Critique : Doctor Who (2005) 9.06

Le 07 novembre 2015 à 15:39  |  ~ 13 minutes de lecture
A peine séparés la semaine dernière, le Docteur recroise une jeune connaissance, 800 ans plus tard...
Par Gizmo

Critique : Doctor Who (2005) 9.06

~ 13 minutes de lecture
A peine séparés la semaine dernière, le Docteur recroise une jeune connaissance, 800 ans plus tard...
Par Gizmo

Pour la seconde partie d’un two-parter qui n’en est pas vraiment un, Doctor Who quitte les vikings pour rejoindre les bandits de grands chemins. Entre des talismans magiques, des blagues douteuses et des lions de l’espace, The Woman Who Lived est avant tout une belle réflexion sur l’immortalité et ses fardeaux.

 

 The Woman Who Lived - poster Radio Times

 


Bandits, Bandits

 

Ashildr est de retour, 800 ans après sa résurrection, et elle s’appelle désormais Me. Comme pour The Girl Who Died, le ton de l’épisode est un surprenant mélange de comédie, drame et tragédie. Le personnage incarné par Maisie Williams n’est plus la jeune fille naïve et rêveuse qui inventait des histoires depuis son village viking. Au contraire, elle a désormais vécu tellement d’histoires qu’elle est forcée de les répertorier dans une bibliothèque pour s’en rappeler. Ainsi, la passion d’autrefois est devenue une malédiction. Une très belle idée qui apporte un regard différent sur l’immortalité, et dont l’épisode parvient avec habileté à tirer profit.

 

Retrouvailles entre Me et le Docteur

 

Car la question principale qui se posait la semaine dernière consistait à savoir comment la série allait parvenir à faire du neuf avec un personnage qui rappelait de nombreux autres protagonistes de la galaxie Doctor Who. Ni River Song, ni Jack Harness, Ashildr est un personnage à part entière, qui conserve jusqu’au bout son ambiguïté et sa complexité. On regrettera certaines scènes parfois maladroites (l’introduction où Maisie Williams semble surjouer légèrement lors de la révélation de son visage, ou bien la scène du « I care! I care! » très forcée, d’autant plus dommage qu’il s’agit d’un des enjeux de l’épisode), mais force est de constater que Me est un personnage réussi, aux antipodes de la jeune Ashildr dans l’épisode précédent.

Ses peurs, son talent de conteuse, son attachement à son village, toutes ses qualités de petite fille ont disparu pour laisser place à une femme sûre d’elle, insensible, qui refuse de se souvenir du passé pour ne plus être blessée. Maisie Williams incarne à la perfection un personnage légèrement antipathique, dont les véritables intentions demeurent obscures à la fin de l’épisode. Le Docteur pourrait bien regretter un jour d’avoir fait preuve de compassion à son égard, offrant une formidable continuité avec les thématiques explorées depuis le season premiere (« I’m not sure that any of that matters, friends, enemies. So long as there’s mercy. Always mercy »).

 

Ashildr a subi des pertes dans sa longue vie 

 


Sans Clara, rien ne va

 

Pour la première fois depuis l’entrée en scène de Twelve, nous assistons à un voyage en solitaire du Docteur. Comme Ten en fin de vie ou Eleven dans Closing Time, ces voyages sont de véritables introspections qui révèlent l’importance des compagnons dans la vie du Seigneur du Temps. Depuis le début de la saison, Twelve et Clara ont trouvé un semblant de stabilité, chacun trouvant enfin chez l’autre ce qu’il a toujours cherché. Ce dernier n’hésite plus à lui manifester toute l’affection qu’il lui porte, faisant de Clara, selon les dires de Me, sa plus grande faiblesse.

 

Maisie Williams et Peter Capaldi


Effectivement, les dés semblent désormais lancés. Le futur destin tragique de Clara est officiellement annoncé par cet épisode, et lourdement appuyé par un regard chargé de sens du Docteur à la fin de l’épisode. Certes, ce procédé peut sembler peu subtil, mais il s’intègre avec brio dans la thématique de l’épisode et met en lumière le rôle essentiel de l’entourage du Docteur dans la dynamique de la série.

Si l'épisode explique, involontairement sans doute, pourquoi River n’a pas accepté de voyager avec le Docteur dans The Angels Take Manhattan (car l’excuse du « One psychopath per Tardis » ne m’avait jamais vraiment convaincu), il pose le même problème que l'épisode précédent : combien de temps peut-on encore se sentir investi dans le teasing massif du départ de Clara, au point où ce dernier devient SON élément de caractérisation central cette saison (avec sa tendance "tête brûlée") ? Nous n'en sommes qu'à la mi-saison, et si jusqu'à maintenant l'équilibre perdure, il ne faudrait pas que la série finisse par lasser dans ce procédé.

 

Clara et son Docteur


Cependant, l’épisode va plus loin en annonçant, outre le départ de Clara, sa possible trahison envers le Docteur. Souvent évoquée, jamais totalement concrétisée, la perspective d’un telle situation serait totalement nouvelle pour la série, d’autant plus venant de Clara, l’une des compagnes les plus proches et fidèles au Docteur. Néanmoins, comment le lien indéfectible qui semble à présent unir le Seigneur du Temps et l’enseignante de Coal Hill School pourrait se briser? Après toutes les épreuves qu’ils ont traversées, espérons que Moffat parviendra à amener de façon cohérente ce rebondissement qui promet une fin de saison chargée en émotions.

