Critique : Luck 1.01

Le 11 février 2012 à 14:57  |  ~ 10 minutes de lecture
Attendu depuis déjà un certain temps, le premier épisode de Luck est assurément à fort potentiel malgré un univers un peu obscur.

Critique : Luck 1.01

~ 10 minutes de lecture
Attendu depuis déjà un certain temps, le premier épisode de Luck est assurément à fort potentiel malgré un univers un peu obscur.
Par Antofisherb

En réunissant autant de talents de la télévision et du cinéma dans une seule et même série, HBO plaçait très haut les attentes pour Luck. Avec une démarche créative de la même envergure que Boardwalk Empire (un créateur ayant déjà fait ses lettres de noblesses, un réalisateur célèbre, une tête d'affiche et un univers particulier), on était donc en droit d'attendre une grande série, malgré un univers a priori moins excitant que la mafia des années 20. Si le bilan de ce pilote d'une heure est un peu plus mitigé qu'on pouvait l'espérer, l'ensemble n'en reste pas moins prometteur et globalement réussi. Pour plusieurs raisons.

 

 

Un univers complexe qui laisse peut de place à l'explication

 

 

luck course2

 

 

Parvenir à rendre fascinant le monde des courses hippiques, dont les adeptes sont plutôt minoritaires parmi les sériephiles, là était un des principaux défis de la nouvelle série de la chaîne à péage. Si on ne peut vraiment considérer que ce défi a été relevé, c'est aussi, il faut bien le dire, parce que le parti pris de David Milch ne fait pas grand chose non plus pour aider. En effet, plutôt que de faire un premier épisode un peu plus lent mais qui serait davantage explicatif pour ne pas perdre les spectateurs dans un déluge de termes et situations très techniques, le créateur de Deadwood préfère présenter l'envers du décor par l'image, puis le laisser vivre devant nos yeux tantôt intrigués tantôt un peu perdus.

 

Cette présentation du monde des courses hippiques commence bien entendu dès le générique, où les symboles de la chance (fer à cheval, trèfle à quatre feuilles, dés, pièces dans une fontaine) se mêlent à ceux de l'argent (billets, décors rappelant les casinos), de la religion (prières, croix en pendentif), de la prison et enfin bien sûr des courses hippiques, dont les symboles sont malgré tout en minorité. Et tout ça sur fond sonore du Splitting Atom de Massive Attack. On peut ainsi voir que le monde des courses hippiques ne se limite pas aux courses en elles-mêmes mais inclue divers éléments beaucoup moins inoffensifs.

 

Dès le début de l'épisode, il apparaît donc que le personnage principal de Luck, c'est bien l'hippodrome, autour duquel gravitent de nombreux personnages avec différents rôles. Juste après une première apparition de Dustin Hoffman et Dennis Farina, la "présentation" du décor est ainsi faite en une minute. Sans dialogues mais sur une musique assez épurée, au rythme marqué, durant laquelle la caméra filme en gros plans un cheval, avant d'élargir petit à petit jusqu'à filmer l'intérieur de l'hippodrome en accentuant son immensité.

 

Mais passé ce moment, et jusqu'à la fin de l'épisode, nous voyons les personnages parler business entre eux, non seulement en employant parfois des termes inconnus du spectateur novice, mais également en ayant des réactions que l'on ne comprend pas toujours. En effet, si l'emploi de termes spécifiques tels «pick six», «dance hat» ou encore «simple» ne gêne pas tellement en soi, le fait que l'on ait du mal à saisir certains comportements -comme lorsque l'entraîneur Turo Escalante devient subitement agressif avec Leon, ou encore l'organisation du pari de l'équipe de parieurs- est déjà beaucoup plus problématique. La tension qui pourrait émaner de ces situations n'est de ce fait pas complètement ressentie par le spectateur. Et c'est dommage.

 

 

Une mise en scène très stylisée

 

 

luck course

 

 

Néanmoins, ce premier épisode parvient à fasciner grâce à d'autres éléments plus visuels basés sur le ressenti. Ils apportent un contre-point aux intrigues complexes qui pourraient provoquer chez le spectateur un sentiment de vide ou de point de vue sans réelle âme. La réalisation de Michael Mann vient sublimer les courses. Il adapte sa mise en scène aux situations, en ajoutant notamment un souffle épique et de la tension à ces passages qui font partie intégrante de la série.

 

Par exemple, lors de la préparation psychologique du coureur et du cheval -si j'ose dire-, la caméra les filme au plus près par des gros plans et avec un montage assez décousu, comme pour montrer la pression, les enjeux d'argent et de prestige qui pèsent sur eux. Mais le plus impressionnant reste lorsque le coureur et sa monture s'élancent dans la course à côté des autres. Ils sont alors filmés dans de nombreux angles et avec une caméra tremblante qui rajoute un effet de proximité. De plus, le léger effet de ralenti souligne certains détails comme la poussière ou les jets de terre, donnant cette fois un côté surréaliste à cette course qui semble presque figée dans le temps. Enfin, certains plans placent les coureurs tels des atomes lancés dans l'immensité de l'hippodrome, surtout lorsque le silence laisse la place au bruit des sabots.

