Qui a peur du grand méchant loup ?
Silvie Oster, une jeune étudiante sans histoire, se fait massacrer durant son jogging du matin par ce qui paraît être une créature féroce. Nick Burckhardt, jeune inspecteur sur le point de se marier, est chargé avec son collègue Hank Griffin d'enquêter sur ce qui apparaît comme l'oeuvre d'un animal particulièrement féroce. Le seul problème vient de la seule piste dont il dispose, à savoir une empreinte de bottes qui identifie le meurtrier comme tout ce qu'il y a de plus humain.
Résumé de la critique
Un épisode correct que l'on peut détailler ainsi :
- un cop show original au concept à double tranchant
- une mythologie forte portée par un personnage intrigant
- un duo décevant, l'autre plus intéressant
- un monde au bord de la forêt
Le concept bancal de l'année
Série policière classique s'inscrivant dans un cadre original, Grimm fonctionne sur le principe du conte de fées inversé, proposant une approche réaliste en opposition à la vision naïve et classique. Le grand méchant loup va alors devenir une bête effrayante, brutale et perverse qui intercepte une petite fille sur le chemin de l'école. Masquant parfaitement ces traces, le meurtrier serait difficile à appréhender si Nick (David Giuntoli, pas totalement convaincant) n'était pas un Grimm, un homme capable de voir le vrai visage des monstres.
C'est là que la série va peiner à poser son concept tant il est indispensable de convaincre le spectateur que le héros n'est pas victime d'hallucinations psychotiques. Heureusement, les scénaristes vont s'employer tout l'épisode à bien insister sur la réalité des visions de leur héros, tout en nous présentant des personnages pour qui les apparences vont s'avérer trompeuses. Malgré tout, le premier fait d'arme de Nick va créer un léger malaise lorsque la créature perd son masque de monstre à sa mort pour laisser apparaître un visage tout ce qu'il y a de plus humain.
Malgré ce point de départ très bancal, la série parvient avec finesse à éviter le piège du "super flic, seul contre tous" au profit d'un personnage principal très humain adepte de la collaboration. Surtout, plus qu'une série policière, Grimm est avant tout un récit initiatique malin, reposant en grande partie sur le personnage de la mystérieuse tante Marie.
Initiation aux contes de fées
Si le grand méchant loup est avant tout envisagé comme une vulgaire brute sanguinaire et cruelle, la série va diverger petit à petit, abandonnant le premier meurtre au profit d'un rapt d'enfant installant une tension plus grande. La liaison entre les deux enquêtes va se faire de manière assez maladroite, le but étant que le héros sauve une vie plutôt que de juste trouver un monstre qu'il faudra forcément abattre. Pas encore vraiment attachant, le héros de Grimm parvient à échapper aux nombreux clichés, en grande partie grâce à une mythologie assez étonnante.
Au centre de cette part de l'intrigue se trouve sa tante Marie, une chasseuse de monstre qui l'a élevé comme son propre fils et va être chargée de nous initier à cet univers de créatures surnaturelles. Ce point de récit serait moyennement original si la série n'était pas un cop show standard en apparence, reprenant tous les clichés du genre. Le récit passe alors dans le registre de l'intime, Nick étant sur le point de se marier avant que sa vie soit brutalement bouleversée par ses visions monstrueuses.
Sur ce point, la série prouve qu'elle dispose d'un vrai potentiel si elle parvient à équilibrer les deux pans de ses intrigues et à mieux lier le fantastique avec l'enquête fondée sur des meurtres bien réels. Pour cela, les scénaristes possèdent deux personnages secondaires qui vont servir à développer ses deux aspects en parallèle.
Deux associations très inégales
Pour l'aider dans son enquête, Nick possède deux alliés qui représentent deux approches possibles de l'univers de la série, avec d'un côté un collègue matérialiste et de l'autre un monstre en quête de rédemption. Pour le policier, il s'agit de l'acteur Russel Hornsby (à droite sur l'image ci-dessus) qui va seconder le héros, servant à venir contrarier ses visions en le contraignant à fournir de véritables preuves en réfrénant ses intuitions. Si l'association est indispensable à la série, le duo se révèle plutôt décevant pour l'instant, manquant de cette complémentarité indispensable dans un cop show.
Pour le monstre, la série va faire appel à un acteur renommé, l'excellent Sylas Weir Mitchell (rendu célèbre entre autre par son rôle de Charles Patoshik dans Prison Break) qui va incarner un méchant loup ayant appris à maîtriser ses pulsions. Association classique (voir Blood Ties par exemple), le policier et le monstre vont partir dans une chasse qui peut paraître bâclée, mais parvient à installer durablement le duo. Les hésitations des auteurs concernant ce personnage d'Eddie sont flagrants, son ambigüité nous étant assénée avec un total manque de subtilité.
Au contraire de la première association, le duo entre Nick et Eddie va s'imposer rapidement comme un des points forts du show, leur complémentarité apparaissant comme évidente. Couple impossible dans la grande tradition des séries américaines, ils montrent combien la série a le potentiel pour devenir un divertissement plus qu'honorable.
Un décor étonnant
Si Grimm possède quelques défauts indéniables, elle montre qu'elle peut compter sur une direction artistique étonnante, en particulier certains décors assez remarquables qui viennent appuyer l'ambiance étrange de la série. Particulièrement étouffante, la forêt devrait devenir un personnage à part de la série, décor de nombres des contes de fées dont la série semble vouloir s'inspirer. La photographie et la réalisation font partie des bons points de ce pilote, donnant toutes les armes à la série pour devenir un divertissement plaisant et singulier.
En conclusion, un pilote qui fait le plus dur avec plus ou moins d'adresse, posant les différents personnages du show ainsi qu'une mythologie dotée d'un vrai potentiel. Difficile de savoir si le mélange des genres va fonctionner, le pilot présentant quelques défauts qui risquent d'être récurrent par la suite, comme un manque d'équilibre entre le réalisme et l'imaginaire. Heureusement, la série possède une vraie identité et montre qu'elle est capable d'être un divertissement tout à fait honorable, même si la série devrait proposer une narration très mécanique.
J'aime :
- les décors superbes
- la mythologie plutôt ambitieuse
- un duo Nick - Eddie qui semble avoir du potentiel
Je n'aime pas :
- un scénario qui hésite beaucoup sur la direction à suivre
- des personnages qui peinent à s'imposer
- quelques effets dramatiques en trop
- un concept de départ terriblement bancal
Note : 11 / 20
Un pilot maladroit, avec des changements d'orientation du scénario en cours d'épisode gênants, mais qui possède un certain charme et parvient à installer un climat troublant. Certains effets dramatiques alourdissent un épisode qui a le mérite de poser l'univers d'une série ayant le potentiel pour faire un divertissement sympathique.