 

 

Cosmocat

 

L’épisode possède des failles. En particulier une : son intrigue. Il serait temps pour les scénaristes de comprendre que la science-fiction n’est pas un réservoir où il est possible de piocher aléatoirement des situations cocasses en mode kamoulox. Pourtant, c’est un peu l’impression qu’on retire de l’intrigue de cet épisode : un lion alien souhaite récupérer un médaillon magique qui utilise l’énergie de la mort pour ouvrir des portails. Après moultes fourberies, ses véritables intentions sont découvertes : conquérir la Terre. Mouahaha.

Juste non. Je n’arrive même pas à comprendre le sens de cette intrigue, ni l’intérêt qu’a pu y trouver Catherine Tregenna. Alterner les séquences entre le Docteur et Me avec la quête d’un artefact alien dont on se fiche n’aide franchement pas à se sentir investi. Voir Me se faire embobiner de façon totalement stupide par un Cosmocat, que le scénario nous désigne clairement comme un traître, réduit finalement la jeune fille au statut de pur larbin, alors qu’il est légitime de penser que son expérience la rendrait plus maligne que ça.

 

Leandro, le lion alien


En plus d’être très lourdement intégré dans l’histoire (alors qu’il n’y avait pas besoin d’une véritable justification pour réunir le Docteur et Me, le simple hasard aurait suffi), l’artefact alien au cœur de l’épisode n’a aucune utilité dans la thématique de celui-ci, son fonctionnement étant même à la lisière de l’ésotérisme. « The Eye of Hades », « Purple, the colour of death »… Tant d’expressions balancées sans véritable justification, qui rendent la compréhension de cette sous-intrigue confuse. La série a déjà par le passé mixé science-fiction et ésotérisme (The Satan Pit, The God Complex), mais elle avait alors conscience qu’il fallait le faire avec doigté pour rester cohérent avec un univers qui n’est pourtant pas trop regardant sur les détails. Ici, l’histoire de Leandro, de sa planète ou de cet artefact n’est absolument pas approfondie, le réduisant au stade de méchant de pacotille. Nous lui souhaitons un bon séjour aux côtés des vilains-pas-beaux prétextes à des péripéties, j’ai nommé les Robots de Sherwood, Skorvox Blitzer ou bien des Mire, pour ne pas chercher plus loin. Il est d'ailleurs regrettable qu'à l'exception de Davros, les monstres de cette saison demeurent anecdotiques.

 

Leandro crache du feu


La série devrait parfois faire un choix : ne pas intégrer d’alien of the week au profit d’une intrigue plus simple et plus homogène, ou concentrer son intrigue sur l’alien afin de rendre le climax véritablement efficace. Certes, j’imagine que des monstres comme Leandro servent à maintenir l’intérêt du jeune public au sein d’un épisode aux thématiques très sombres. La série rate le coche, alors qu’elle aurait pu offrir un épisode purement historique (ce qui aurait été une première dans la nouvelle série) centré uniquement sur les rapports entre le docteur et Ashildr. Ce problème de positionnement coûte cher à un épisode qui avait tous les ingrédients pour être une véritable réussite. Dommage, car il suffisait d’un rien…

 

 

Plutôt la vie

 

L’épisode est-il un échec? Pas totalement. Son rythme est étrange, mais pas déplaisant pour autant. Prendre le temps de poser son intrigue pour développer les personnages est une qualité parfois trop oubliée dans la série, et voir la moitié de l’épisode se dérouler sans véritable menace apporte un vent de fraîcheur bienvenu. L’humour est aussi au rendez-vous, grâce à un Capaldi toujours excellent dans le domaine, refusant de s’abaisser aux jeux de mots dont est friand Sam Swift, un autre bandit de grands chemins.

 

Sam Swift

 

Je ne connais pas Rufus Hound, et j’avoue ne pas savoir si le personnage a été écrit pour lui à la base, mais j’ai trouvé la séquence de « one-man show » sur la potence maladroite. La série a déjà embauché des stars pour leur faire jouer des rôles qui font écho à leur vraie vie (notamment la chanteuse Fox l’an dernier), mais ici le parallèle est bien trop appuyé. J’imagine dès lors que, pour des spectateurs qui connaissent un peu l’humoriste, le rapprochement est encore plus perturbant et ne favorise pas l’immersion.

Néanmoins, Sam Swift n’est pas pour autant une pièce rapportée dans l’intrigue. Son introduction est étrange, mais pleinement justifiée par le dénouement final, qui nous révèle le véritable but du personnage dans le récit. À travers le trio composé par le Docteur/Me/Sam Swift, Catherine Tregenna propose trois regards sur la vie et la mort. En ce sens, la séquence où Sam Swift tente désespérément de retarder l’échéance en faisant de l’humour m’a semblé étrangement juste, donnant vie à ce personnage de crétin épicurien. Un constat en demi-teinte, donc, mais qui s’avère finalement payant, et qui me donnerait presque envie de voir ce qu’est devenu ce bandit de grand chemin des siècles plus tard.

