tenait uniquement par son cliffhanger (comme un certain Utopia) il ne mériterait pas tant d'éloges à mon sens. Oui, l'épisode était génial grâce à Missy, mais pas seulement. C'est selon moi sur d'autres aspects que Steven Moffat a réussi à briller.


Knock Knock ? Trick or Key !


J'ai été vaiment ravi à l'annonce d'un dyptique pour clôturer cette saison 8. Les deux précédents season-finales de Moffat n'ont en effet duré que 45 minutes chacun, et on peut dire que cette expérience n'a pas été un franc succès. Entre un Wedding bâclé et un Name fantastique mais jouant plus le rôle d'une introduction pour la trilogie du Docteur, l'annonce d'un retour à un grand et long season-finale épique était une excellente nouvelle. Quant à l'annonce de la durée plus longue - 60 minutes - de Death in Heaven, cela a été la cerise sur le gâteau. Du coup, Dark Water joue ici le rôle de calme avant la tempête : Moffat se permet de poser toutes les bases de son récit, à la manière de The Pandorica Opens, un récit qui monte en puissance vers la fin. Ce n'est pas pour autant que l'épisode perd du temps ou paraît long, au contraire : le rythme est certes plus calme et moins porté sur l'action, mais la scène d'introduction inattendue permet de rentrer dans le vif du sujet immédiatement, tandis que l'épisode est ponctué de scènes plus intenses permettant de mettre en place toutes les pièces de l'échiquier.

 

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Clara contemple le monument pour Danny. Si vous passez la souris sur l'image, on peut mettre en évidence un petit rapprochement avec une scène de Flatline. Coïncidence ou foreshadowing imprévu cette saison ?

 

Dans Dark Water, c'est en effet la scène d'introduction qui donne d'emblée le ton : Danny meurt. J'avoue que celle-là, je ne l'avais pas du tout vu venir... si vite, du moins. Malheureusement, c'est peut-être bien le seul reproche que j'ai à faire à cet épisode, mais j'ai été très peu touché par Danny. Ce personnage a été le gros échec de cette année. Après des débuts prometteurs, on tournait trop autour du pot à mon goût, seules la fin d'Into the Dalek et quelque extraits de Listen présentaient un intérêt en parlant de son passé de soldat (aspect qui m'intriguait le plus et que j'aurais aimé voir développé plus tôt). Comble de l'ironie, il a fallu attendre sa mort (ô combien prévue) pour enfin revenir sur son passé et voir un peu de développement... Une mort qui devait arriver à un moment ou un autre d'ailleurs. Faire mourir un personnage en scène d'introduction, c'était plus surprenant qu'osé mais cela avait son utilité (comme je l'ai dit cela permet de doner le ton très rapidement), au détriment de l'émotion. Cependant, la mise en scène et les silences au téléphone ont réussi malgré tout à me toucher, grâce à Jenna Coleman. Être ému par procuration, ça reste mieux que de ne rien ressentir du tout !

Cette scène d'introduction, même si l'impact émotionnel n'a pas eu totalement l'effet recherché sur moi à cause d'une storyline assez mal gérée cette année, a donc l'avantage de ne pas perdre de temps. Les scènes dans l'Underworld entre Seb et Danny sont en effet bien plus réussies et le flashback sur la guerre bienvenu (et horrible, mais j'aurais bien le temps de parler de cette dimension-là plus tard). Je me demandais à la lecture du synopsis comment Missy et nos héros allaient se rencontrer, et cette "excuse" de la voiture tombait à pic. De plus, cette mort qui arrive comme par hasard au bon moment, faisant une petite facilité scénaristique, est en quelque sorte rachetée par Clara. J'ai en effet particulièrement aimé comment elle décrit cet événement : banal, ennuyant, ordinaire, car c'est exactement la réflexion que je me suis faite (les ruptures du quatrième mur ont été très nombreuses dans cet épisode et en plus, celle-ci peut se voir comme une sorte d'aveu de la part du scénariste : Danny a été utilisé dans le scénario). On pourrait trouver cela décevant, cette façon de partir, un malheureux hasard bien pratique pour l'histoire, mais c'est exactement ce qui convenait à un personnage tel que Danny en fin de compte. Cette saison poursuit son "réalisme", son côté drama jusqu'au bout. Renversé par une voiture car on ne regarde pas en traversant, c'est bien la définition de la mort commune de Monsieur tout le monde pour un personnage caricatural du Monsieur tout le monde. Sauf qu'on y ajoute d'emblée la notion de mort qui planera tout au long de l'épisode. Cette scène permet de basculer immédiatement vers la deuxième grande scène de l'épisode, le Volcan, afin de pousser le Docteur à aller voir ce qu'il se passe au paradis...

