Critique : Mr. Robot 2.06

Le 04 septembre 2016 à 11:25  |  ~ 19 minutes de lecture
Mr. Robot nous livre son meilleur épisode à l'heure actuelle et nous rappelle pourquoi elle fait toujours office d’OVNI télévisuel.
Par Galax

Critique : Mr. Robot 2.06

~ 19 minutes de lecture
Mr. Robot nous livre son meilleur épisode à l'heure actuelle et nous rappelle pourquoi elle fait toujours office d’OVNI télévisuel.
Par Galax

Eh non, cette semaine, comme vous l’aurez peut-être constaté, ce n’est pas PuckyPotts qui assure cette critique. Il s’est fait rattraper par Evil Corp et est depuis en cavale. Je connais sa planque et mon petit doigt me dit qu'il sera de retour pour l'épisode 8, pas avant. Ce qui veut dire qu'en attendant, malheureusement, pas de “Coin du Techos” en fin de critique. Mais finalement, ce n’est pas le pire épisode à critiquer pour un novice en programmation et hacking comme moi. Car entre la première partie de l’épisode partant dans une parodie complètement délirante, et une seconde moitié concentrée sur un bon vieux plan d'infiltration hack, j’ai eu le sentiment, avec cet épisode, de retrouver le Mr. Robot que j’adore, après une saison que je trouvais – je me confesse – globalement inégale jusque là.

Alors, pourquoi tant d’éloges sur cet épisode ?

 

~~~

 

Une jolie balade en famille

 

Voilà peut-être LA chose qu’on s’attendait à voir le moins dans Mr. Robot, n’est-ce pas ? Elliot, Darlene et leurs parents en petite virée familiale. L’image est digne d’une vieille sitcom des années 80. Oh wait… c’est une vieille sitcom des années 80 !

 

La famille Alderson

 

Écran en 4:3, qualité 380px, rires pré-enregistrés, looks improbables (une belle marinière pour Elliot), plans de caméra exagérés, tout est fait pour déstabiliser d’entrée le spectateur non prudent (comme moi), qui a oublié qu’en lançant un épisode de Mr. Robot, absolument tout peut arriver. Le procédé n’est en aucun cas un gimmick d’une scène et constitue près de 50% de l’épisode. On a même droit à un faux-générique de sitcom, à un slogan de la chaîne USA et même à une page de publicité juste avant la véritable coupure pub du show. Ce n’est pas la première fois que la série joue avec sa propre diffusion et son propre network : d’autres épisodes en saison 1 avait déjà “annoncé” des pages de pub. Quant au procédé de se moquer de la chaîne, il n’est pas non plus nouveau, mais est habituellement réservé aux sitcoms (Community et NBC, les Simpsons et la FOX…). Mr. Robot s’en sert comme propos, afin de dénoncer l’hypocrisie de son propre message : la série révolutionnaire et anti-capitaliste au possible… sur un network appelé “USA”, diffusant régulièrement des pages de pub. Je ne serai pas surpris qu’E Corp. finisse par gagner, et que la morale ultime de la série soit dans la veine “Capitalism is shit, but it’s the best thing humanity can come up with right now”. Je suppose que nous le découvrirons bien plus tard. Ma spéculation s’arrête là.

Pour revenir à la parodie en elle-même, c’est exactement ce que ce premier acte est : une parodie inspirée d’une série ayant vraiment existé. Elle s’appelle Alf, elle a été diffusée dans les années 80 sur NBC, et suit l'histoire d'une famille avec un petit alien prénommé Alf, donc. Il apparaît dans Mr. Robot, ici :

 

Alf dans Mr. Robot

 

C’est lui qui écrase Gideon. Oh oui, car Gideon apparaît, et se fait tuer (encore). Et dans le magasin. Oh oui, car Angela aussi travaille pour E Corp., mais dans un magasin. Bref, le tableau est complètement surréaliste. Et drôle, en plus de cela ! Les gags fonctionnent tous et rendent même hommage aux (ou plutôt se moquent des) vieilles sitcoms, ce qui permet d’apprécier l’épisode pour tous ses niveaux de lecture, y compris au premier degré.

