Critique : Mr. Robot 3.01

Le 19 octobre 2017 à 06:52  |  ~ 13 minutes de lecture
La nouvelle saison peut-elle répondre aux craintes soulevées suite à la précédente ?

Critique : Mr. Robot 3.01

~ 13 minutes de lecture
La nouvelle saison peut-elle répondre aux craintes soulevées suite à la précédente ?
Par PuckyPotts

Mr. Robot a été une surprise à sa sortie en 2015. Depuis, la série a été auréolée de succès et encensée par les critiques, Rami Malek étant même le premier acteur non-blanc à remporter l’Emmy Award du meilleur acteur dans une série dramatique depuis dix-huit ans. Mais la seconde partie de la dernière saison avait rencontré quelques réticences. Certains la trouvaient trop cryptique. D’autres n’avaient pas apprécié ses longueurs. Si, au visionnage, j’avais été emballé, elle m’a laissé un souvenir plus terne que la première saison. Il semble que l’équipe soit consciente de ces problèmes et ressorte plus forte de ce qui aura été, je l’espère, la saison des expérimentations.

Sam Esmail avait mis en scène l'entièreté de la précédente saison. Et il faut bien l'avouer, le réalisateur se cherchait par moments. Le père de la série est de retour derrière la caméra pour ce premier épisode de la saison 3. Et les résultats sont plus que concluants. Les bonnes trouvailles sont là. La forme vient habilement souligner le fond. Et c'est plaisant. Je ne vais pas m'amuser à faire une analyse plan par plan, mais j'essaierai de relever ceux qui m'ont particulièrement marqués. Notons simplement que le travail sur la symétrie a été soigné. Un moyen de rappeler la dualité de la personnalité d'Elliot ? C'est en tout cas ce que m'évoque ce plan de ses yeux lorsqu'il retrouve connaissance, où seule une moitié de son visage est éclairée. Je vous encourage en tout cas à prêter attention aux effets de symétrie.

J'avais commencé la dernière saison avec la volonté de garder pendant tout le visionnage ma casquette de spectateur méfiant. Mais ma relation avec Elliot était alors toute différente. Il ne m'avait pas accordé sa confiance. Je ne lui avais pas accordé la mienne. À raison. Certes, il est probable que ce qui se passe à l'écran soit toujours teinté d'illusion. Mais j'aimerais partir sur un nouveau contrat avec Elliot pour cette saison. Je vais accepter ce qui se passe. Ce début de saison nous invite presque à la mélancolie et je décide de me laisser transporter.

 

 

Où est Mr. Robot ?

 

Les choix de chanson ont toujours eu une importance particulière dans la série. Ce sont de réels éléments de narration. Esmail joue d'ailleurs régulièrement avec leur intégration dans la diégèse. Quelle interprétation donner alors au choix de Whistle Away The Dark de Julie Andrews, une chanson du film Darling Lili de Blake Edwards ? J'apprécie plutôt l'interprétation du monteur de la série John Petaya. La chanson représenterait Elliot tentant d'étouffer ses peurs. Réveil chez Angela ; il fait appel à nous, spectateurs, pour l'aider à chasser l'obscurité. Mais où est Mr. Robot ? Mr. Robot est mort.

Vive Mr. Robot. La fin de la dernière saison n'était pas vraiment un cliffhanger. Certains pourraient entre autres y voir un pied de nez qui vient infirmer les théories faisant de Tyrell une autre personnalité d'Elliot. Et on assiste ici au véritable changement par rapport à la saison précédente. Elliot n'interagit plus avec Mr. Robot, son alter ego. Il espère même que la balle qu'il a reçue l'ait tué. Mais que nenni. Mr. Robot est enfoui plus profond que jamais dans le subconscient d'Elliot. Elliot avait tenté pendant une partie de la dernière saison de se débarrasser de son alter ego sans succès. Maintenant, il se prend un retour de bâton pour ses actions.

 

Angela et Mr. Robot dans le métro.

 

La représentation de la révolution évolue depuis la première saison. L'action se déroule toujours en 2015, dans un univers parallèle au nôtre. Et quel monologue que celui que nous offre Elliot. Il revient sur les conséquences du 5/9 Hack. La série joue ici dans un registre très cynique. On peut même y voir une auto-critique du merchandising autour de la série. La révolution devait permettre de donner le pouvoir au peuple. Au contraire, les 1%, comme ils sont souvent désignés dans la série, se sont servis de la peur créée pour asservir encore plus les populations. La préférence d'une sécurité bien artificielle l'a emporté. Les mots habituellement attribués à Franklin résonnent ici avec force : « Those who would give up Essential Liberty, to purchase a little Temporary safety, deserve neither Liberty nor Safety » (« Ceux qui abandonneraient les Libertés Fondamentales pour s'offrir une sécurité toute temporaire, ne méritent ni la Liberté ni la Sécurité »).