 

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Notez le contraste entre l'image et le texte... C'est d'ailleurs le seul passage de l'épisode aux couleurs chaudes, tout comme c'est l'un des seuls passages avec une confrontation aussi intense.

 

Oui, la bonne idée de Dark Water c'est de se servir de cet accident pour redistribuer une dernière fois les cartes avant le grand final et montrer tout le travail de la saison au niveau de la relation entre Clara et le Docteur. Tout se résume dans une seule scène : celle du volcan, assurémment un autre passage marquant de la relation Twelve/Clara. Cette fois-ci, c'est Clara qui l'abandonne et qui met à l'épreuve leur relation dans une scène sous haute tension, très bouillante, parfaitement jouée des deux côtés. Cette scène, c'est d'une certaine façon le bilan de leur relation :

 

  •  Clara pète un plomb pour la mort de Danny et pour les circonstances de l'accident. Sans doute autant pour la mort de son amoureux (Clara n'est qu'humaine, après tout) mais au fond, elle trouve cette fin complètement banale et pas à la hauteur des aventures tonitruantes de Doctor Who (Clara a toujours été la représentation du téléspectateur dans le show et elle tient son rôle). Elle veut faire chanter le Docteur quitte à mourir avec lui sur ce volcan (elle était prête à se sacrifier avec les enfants dans In The Forest of the Night), montrant qu'elle est une des rares compagnes à avoir su inverser les rapports de force quand il le fallait (Flatline). Elle montre également son amour envers Danny mais comprend parfaitement le Docteur, à qui elle tient tête. Petit à petit, elle est devenue une sorte de Doctoresse (elle connait les cachettes des clés et a définitivement le contrôle du TARDIS en plus d'avoir le dessus sur Twelve)

 

I'd say I'm sorry but I would do it again.

 

  •  Le Docteur est un connard (sa réaction quand Danny meurt : "and ?"), distant, manipulateur (son mensonge sur le patch de rêve). Il veut utiliser l'égomanie de Clara contre elle, se lance dans une vraie guerre de nerfs et de bluff (les deux se lancent mutuellement un "Do as you're told !" très significatif). Il a (cette fois) gagné cette bataille. Ensuite, il n'hésite pas à se montrer extrêmement dur avec elle, en apparence. Pourtant il lui pardonne dans l'instant son erreur. Encore une fois son décalage complet avec les codes humains le rend maladroit avec un "Go to hell" mal interprété par Clara ; même ensuite il ne fera rien pour la consoler et exige qu'elle arrête de pleurer si elle veut aller avec lui (comme il l'a doucement avoué à la fin de Mummy on the Orient Express il accorde de l'importance à son image de vieux grincheux !). Mais il laissera finalement transparaître son amitié sincère et son humanité profonde (I'm exactly the friend you deserve), qu'il a petit à petit acquis cette saison depuis les événements de Kill The Moon.


Do you think I care for you so little that betraying me would make a difference ?