Bien sûr, Elliot a parfaitement conscience de l’improbabilité totale de cette situation. Il entend lui aussi les rires pré-enregistrés, est complètement sidéré par la situation dans laquelle il se trouve et effectue régulièrement des regards vers la caméra. Il permet en fait de jouer le rôle du spectateur, comme c’est souvent le cas dans cette série qui, définitivement, ne connaît pas de quatrième mur. Car nous aussi évidemment, comprenons le caractère surréaliste de ce début d’épisode, et savons que quelque chose se trame derrière tout ça. Pour preuve : la “réalité” des événements n’est pas oubliée, lorsque nous apercevons des clips du cliff de l’épisode précédent dans les écrans de la scène. La gameboy de Darlene et les rétroviseurs de la voiture reflètent donc Elliot se faisant tabasser par les hommes de Ray, et montrent donc des clips vers le passé. Une superbe image sur plusieurs niveaux : ce sont bien évidemment des éléments rétros, donc le choix de montrer d'anciennes scènes est cohérent, mais le symbole de l’écran est également fort (inutile de vous présenter Black Mirror, si ce n’est pas le cas allez voir ce chef-d’œuvre, dont Mr. Robot partage quelques traits), et enfin, l’explication de ces flashs est très joliment amenée par le père d’Elliot lors de la fin de l’épisode, avec toute la thématique de “regarder derrière soi” contre “avancer droit devant” qui était magnifique. Mais je reviendrai sur cette scène finale plus tard.

… Je réalise que je viens de passer un paragraphe à baver sur un simple effet de réalisation et toutes ses implications. Dieu que j’adore cette série.

 

Le rétroviseur dans Mr. Robot

 

Cette parodie n’est pas simplement qu’une façon de bouleverser le format. L’épisode se sert de tout ce premier acte pour un discours méta absolument savoureux, brisant tous les tabous de la série à l’heure actuelle. En vrac, voici tout ce que les personnages abordent de plein fouet :

 

  • La relation AngElliot ambiguë, entre meilleurs amis et amants liés par le destin. Si Angela et Elliot ne vivaient pas dans le monde réel, ils seraient le couple parfait, comme l’hallucination d’Elliot de l’épisode 4 nous l’avait déjà signalé. Mais dans le monde d’E Corp., ils sont tous les deux dos au mur, se battent contre le système, et finalement ont très peu interagi depuis le début de la série, encore moins cette saison. Et c’est le tout premier sujet que la famille aborde en voiture.
  • Gideon. L’un des personnages secondaires les plus attachants de la première saison, assassiné violemment, gratuitement et de façon complètement imprévisible dans le deuxième épisode de la saison. Il n’a pas eu droit à un véritable au revoir. Le Gideon de cette sitcom “Alf Robot” se fait écraser par une voiture sortie de nulle part, laissant Elliot contempler longuement un corps inanimé avec du sang et une trace de pneu sur la tête. Petit pied de nez de la série à l’encontre de tous ses fans là encore, belle preuve d'auto-dérision.
  • L’évolution d’Angela. Plusieurs personnes se sont demandé comment Angela pouvait sincèrement vouloir gravir les échelons dans la société qui a détruit sa famille et pris la vie de sa mère. L’Angela qui travaille dans la petite supérette pour le compte d’E Corp. le dit elle même : “ils vont me promouvoir manager pour compenser le fait qu’ils aient tué ma mère !”. Très maligne auto-parodie encore une fois.
  • L’absence de Tyrell. Elle énerve tout le monde cette saison, pas vrai ? En tout cas moi, je n’en peux plus du suspens, même si cela permet de mettre en valeur Joanna. Je n’avais pas imaginé que cela allait être un enjeu/mystère aussi grand. Eh bien, le voilà Tyrell Wellick ! Il tente de s’échapper mais se mange le décor… comprendre : même le récit lui-même ne veut pas qu’il s’échappe. Et où était-il ? Dans le coffre d’une voiture ! Joli parallèle avec la véritable disparition de Tyrell : souvenez-vous, dans le final de la saison 1, Elliot se réveille dans une voiture. Nous n’avons jamais revu Tyrell depuis. Je ne suis pas en train de dire que le véritable Tyrell Wellick est dans le coffre depuis tout ce temps (quoique, ce serait un drôle de rebondissement ^^). Mais, remarquez que les personnages de la sitcom ont l’air d’être calqués sur les personnages du vrai monde : le père d’Elliot a un cancer, Gideon est mort de façon complètement inattendue, Angela bosse pour la société qui a détruit sa famille et s’en satisfait... Le tout avec des éléments absurdes exagérés pour la comédie : le père d’Elliot tousse du sang et en rigole, Gideon se fait rouler dessus par Alf, Angela n’est que co-manager dans une supérette du bord de route… Peut-être que si son alter égo des années 80 est ligoté dans un coffre, Tyrell est véritablement enfermé quelque part ? Affaire à suivre.