 

 

Un nouvel équilibre

 

Un certain nombre de personnages ont pour le moment disparu des radars. La série doit trouver un nouvel équilibre. Pour le début de la saison, les auteurs ont décidé d'introduire un personnage haut en couleur et rafraîchissant. Irvin, brillamment incarné par Bobby Cannavale, se révèle être un parfait Winston Wolf, archétype de la figure du fixer, pour la Dark Army. Il apparaît donc naturellement bien tranquille et apaisé au milieu de tous ces personnages en plein accès de panique. Panique de Tyrell, incertain d'avoir abattu Mr. Robot. Panique d'Elliot, incertain de la révolution. Panique de Darlene, incertaine de son propre sort. Il est probable que ce personnage jouera un rôle prépondérant dans le cours prochain des événements.

 

Irvrin tente d'obtenir un milkshake gratuit.

 

En parlant de la Dark Army. Whiterose apparaît de plus en plus en contrôle de la situation. Grosse révélation cette semaine, Edward Alderson, le père d'Elliot et de Darlene, aurait déjà travaillé pour elle et la Dark Army. Je ne sais pas encore qu'en penser. J'ai peur que ces éléments ne viennent donner une teinte plus complotiste au show. Je suis également à la fois curieux et sceptique de voir ce que donneront ces pistes d'univers parallèles ou de voyages temporels. Sceptique, parce que je crains que ce soit un exercice très périlleux que d'aller se frotter à ces thématiques. Et je ne suis pas certain non plus que ce soit en harmonie avec les thèmes développés par la série jusqu'à maintenant. À cet égard, la centrale de Washingtown Township devrait être un centre d'action. On y aperçoit effectivement ce qui semble être un accélérateur de particules.

Maintenant, ce nouvel équilibre se met doucement en place. On ne voit pas encore bien comment Tyrell va s'insérer dans cette équipe, mais les auteurs ont promis que ce personnage jouerait un grand rôle dans cette saison. Le personnage qui prend une toute nouvelle dimension est le personnage d'Angela. Portia Doubleday va pouvoir pendant cette saison faire la démonstration de tout son talent. La tension qu'elle développe dans la dernière scène avec Christian Slater est palpable. L'usage répété de Touch des Daft Punk et Paul Williams est particulièrement évocateur. Si le morceau apporte une touche d'émotion, le « Tell me what you see » (« Dis-moi ce que tu vois ») de Paul Williams peut trouver écho dans un précédent dialogue. C'est au travers du regard qu'Angela peut différencier Elliot et Mr. Robot. Tel un fusil de Tchekhov, cet élément devrait revenir sur le tapis.

 

 

La représentation du Hacking

 

Ma découverte de Mr. Robot a coïncidé avec mon entrée dans le monde du hacking. Cette phrase ne veut rien dire en tant que telle. Le monde du hacking, loin des clichés qu'on nous sert habituellement, l'incompréhension totale du Grand Méchant Deep Web en est un des derniers exemples, est un monde complexe avec sa propre culture. La représentation du hacking dans la fiction est loin d'avoir toujours été une réussite. J'admirais Mr. Robot. La série me paraissait être beaucoup plus juste que d'autres dans ses choix de représentations. Deux ans plus tard, j'ai forcément maintenant des désaccords avec ces choix. Mais pour être honnête, je ne saurais pas citer de meilleures représentations aujourd'hui à ce niveau de diffusion. Et cela, on le doit certainement à Kor Adana, co-producteur et auteur sur la série.

 

Elliot au hackerspace.

 

Dans l'épisode de cette semaine, trois moments sont centrés autour du hacking. On pense forcément à cette scène dans le hackerspace, reprenant l'imagerie de 1984, la célèbre dystopie de George Orwell. Au passage, cette scène est un petit joyau de réalisation avec un plan séquence parfaitement orchestré. J'en reviens ici à la forme qui souligne le fond. Ce plan séquence n'est pas gratuit, il vient renforcer notre immersion avec Elliot et Darlene (Carly Chaikin est ici dans un registre très juste). La fratrie tombe en plein milieu d'un CTF, un Capture the Flag. Les CTF sont des compétitions de hacking. Plusieurs variantes existent, mais en général le but est de récupérer des Flags (le plus souvent sous forme de chaînes de caractères) au travers de challenges. Ce CTF est une épreuve qualificative pour le CTF le plus réputé, la DefCon qui se déroule tous les ans à Las Vegas. La série se paye même le luxe de faire référence à une épreuve ayant vraiment eu lieu au CCC de 2012, le CTF européen le plus connu. Si cela vous intéresse, vous pouvez même jeter un coup d'œil aux solutions proposées, mais je vous préviens, ce n'est pas aussi facile que cela en a l'air dans la série.