Il y a encore un épisode, j'aurais eu tendance à dire que leur relation ne pouvait plus prendre que deux alternatives extrêmes. Soit, une séparation brutale car leurs caractères sont définitivement trop électriques, ce qui se solderait alors par l'abandon de l'un ou de l'autre. Ou bien, une dévotion mutuelle extrême qui se poursuivera jusqu'au bout, une amitié qui ne pourra se terminer que par la mort. Avec cet épisode et la mort de Danny, la dernière "phase" de leur relation qui avait débuté à la fin de Mummy on the Orient Express et qui s'est poursuivi dans Flatline touche à sa fin : à savoir l'échange des deux rôles (ou pour résumer grossièrement, la doctorisation de Clara et l'humanisation du Docteur). Il est clair que ces deux-là se sont rapprochés tant ils se connaissent bien l'un l'autre. Le Docteur passe par Clara pour communiquer, pour exister chez les autres (c'est un peu son interface humaine) et Clara est sans doute la compagne à avoir été la plus proche du Docteur psychologiquement et historiquement parlant. Ainsi ma deuxième option semble plus probable : plus rien ne peut vraiment atteindre leur amitié. Si j'ai vu juste, le développement promet d'être une nouvelle fois grandiose et déchirant.

 

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Mhh, Clara et le Docteur sont encadrés par deux bandes noires et leur regard se croise en traversant un crâne, en traversant la mort... où serait-ce pousser l'interprétation un poil trop loin ? Sait-on jamais !

 

Mais nous ne sommes pas à l'abri d'une surprise de taille non plus. Après tout, si le trailer pour Dark Water faisait passer Clara pour la méchante ("You will never step inside your TARDIS again"), le trailer radio pour Death in Heaven change radicalement d'opinion avec "I will never give up the Doctor". Un piège pour nous induire en erreur ? Il ne faut pas oublier qu'elle semble jouer un rôle dans le grand plan de la Mistress (fin de Flatline). Se pourrait-il qu'elle ait véritablement été manipulée, et que Dark Water se soit donc sadiquement occupé à nous montrer à quel point leur amitié est forte, dans le seul but de mieux briser leur relation ensuite ? Ce serait bien le genre de l'épisode.

Car s'il y a bien une chose pour caractériser l'épisode, c'est son sadisme ambiant. La Mistress c'est une chose. Le dénouement concernant Danny et le magnifique traitement de la relation Twelve/Clara en sont d'autres. Mais là où Moffat s'est surpassé selon moi, c'est tout bêtement dans son scénario du jour, complètement dément. 


Moffat O' Lantern


L'épisode était une vraie bouffée d'air frais en ce qui concerne le travail de Moffat. A l'aide de ses petits tours habituels sur les noms codés (Missy, 3W) et en reprenant quelques-unes de ses idées (le tableau télépathique du TARDIS, le rêve), il offre un final sans paradoxe ni timey-wimey. Au contraire, on a même droit à un peu d'auto-dérision avec Capaldi mentionnant la "paradoxal loop"... Les blagues méta, on aime ou on n'aime pas, Moffat reste un maître dans le genre ("I presume you have stairs." "Well I'm not a Dalek."). Un final où le cliffhanger ne met pas en scène la fin de l'Univers ni l'effondrement d'une ligne temporelle, c'est aussi rare et appréciable (d'autant que les trois précédents faisaient les deux en même temps !). C'est très différent de ce que Moffat propose ces dernières saisons, avec notamment la menace qui se ressent tout le long mais qui n'apparaît qu'à la fin, à la manière de The Pandorica Opens - qui forme avec The Big Bang sans doute mon final préféré de la série...

Inutile de mentionner le fait que le script soit parsemé de quelques idées brillantes (parmi lesquelles cette fameuse Dark Water et le White Noise de nos téléviseurs contenant les paroles des défunts). Nul besoin non plus de parler des dialogues comme toujours très inspirés. Non, c'est le concept même de Dark Water qui est du génie pur. Impliquant les Cybermen et la Nethersphere, il est non seulement très bien amené, original (les quelques éléments repris de la série comme la matrice des Seigneurs du Temps sont évoqués ouvertement) mais surtout sacrément culotté.