 

Alors, quel était le but de toute cette fausse sitcom ? Eh bien là encore, c’est purement génial. Elliot finit par croire qu’il s’agit du monde inventé par Mr. Robot, et une preuve que ce dernier a pris le contrôle de son esprit. C’est en fait tout l’inverse. En mettant en scène tout ce cirque, Mr. Robot était en réalité en train de protéger Elliot, comme si sa deuxième personnalité prenait le pas sur lui pour le protéger. L’ensemble de la scène familiale devait probablement agir comme une sorte de calmant, un mensonge fait pour adoucir la triste réalité. Pour cela, Mr. Robot a tenté d’évoquer de doux souvenirs, faisant écho notamment au trajet en voiture entre Edward et Elliot de la fin d’épisode que l’on découvre en flashback, qui nous montre la création de la boutique “Mr. Robot”. Ainsi, si Mr. Robot tenait absolument à ce qu’Elliot regarde la route plus tôt dans l’épisode, c’était pour aller de l’avant. Elliot ne comprend pas et est suspicieux, tout comme nous. Comment pourrait-on penser que l’enfance d’Elliot a été heureuse un moment, ou qu’Edward fut un bon père ? La série s'est tellement attachée à dépeindre Edward Alderson comme quelqu'un de violent, malhonnête, lunatique... Pourtant, il semble sincèrement vouloir aider son fils.

 

Elliot et Mr. Robot ensemble

 

On a trop tendance à l’oublier : Mr. Robot n’est pas l'antagoniste du show. En fait, Mr. Robot n’existe même pas. Il n’est pas dangereux pour Elliot. Sans lui, il ne serait pas réel. On a beau penser qu’il peut nuire à Elliot (il lui tire dans la tête en début de saison), cela ne pourra pas arriver. Comme quelqu’un sous hypnose qui ne pourra jamais se suicider, Mr. Robot est, au pire, une contrainte. Le seul danger d’Elliot, c’est lui-même. Si on peut donc trouver cela encore plus dérangé et dangereux qu’Elliot embrasse son autre-lui, ne serait-ce pas le signe qu’il est sur la bonne voie ? Celle de la symbiose de ses personnalités, d'une certaine façon ? Mr. Robot se montre finalement bienveillant dans cet épisode, voire assume son rôle de père. Je pense que la relation entre les deux va s’adoucir dans les épisodes suivants. Leur calin est fantastiqement joué et très émouvant.

Selon moi, cet épisode a marqué un tournant et leur relation va changer... Ou bien les conflits ressortiront en même temps que les divergences d’opinion, quand Elliot sera confronté aux problèmes en dehors de son asile. Tout est possible, et je suis souvent une buse pour deviner la tournure des choses. Une chose est sûre : c’est bon de voir enfin Christian Slater au centre de la scène, et la relation Elliot/Mr. Robot au coeur d’un épisode, car cela faisait très longtemps.

 

 

Opération infiltration

 

Ne vous détrompez pas, l’autre moitié de l’épisode était de très bon niveau, même si je n’en ai pas encore touché un mot. Il faut dire que c’est clairement toute l’intrigue d’Elliot qui vaudra la note que j’attribuerai à l’épisode en fin de critique (qui est faramineuse, je préviens).

 

Angela la hackeuse

 

Dans cet épisode donc, Angela apprend à hacker, en quelque sorte. Quand je vous disais que cet épisode était parfait pour les novices comme moi ! Le charabia technique prend peu de place et est bien expliqué. Moby, Cisco et Darlene coatchent Angela tandis qu’elle doit s’infiltrer dans les étages au-dessus de son bureau afin de pouvoir placer un gros mouchard pour récupérer les données du FBI. Un plan risqué qui n’est pas sans rappeler l’infiltration d’Elliot dans l’usine en saison 1, tout aussi bien mis en scène, avec une excellente musique en prime, et superbement réalisé. Je suis toujours impressionné de voir la série parvenir à rendre aussi stressant des éléments technologiques et par conséquent purement abstraits. Comme quoi, c’est bien la preuve que quand on sait bien raconter une histoire, on peut faire une série sur quasiment tout et n’importe quoi.

Angela fait plusieurs rencontres qui s’annoncent décisives. Elle croise pour la première fois l’ex-petit ami de Darlene en lien avec la Dark Army, qui est aussi celui qui avait vendu le CD corrompu à Angela et son ex-petit ami Olly en saison 1. CD qui, si vous refaites tout le parcours, est la cause de tout les problèmes d'Angela avec le FBI aujourd’hui. Elle rencontre également un potentiel nouveau love-interest. Je ne suis pas sûr qu’elle le revoit un jour, mais la série donne parfois des suites là où on ne le pensait pas. Qui sait ? Enfin, et surtout, elle rencontre en toute fin d'épisode l’agent Dom DiPierro. Depuis son introduction grossière, il s’est passé plusieurs épisodes, aussi ai-je largement eu le temps de digérer le caractère un peu improbable de ce personnage. Et dans cet épisode, il est très bon.