 

The Woman Who Lived n’est pas le chef-d’œuvre de la saison, mais un nouvel épisode très solide dans un run qui s’avère pour l’instant très satisfaisant. On regrettera une intrigue bouche-trou avec son lion cracheur de feu qui disperse le récit au lieu de le recentrer sur l’essentiel : un duo d’immortels déblatérant sur les aléas d’une vie qui n’en finit pas. Nul doute que nous reverrons Maisie Williams dans la série, et peut-être même plus tôt que prévu. Pour l’instant, elle pose une nouvelle pierre dans la mythologie de la série, et annonce à mi-chemin de la saison des rebondissements qui pourraient s’avérer déchirants.

 

J’ai aimé :

 

  • Des dialogues qui exploitent parfaitement la thématique de l’épisode
  • Un travail sur l’image et les costumes de toute beauté
  • Des pistes pour l’avenir qui laissent craindre le pire pour le Docteur et Clara (et donc le meilleur pour le spectateur)
  • Un rythme plus posé durant les deux tiers de l’épisode

 

Je n’ai pas aimé :

 

  • Quelques idées de mauvais goût dans la réalisation (les ralentis, le combat final peu crédible, les effets spéciaux…)
  • Leandro, le lion qui ne servait à rien
  • L’histoire de l’artefact, confuse à souhait
  • Un épisode qui aurait peut être gagné à être placé plus loin dans la saison, pour rendre le retour d'Ashildr plus surprenant
  • La photo de Clara à la fin de l’épisode, procédé poussif de narration

 

Ma note : 12/20.

 

Le coin du fan :


  •  Clara est absente de cet épisode, occupée à donner des cours de taekwondo, cours qu’elle avait déjà évoqué dans Robot of Sherwood l’an dernier.
  •  Le Docteur annonce le futur Grand Incendie de Londres, provoqué par les Terileptils dans l’épisode The Visitation, une aventure du cinquième Docteur.
  •  Lors de sa conversation à la taverne, le Docteur suggère que Me pourrait rencontrer Jack Harness. Un spin-off envisageable pour Big Finish ?
  •  Les fans hargneux ont dû s’arracher les yeux en constatant que les lunettes soniques n’étaient pas mortes. Leur destruction la semaine dernière n’était qu’un nouveau troll de Master Moffat.
  •  Me semble en savoir beaucoup sur le Docteur. Beaucoup plus qu’elle ne devrait. Aurait-elle rencontré quelques informateurs sur sa route ? Les paris sont ouverts, mais sa phrase « It’s your friends you have to watch out » n’est pas sans rappeler les propos de Missy dans The Witch Familiar : « The friend inside the enemy, the enemy inside the friend ».
  • La guitare est définitivement le « fez » de Twelve, avec déjà trois apparitions en seulement six épisodes.

L'auteur

Commentaires

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Koss
"Cependant, l’épisode va plus loin en annonçant, outre le départ de Clara, sa possible trahison envers le Docteur." C'est dans le dialogue final avec Maisie ça ou il y autre chose ?

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Gizmo
Je ne me souviens plus vraiment, mais oui, c'est sans doute dans les deux dernières scènes finales... C'est quelque chose que j'attends depuis le premier épisode de Capaldi, le finale de la 8 n'a qu'à moitié sauté le pas (la scène du volcan), donc je croise les doigts pour que ce soit vraiment le cas cette fois-ci.

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Galax
Mouais, on le sous-entend que très légèrement, c'est plus Ashildr elle-même la cible quand elle dit "il faut faire attention à ses amis plus qu'à ses ennemis". J'ai du mal à voir comment on peut justifier dans le scénario que Clara trahisse le Docteur alors que 1) ça a déjà été fait, dans Dark Water comme tu l'as dit (je vois pas en quoi c'était fait "à moitié") et surtout 2) après avoir passé une saison à nous montrer que c'est la seule raison pour laquelle elle vit encore et que le Docteur est tout pour elle. A mon avis c'est beaucoup plus probable qu'Ashildr trahisse le Doc, vu comment elle stalk Clara à la fin de l'épisode/

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Gizmo
Quand je dis "à moitié", c'est plus en terme de répercussions: la scène du volcan est géniale, mais elle ne représentait pas un choc pour le Docteur, qui maîtrisait totalement la situation en réalité. J'aimerais bien que le Docteur se fasse vraiment prendre de court par le comportement de Clara, qu'il se retrouve démuni face à un comportement auquel il ne s'attend pas de sa part, et qui remette fondamentalement en question leur relation.

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Galax
Oui je vois. Ça serait bien une trahison de ce genre c'est sûr. Mais ça n'arrivera jamais avec Clara ^^

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Allez, ce fut une plutôt excellente saison, mais que vaut son final ? Égale-t-il le chef d'oeuvre qui le précédait ? Sans surprise, non, mais cela signifie-t-il mauvais épisode pour autant ? Là encore non, bien au contraire...