 

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L'épisode comporte quelques plans de toute beauté et la réaliastion joue beaucoup sur les contrastes.

 

Premièrement, voir ce qui se passe après la mort comme une chose tout à fait banale, il est évident que cela ne plaira pas à tout le monde. Pourtant l'explication qu'adopte la série est une vision très Science-Fiction et que je trouve absolument brillante, mêlant avec précaution les idées spirituelles et scientifiques (la vision du paradis reste tout à fait contestable après cet épisode, le Paradis étant une création de Missy et l'Enfer étant une métaphore employée par le Docteur). C'est provoquant et perturbant, mais cela reste de la fiction : d'un point de vue fictif, narratif, c'est parfait.

Deuxièmement, quand on ajoute l'idée que toute âme reste reliée à son corps et ressent toujours une émotion dans la vie après la mort, cela devient juste morbide, horrible, horrifique... et donc génial. J'ignore si c'est une idée déjà-vue dans l'univers télévisuel et cinématographique mais c'est certainement inédit dans la série et complètement brillant ("Why has no-one ever thought of that before ?" dixit Missy). Comment alors expliquer à un enfant regardant la série qu'il faut emmener son grand-parent décédé à la crémation la semaine suivante ? Cette simple idée pourrait bien envoyer tous les enfants behind the sofa et leur donner des cauchemars la nuit tant elle est percutante, gênante voire dérangeante, même pour des adultes.

Tout ce scénario machiavélique, absolument immonde et choquant est de plus mêlé à un humour noir parfaitement maîtrisé par Moffat. Cet épisode est un exemple de parfait dosage entre humour (noir) et drama, là où même des chefs d'oeuvre comme The Name of the Doctor ratait parfois le coche. Ma réplique préférée de ce point de vue là étant très certainement lorsque Seb, parfaitemenet joué par le partenaire de Peter Capaldi dans The Thick of It : Chris Addison, annonce sinistrement quand Danny entend un hurlement de souffrance :


Sounds like somebody left their body to science.


En plus d'être drôle sur le coup grâce au jeu d'acteur d'Addison imitant celui de Missy, cette phrase est primordiale scénaristiquement, vu qu'elle nous informe le lien entre l'âme et le corps après la mort (ce qui pousse les humains à accepter la suppression de leurs émotions). Cette réplique devient alors rétrospectivement hilarante ! Je me suis même demandé, tout en appréciant beaucoup ce que j'ai sous les yeux, si parfois Moffat n'est pas allé trop loin. L'image des foeutus communicant par téléphone et "pensant que la vie s'arrête au bout du cordon", c'est vraiment glauque... et drôle à la fois. Steven le faisait parfois dans ses scripts, mais jamais poussé à un tel niveau. Comme si l'apparition de Twelve et le cadre d'une fin de saison sombre avait permis de décupler les capacités du scénariste sur ce point de vue-là.


CyberPlague


L'intégration des Cybermen au scénario devient alors une évidence : en retirant les émotions et en transformant l'Homme en machine, l'âme est apaisée et peut commencer la vraie afterlife que propose l'organisation 3W : la vie cybernétique. Don't Cremate Me. Pour échapper à la souffrance physique et morale, l'humain choisit de supprimer ses émotions. Le concept du Cyberman revient ici aux sources de la série classique. Lorsque cette race venait de la planète jumelle de la Terre, Mondas. Le Cyberman est présenté comme l'évolution ultime de l'Homme, la transformation en machine, le stade le plus avancé, quand toute faiblesse émotive est retirée et que l'humanité disparaît. Une idée que l'on retrouve donc ici avec l'intégration de l'au-delà comme une existence robotique, dont Danny semble malheureusement faire l'expérience la semaine prochaine. 


Cyberman - Our brains are just like yours except that certain weaknesses have been removed. 

Barclay - Weaknesses ? What weaknesses ? 

Cyberman - You call them emotions, do you not ? 