Autre moment fort : notre nouvel ami Irvin use de ses talents. La série avait déjà fait preuve de beaucoup de justesse en mettant en scène des attaques par social engineering, ou ingéniérie sociale en français, par le passé. L'épisode de cette semaine nous montre une attaque, elle aussi, très plausible. Irvin se fait passer pour un membre des forces de l'ordre pour demander l'arrêt du véhicule du FBI qui les suivaient, se basant sur la plaque d'immatriculation. Ce service aux États-Unis existe réellement. Une des forces de la série est de constamment nous rappeler que les systèmes de notre monde sont bel et bien des cibles faciles. Une des dernières scènes de l'épisode évoque aussi un site bien réel, shodan.io. Shodan est un moteur de recherche qui permet entre autres de trouver divers objets connectés, par exemple des webcams. Il est très utilisé dans le monde de la sécurité informatique et vous seriez surpris du nombre d'objets connectés qui ne sont pas du tout sécurisés. Je vous déconseille en revanche de tenter vous-même l'expérience, l'intrusion dans les systèmes d'autrui étant bien entendu prohibée. Notons encore l’usage de Touch de Daft Punk et Paul Williams au moment où Mr. Robot s’installe en face de l’écran. Choix encore une fois significatif. « A visitor in a dream » (« Un visiteur dans un rêve »)...

 

L'épisode de cette semaine annonce je l'espère une saison de la maturité. Il répond à mon avis parfaitement aux craintes exprimées par un certain nombre de fans au cours de la dernière saison. On sent un Sam Esmail beaucoup plus à l'aise derrière la caméra et un Kor Adana aujourd'hui libéré dans son rôle de production et d'écriture. En général, l'équipe derrière la série s'est étoffée et renforcée, et ça se ressent lors du visionnage. Je suis confiant pour la suite de la saison et j'espère continuer à être agréablement surpris.


J'ai aimé :

 

  • Le nouvau personnage d’Irvin.
  • La séparation plus profonde entre Elliot et Mr. Robot.
  • L’équilibre entre Mr. Robot, Angela et Irvin.
  • Les jeux de mise en scène.
  • Le traitement de la révolution.

 

Je n'ai pas aimé :

 

  • Je ne sais pas ce que va donner la relation entre F. Society et la Dark Army.
  • Je crains que les éléments "voyage temporel" ne viennent à un moment éclipser la représentation de la culture hacker.

 

Ma note : 14/20.

 


Le coin du techos :


  • Le titre de l'épisode est suffisamment explicite, "Power Saver Mode" fait référence au mode de fonctionnement des appareils qui permettent d'économiser de l'énergie. L'extension .h désigne des fichiers d'en-tête (header files) en C ou en C++ qui contiennent en gros les références des fonctions et des variables utilisées dans le programme.

 

  • Elliot évoque plusieurs domaines d'épreuves pour le CTF. Parmi eux, le reverse engineering, ou rétro-ingéniérie en français, désigne l'étude d'un objet, comme un programme, pour en comprendre et éventuellement en reproduire le fonctionnement interne. Par ailleurs, la forensics, ou informatique légale en français, est la recherche de preuves numériques sur un sytème informatique.

 

  • Non seulement, la série se paye le luxe de faire référence à un vrai challenge, mais elle propose également le sien sur le site whoismrrobot.com. Si vous cherchez un peu, vous pourrez trouver un challenge minesweeper.py, celui qui l'on voit à l'écran. C'est très prenant à étudier (le premier qui fait remarquer que j'ai des loisirs chelous, je le...). Bon courage pour le cracker. Clin d'œil

 

 

Bonus :


  • Le pull qu'Angela prête à Mr. Robot n'est pas le pull de n'importe qui :

 

Rappel de la saison 1

L'auteur

Commentaires

Avatar Galax
Galax
Excellente critique ! J’apprends plein de choses et tu couvres quasiment tout (j’ai envie de dire “tout” mais j’ai le sentiment qu’on ne peut jamais tout couvrir avec Mr. Robot :p), je ne l’ai pas seulement lue, j’ai fini par la parcourir carrément ! Je ne serai pas aussi enthousiasme que toi sur le personnage d’Irvin. Pour moi c’est un perso gimmick-concept qui est là pour fluidifier le récit mais qui n’a pour l’instant aucun fond. A voir s’ils développent sa backstory, mais pas sûr… Je te rejoins sur l’aspect beaucoup plus fluide du coup et la dynamique entre la séparation Elliot/Mr. Robot qui fonctionne très bien. Mais aussi sur le fait que la saison a besoin de trouver son rythme et que l’absence de plusieurs persos (Tyrell, Dom et autres) se fait sentir. Tout de même, ce twist sur Angela :o

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