 

Tous ces effets de mise en scène illustrent une volonté de fascination pour cet univers qui viendrait alors ajouter à la tension classique d'une course, où l'on se demanderait si le coureur (ici Leon) va la remporter ou non, malgré des enjeux en arrière-plan pas nécessairement très clairs. Néanmoins, il est légitime de se demander si ces courses, aussi bien filmées soient-elles, ne vont pas finir par devenir répétitives, l'enjeu étant finalement à peu de choses près toujours le même. Mais après tout, l'épisode contient une deuxième course aussi intéressante que la première en remplaçant un enjeu un peu moins important par un élément de surprise dramatique. Il ne reste donc plus qu'à faire confiance à David Milch et son équipe.

 

 

Des personnages nombreux et au fort potentiel

 

 

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Bien entendu, les courses ne seraient pas ce qu'elles sont sans les personnages qui gravitent autour, qu'il s'agisse des coureurs comme des entraîneurs en passant par les organisateurs ou encore les parieurs. Les personnages sont donc nombreux à composer le business des courses hippiques, mais leurs relations et les liens qu'ils entretiennent sont parfois difficiles à suivre. Si les causes de certaines réactions sont un peu obscures, l'interprétation des acteurs et une certaine profondeur dans l'écriture permettent de présenter une galerie de personnages dans l'ensemble riches et assez complexes, dressant ainsi le tableau d'un univers impitoyable.

 

Le premier qui vient à l'esprit (et à l'écran), c'est bien entendu Chester «Ace» Bernstein (incarné avec brio par Dustin Hoffman), businessman du milieu hippique qui sort tout juste de prison après trois ans. Propriétaire d'un cheval à deux millions de dollars, il compte se remettre petit à petit dans son ancien business mais il commence à se faire vieux et les choses ont bougé entre temps. Malgré sa relative discrétion durant ce pilote, la mise en scène fait tout pour le glorifier à chacune de ses apparitions par des contre-plongées ou des ralentis, et cela ne fait aucun doute qu'il sera un peu plus présent dans les épisodes suivants. Gus Demitriou (Dennis Farina) est son ancien chauffeur et ami de longue date, qui l'aidera à se remettre dans le bain notamment grâce à son amitié avec Escalante. Malgré tout, leur rôle précis est assez flou pour le moment.

 

Turo Escalante (John Ortiz) est un entraîneur renommé et autoritaire visiblement mêlé à des affaires plutôt louches concernant les paris. D'ailleurs le jeune coureur Leon semble lui causer des ennuis dans sa stratégie pour gagner le plus d'argent possible, et lorsque ce dernier remporte la course Turo n'est surpris que par la performance du cheval. De par son statut, il risque fort d'être un personnage au centre des conflits dans les prochains épisodes. Bruiser (Nick Nolte) est quant à lui l'entraîneur un peu plus tranquille de la coureuse (qui d'après ce que j'ai pu comprendre n'en est pas vraiment une) interprêté par Kerry Condon, qui semble avoir un certain potentiel pour le métier mais reste contrainte à modeler ses performances selon la stratégie d'Escalante.

 

Mais celui qui reste probablement le personnage le mieux servi par l'intrigue est Leon, un jeune coureur un peu maladroit mais à la grande ambition qui va subir une terrible désillusion suite à la mort de sa monture après une chute en pleine course. D'ailleurs, la mise en scène accorde une véritable place au cheval dans l'épisode en filmant avec une certaine émotion son oeil alors qu'il s'apprête à mourir de sa blessure. Malgré mon appartenance à la Dragon Team je dois bien avouer que ce passage était assez touchant. Pour revenir à Leon, il a été conseillé à Escalante pour son talent par Joey «Porky Pig» Rathburn (Richard Kind), son agent un peu en galère qui s'occupe également de Ronnie, un ancien coureur complètement à la ramasse depuis un accident passé qui semble de rapprocher de ce que vient de vivre Leon.

 

Enfin, la présentation serait incomplète sans la petite équipe de parieurs à la limite de la légalité, qui profitent de la corruption d'un flic pas très malin et de membres friqués ou à la maîtrise des paris sans failles pour tenter de remporter le gros lot. Ainsi, nous suivons la stratégie de cette équipe pendant une bonne partie de l'épisode, qui se montre d'une implacable logique financière lorsque l'enjeu monétaire est important et l'erreur est fatale. Par exemple, lorsque le cheval se casse un os de façon brutale en pleine course, les parieurs se mettent à suivre sans broncher le cheval suivant. C'est donc un monde appâté par le gain et non par le plaisir des courses qui est décrit ici, cette facette du monde hippique s'ajoutant ainsi à celle d'un univers torturé et à forte pression psychologique.

 

 

Finalement, ce premier épisode présente un univers volontairement complexe avec un très grand nombre de particularités, mais suffisament centré sur l'humain et à la mise en scène réussie pour intéresser la plupart du temps. Personnellement, j'ai hâte de voir ce que nous réserve la suite de la saison, en prenant en compte le fait que l'incompréhension de certains éléments ne pourra que diminer au fil des épisodes.

 

 

J'ai aimé :

  •  La mise en scène
  •  Les acteurs
  •  La richesse de l'univers et des personnages
  •  L'intensité des courses

 

 

Je n'ai pas aimé :

  •  Certaines réactions ou dialogues qu'on ne comprend pas forcément
  •  Des liens entre les personnages et des rôles parfois peu clairs

 

 

Ma note : 15/20.

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