 

DiPierro

 

DiPierro a deux scènes très intéressantes dans l’épisode : face à son boss, elle résume les événements de la fin de l’épisode précédent – l’embuscade à Pékin – et fait preuve d’intelligence en analysant bien ce à quoi elle a à faire. Ensuite, elle va chez un petit commerçant. Scène qui paraît anodine l’air de rien, cela donne en fait de la consistance à la révolution de Fsociety, en montrant l’impact sur les gens lambda. Ce que l'on constate c'est que, évidemment, les retombées ne sont pas si positives que ça : perte de confiance en E Corp. (vue à travers Philip Price) + effondrement de la monnaie, le résultat ne peut être qu'une catastrophe. On en revient à ma spéculation autour de la possible morale cachée de la série autour de notre économie et de notre monde – quoiqu’à ce stade, on dépasse l’hypothèse et on entre clairement dans le sous-entendu...

 

Mais là, on touche à une thématique plus globale qui dépasse un peu les événements actuels. Pour l’instant, Mr. Robot se “contente” de faire bouger son intrigue d’hacking du FBI, et surtout, bouleverse notre vision de la relation entre Elliot et Mr. Robot dans un parti-pris de narration extrême. Et c’est fantastique. Cet épisode est complètement inattendu, riche, bourré de détails, d’émotion, de sens, extrêmement divertissant, trouvant le parfait équilibre entre un show technologique captivant et un OVNI télévisuel qui bouleverse les codes du genre comme on le voit rarement. Probablement le meilleur épisode de la série.

 

J’ai aimé :

 

  • Le caractère complètement imprévisible de la série.
  • Enfin le retour de Mr. Robot sur le devant de la scène !
  • Rami Malek et Christian Slater. Justes.
  • Et Portia Doublay. Et Grace Gummer. <3
  • La parodie complètement surréaliste et extrêmement pertinente du début d’épisode.
  • L’auto-dérision et le méta de la série.
  • La morale sur la révolution de plus en plus trouble et intéressante.
  • L’évolution de la relation Elliot/Mr. Robot rendant cet épisode capital.
  • Un retour aux sources pour le côté technologique de la série dans une seconde partie haletante.
  • Mr. Robot c’est trop bien !!!

 

Je n’ai pas aimé :

 

  • On peut regretter l’intrigue d’Elliot qui n’a finalement pas avancé plus que ça.
  • Que l’épisode finisse !

 

Ma note : 18/20.

 

 

Fun Facts :

 

  • Je n’ai pas évoqué le titre. Master Slave, c'est assez énigmatique. Probablement la relation de pouvoir entre Elliot et Mr. Robot pour le contrôle du “corps” d'Elliot, mis à mal dans cet épisode ? Et j’ai fait un peu de recherche autour du format, “.aes”, c’est apparemment fait pour encrypter certains fichiers. Cela semblerait donc coller parfaitement avec la façon dont l’épisode et le père d’Elliot ont usé d’un artifice pour cacher certaines informations. Pour l'instant c'est mon interprétation, PuckyPotts me corrigera peut-être sur ce point, ou n'importe quel autre cador en informatique !
  • Je n’ai pas cherché à questionner comment le jeune Elliot en vient à “Mr. Robot”, le nom de la boutique, qui est aussi celui du protagoniste le plus à part, et le nom de la série (comprenez : ces mots sont importants !). La série fait le choix malin de rester silencieuse à ce sujet, avec une très belle fin d'épisode et l'utilisation d'un silence. Nous connaissons après tout déjà ce qu’Elliot allait dire, et c’est notre imagination qui fait le reste. Alors, juste une pensée aléatoire ? Ou un vrai raisonnement derrière ? Pour ma part je n’ai aucune idée, n’hésitez donc pas à partager les vôtres en commentaires…
  • L’épisode est écrit par le même scénariste que l’épisode 4 de la première saison, Daemons. Qui était mon épisode préféré avant celui-là, et clairement dans le même trip étrange avec Elliot. Pas de doute, je veux qu’il revienne en saison 3... s'il y a une saison 3. Oh j'espère qu'il y aura une saison 3. Dites, il y aura une saison 3, hein ?!

 

Merci à ClaraOswald pour ses apports autour de la parodie d'Alf et d’autres parties de l’épisode. :)

À la semaine prochaine pour la critique de l'épisode 7.

L'auteur

Commentaires

Avatar ClaraOswald
ClaraOswald
Ha oui Alf, une série de mon enfance ^^ Bonne critique que je partage pleinement, cette série fait vraiment fort.

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