- The Tenth Planet, episode 2


La malédiction des Cybermen serait-elle brisée ? Loin des Iron Men de Neil Gaiman, l'écriture de Moffat pour ces ennemis est ici parfaite et rend - enfin - honneur aux Cybermen en mettant en avant la suppression des émotions et surtout cette fameuse transformation inhumaine et horrifique. Seul Tom MacRae avait réussi à bien capter cette dimension dans The Age of Steel lors de la séquence de l'usine Cybus. Dans Dark Water, la gestion du temps, leur apparition tardive présentant malgré tout des signes avant-coureurs (comme la porte qui se referme, laissant apparaître un visage de Cyberman) ainsi que la caméra de Talalay ont réussi à rendre ces antagonistes de longue date menaçants à nouveau et surtout, grâce à l'écriture, appelant à un vrai dégoût et une vraie peur. C'est exactement ce qu'il faut faire en première partie avec ce genre d'ennemis. Maintenant, le feu d'artifices pourra s'allumer dans le prochain épisode immédiatement : le climat épique et macabre est déjà préparé.

 

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Steven Moffat redonne tout son sens à l'expression Delete, dont les Cybermen peuvent maintenant se vanter. Plus de raisons de rougir devant le culte Exterminate des Daleks. Ce cliff remet en cause la décision de Danny. Va-t-il vraiment supprimer ses émotions alors qu'il se rétracte à la vue du reflet du petit garçon ?

 

Dans Dark Water, Moffat a mis en place tout un univers très provocateur, perturbant et choquant, avec une vraie possibilité de traumatiser de nombreuses pesonnes. Pour cela, je dis bravo (sadique, moi ? pas du tout). Avec toutes ces idées, Moffat a une fois de plus utilisé son procédé le plus chéri : il s'est servi d'un concept dont tout le monde a peur, à savoir la mort, qui évoque une angoisse irrationnelle de l'inconnu, pour proposer une théorie littéralement horrible une fois transposée à l'écran et qui parle à absolument tout le monde. Pour moi, il s'agit donc sur ce plan-là probablement du scénario ultime à ce jour, le paroxysme des idées de Moffat réunies dans un épisode complètement noir, noir dans les thématiques, noir dans les personnages, noir dans la réalisation, noir dans les concepts, noir sur tous les aspects possibles. Joyeux Halloween, tout le monde...

 

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Le Coin du Fan


Nos experts ont décortiqué avec minutie chaque seconde de l'épisode et ont fouillé la toile dans l'espoir de voir des références... et voici ce qu'ils ont trouvé !

 

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  •  Ce n'est pas la première fois que le Maître collabore avec les Cybermen. En effet, dans l'épisode classique du 20ème Anniversaire du show, The Five Doctors, ce dernier a fait appel à eux pour tendre un piège au Docteur une fois ce dernier enfermé dans la Dead Zone. D'ailleurs il y a quelques épisodes plus tôt, dans The Time of the Doctor, le Docteur a sorti un sceau et a évoqué à la fois le Maître et la Dead Zone ! Coïncidence ?
  •  La Mistress a converti la matrice des Seigneurs du Temps en Nethersphere où elle peut stocker l'âme des morts le temps de les cyberuploader dans un corps de métal. Dans l'épisode de Four The Deadly Assassin, le premier épisode se passant exclusivement sur Gallifrey et le seul de la série où le Docteur n'a absolument aucun compagnon, le Maître s'était justement emparé de la matrice des Seigneurs du Temps en la piratant. A l'époque, elle contenait des informations concernant tous les Gallifreyiens !
  •  Le réveil des Cybermen sortant hors des tombes évoque fortement le même réveil dans The Tomb of the Cybermen, une histoire avec Two. Toujours avec Two, la marche des Cybermen à travers Londres reprend les mêmes plans que dans The Invasion !
  •  Clara a fait une liste sur des post-it alors qu'elle s'apprêtait à tout raconter à Danny. Parmi cette liste, on peut voir des références à tous les épisodes de la saison ! "Half-Face Man", "Dinosaur in London", "Impossible Girl", "Vastra" et "Jenny" de Deep Breath (Il manque Strax, le pauvre !), "Miniature Clara" de Into the Dalek, "Robin Hood" de Robot of Sherwood, "Listen", "Rupert Pink" et "Dan, Dan the soldier man" de Listen, "Rob the bank", "Psi" et "Saibra" de Time Heist, "Courtney on the moon" et "Courtney becomes the President" de Kill The Moon, "Orient Express" et "Maisie" de Mummy on the Orient Express, "Boneless" de Flatline, et enfin quelques post-it mystérieux comme "Lying...", "Truth", "Three months" et "Just Say It", que Clara prend à la fin. Mais qu'est-ce que Clara allait annoncer à Danny ?
  •  Tout au long de la saison, des symboles annonçant la Nethersphere et les Cybermens sont apparus, cachés parmi les épisodes. La Promised Land dans le 8.3, l'écran de sécurité de la banque dans le 8.5, la lune du poster du 8.7 et même ce mystérieux Gus dans le 8.8 !

