Ce qu'il y a de bien avec Mad Men, c'est que chaque saison est meilleure que la précédente. C'est d'ailleurs pour ça que j'attendais encore plus son retour que Game of Thrones (what a shock !). Pourtant, il semblait difficile de faire mieux que la saison 5 tant elle était d'une qualité impressionnante du début à la fin. C'est mal connaître Matthew Weiner, car ce n'est peut-être pas mieux, mais c'est toujours aussi bien.
That time is done
Difficile de dire combien de temps s'est écoulé entre cet épisode et le final de la saison 5. En tout cas, on a l'impression d'être entré dans une nouvelle décennie : en effet, on est en pleine guerre du Vietnam. Le joint n'est plus la découverte un peu coupable de la saison dernière, mais un petit plaisir que l'on se procure fréquemment. Les jeunes publicitaires portent désormais la barbe ou la moustache "Starsky" style. Sauf Pete, d'ailleurs, qui a également changé de coupe, mais au profit d'une coiffure bien gominée, bien old school. Il veut ressembler à Don Draper et Roger Sterling, mais trop tard.
Car plus que les femmes ou la jeune génération, ce sont les mâles, ceux de la génération bien installée, qui sont à l'honneur ici. Enfin, à l'honneur, façon de parler, car ils sont confrontés à la peur allant généralement de pair avec le vieillissement : celle de la mort.
L'homme, seul, face à son existence
C'est d'ailleurs par une mort que commence l'épisode. N'étant que le flashforward d'une vision imaginée par Don plus tard dans l'épisode, elle montre clairement son angoisse, qui s'illustrera à nouveau lorsqu'il expliquera une publicité sur Hawaï à ses clients. La figure de l'homme allant seul se perdre dans l'immensité de l'océan, évoquée lors de la réunion, avait d'ailleurs déjà été utilisée lors de la deuxième saison, et même dans Six Feet Under, pour signifier la même chose. Ce n'est pas non plus un hasard s'il tombe malade pendant les funérailles de la mère de Roger.
Mais, encore plus que Don, c'est véritablement Roger qui commence à s'interroger sur le sens de la vie. Avec l'annonce de la mort de sa mère, plus que triste pour elle, il est triste pour lui, car il sent qu'il est le prochain sur la liste. Il va même, sous le coup de la colère, hurler qu'il ne faut pas gâcher « ses » funérailles. Malgré son comportement égocentrique, difficile de ne pas ressentir d'empathie envers ce bon vieux Roger, car il ne fait finalement que sortir de l'illusion qu'entretient la société de consommation. Il pensait être jeune grâce à ses conquêtes, maintenant il revient vers son ex-femme et accorde plus de temps à sa fille.
A la fin de la dernière saison, une jeune et séduisante inconnue demandait à Don s'il était seul. Avec ce season premiere, on a enfin la réponse : face à la mort, on l'est toujours.
Just be yourself
Une fois n'est pas coutume, cet épisode tourne en majeure partie autour du mythe Don Draper. En même temps, pour un season premiere, c'est un peu normal ; et de toute façon, ça a beau être parfois un peu trop appuyé, moi j'aime beaucoup cette étude autour de sa personnalité.
L'épisode commence d'ailleurs très fort à ce sujet, en tournant presque à l'exercice de style : en effet, pendant près de huit minutes, Don ne prononce pas un seul mot ! Pourtant, ils sont à Hawaï, l'ambiance est à la fête, les corps bronzent au bord de la plage comme sur une carte postale d'époque. Mais non, Don, lui, lit un livre particulièrement peu joyeux, et passe la nuit au bar. Il y rencontre un jeune soldat, rentré au bercail juste le temps de se marier, qui s'apprête à repartir pour le Vietnam. Sa situation renvoie bien évidemment à celle de Don, ou plutôt à celle de Dick : le briquet que le jeune soldat oublie au bar fait d'ailleurs penser à la chaîne que Dick s'est approprié pour devenir Don.