 

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Dark Water est un début de season-finale plus que prometteur. Il est osé, original, et si l'on fait abstraction de la com mensongère et un peu trop gourmande de la BBC et de son scénariste, est une énorme claque pour le téléspectateur. Il faut bien sûr saluer cette révélation finale absolument énorme en soi, ainsi que l'avancée des protagonistes et les acteurs tous brillants dans des scènes qui leur donnent de quoi éblouir, mais également et surtout toute la mise en place d'un scénario et d'une atmosphère qui n'a jamais atteint un tel niveau de noirceur. Oui, Dark Water porte bien son nom et pourrait bien être l'épisode qui développe le concept le plus noir jamais vu dans Doctor Who. C'est l'introduction tout bonnement idéale, la perfection pour un season-finale.

 

 

J'ai aimé :

 

  •  Les prises de risques.
  •  Michelle Gomez est fantastique.
  •  Le scénario horrifique et malsain comme jamais.
  •  L'humour décalé, morbide et très noir qui s'y joint parfaitement.
  •  L'intégration du concept des Cybermen à l'histoire, et l'épique parfaitement géré.
  •  Une véritable atmosphère, visuellement magnifique et toujours dans le noir à son paroxysme.
  •  The Master is Back !

 


Je n'ai pas aimé :

 

  •  La com et les trailers mensongers.
  •  Difficile de se soucier de la mort de Danny tant son personnage m'a été indifférent.


Les risques pour la seconde partie :

 

  •  Perdre totalement l'atmosphère de Dark Water avec une banale invasion terrestre UNIT vs Cybermen (il est certain qu'il y aura plus d'action, mais cette dimension noire doit subsister un minimum pour moi, au moins dans les thèmes abordées autour de la mort et le concept de la cyber-résurrection).
  •  N'avoir changer le sexe du Maître que pour faire dans le polémique, sans vrai motif.
  •  Rescussiter Danny lâchement à la fin.

 


Ma note est donc à déterminer suivant Death in Heaven. Cette douce sensation d'attente de deuxième partie, à la fois excité par la suite des événements mais inquiet si elle ne se révèle pas à la hauteur... ça m'avait manqué ! La réponse, la semaine prochaine.

L'auteur

Commentaires

Avatar 4evaheroesf
4evaheroesf
J'attends le prochain épisode pour l'idée de l'âme liée au corps car cela peut être juste un symptôme crée par Missy pour forcer les âmes au "delete" et devenir des Cybermens. Et maintenant que j'y pense, ces âmes ont donc un corps solide (les squelettes) puisqu'il en faut un pour devenir Cybermen.

Avatar 4evaheroesf
4evaheroesf
Et j'oubliais, ça c'est une critique de fanboy ! Mais quand c'est une critique argumentée comme celle-ci, c'est meilleure à lire.

Image Doctor Who
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