Je regarde le briquet, le briquet me regarde. Nous nous regardons, quoi.
Plus tard dans l'épisode, non seulement il vomit pendant l'enterrement de la mère de Roger, mais il le fait juste au moment où la vieille dame parle de la relation aimante qu'entretenaient la mère et son fils. Encore une fois, il est donc tourné vers son passé, comme l'illustrera la séquence des photos de vacances vers la fin de l'épisode.
Don, c'est l'homme des apparences. Celui qui vascille toujours entre deux identités, entre deux manières de mener sa vie. La saison 5 laissait en cela espérer un futur où il serait en phase avec lui-même, grâce au personnage de Megan, pétillant à souhait. Difficile de garder le même constat après ce season premiere. Car quand le photographe demande à Don d'être soi-même, il est perdu. Dans ses pensées comme dans son passé.
Et les personnages féminins, alors ?
Eh bien oui, j'y viens, j'y viens. Pour ce season premiere, plus qu'une réelle exploration des personnages féminins, c'est plutôt l'occasion de nous rassurer concernant le sort de certains.
Je m'en doutais bien, mais, déjà, je suis content de revoir Peggy évoluer de son côté. Son départ de Sterling/Cooper était un moment fort de la saison précédente, et malgré quelques scènes avec Don, je craignais un peu de la voir moins souvent. Cela ne semble pas le cas, et cet épisode montre même une évolution très intéressante pour le personnage. Ainsi, un peu à la façon de Don dans une bonne partie des épisodes des premières saisons, elle doit gérer une polémique concernant une de ses publicités, et donc râler sur ses employés, travailler tard, discuter au téléphone, et batailler avec son client. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle parvient à le faire avec le même succès que Don, mais du coup avec la même insolence créatrice. En tout cas, j'espère qu'elle sera d'une manière ou d'une autre reliée à une intrigue avec Don, tellement leur duo est une des choses qui a le plus évolué depuis le début de la série.
Mais, encore plus que celui de Peggy, c'est le retour de Betty qui surprend dans cet épisode. Certains voudraient sans doute qu'elle disparaisse définitivement de la série, et pourtant, son évolution est là aussi très intéressante. Autrefois mannequin un peu froide, elle ressemble dorénavant au stéréotype de la femme "mignonne comme tout", plutôt jolie mais un peu dodue, dévouée à sa vie de famille. Malgré tout, comme Don, elle est tournée vers son passé, ici par l'intermédiaire d'une jeune fille désireuse de suivre ses traces à sa manière. Elle possède également un petit côté mesquin, comme en témoigne sa "blague" un peu appuyée concernant Henry et la jeune fille.
Une belle photo de famille, bien ancrée dans son époque. Sauf Sally, qui semble hors de son temps
Sa fuite à New York permet d'ailleurs un contraste étonnant pour la série entre le milieu bourgeois de Manhattan et de la banlieue, et le milieu pauvre de certains quartiers de la ville. La série étant à son habitude toujours teintée d'une certaine classe, ces passages en sont à l'inverse complètement débarrassés pour afficher à la place une atmosphère presque misérabiliste, rappelant un peu le film Macadam Cowboy se déroulant quasiment à la même période.
Et puis, qui dit Peggy, dit forcément Sally, un de mes personnages préférés de la série. J'ai toujours trouvé l'étude des enfants particulièrement pertinente pour une série comme Mad Men. D'ailleurs, si j'en crois mes souvenirs, les derniers épisodes de la série se passeront quasiment dans notre présent, et j'adorerais voir ce qu'elle est devenue ! Car davantage qu'une série sur notre passé, Mad Men est une série qui explique notre présent.
Et c'est ça qui est passionnant.
J'ai aimé :
- A peu près tout
J'ai moins aimé :
- Mad Men a déjà su distiller ses thèmes épisodiques d'une manière un peu moins voyante
- Etant donné le contexte de la décennie qui approche, ça manque un peu de folie
Ma note : 14/20.