Critique : Mr. Robot 2.01

Le 03 août 2016 à 10:29  |  ~ 8 minutes de lecture
La nouvelle saison est-elle à la hauteur de la bonne surprise de l'été 2015 qu'aura été la saison 1 ?

Critique : Mr. Robot 2.01

~ 8 minutes de lecture
La nouvelle saison est-elle à la hauteur de la bonne surprise de l'été 2015 qu'aura été la saison 1 ?
Par PuckyPotts

Au vu du caractère de la série, nul besoin de vous avertir : cette critique et les suivantes risquent très fortement d'être bourrées de spoilers.

 

Mr. Robot revient pour sa deuxième saison, auréolée d'un succès nouveau après les Golden Globes 2016. Les attentes sont donc portées d'autant plus haut que la saison 1 nous avait laissés avec beaucoup de questions non résolues. Après le hack de E Corp., le monde était sur le point de basculer dans la révolution, un ordre nouveau tendait les bras au peuple. À la nuance près que cela ne semblait pas du tout inquiéter Phillip Price, CEO d'E Corp. Se pourrait-il que le hack ne change en rien la donne, que la distribution de richesses promise par la FSociety ne soit qu'un leurre ?

Cette notion de leurre va certainement nous accompagner tout au long de la saison, comme elle nous avait accompagnés tout au long de la saison 1 sans se faire sentir explicitement. Tant bien qu'il est difficile d'écrire une critique sur un show qui entretient autant d'ambiguïtés entre la réalité et la fiction, entre la vie et le rêve. Cette dualité est d'ailleurs illustrée par le choix de la chanson Daydream, dont le titre à lui seul nous rappelle que la disctintion n'est pas aussi simple.

Les indices laissés, çà et là, par Sam Esmail, prennent donc une importance toute particulière. Comment comprendre le geste d'Elliot juste après le hack d'E Corp. ? Lorsqu'il récupère le pistolet qu'il avait caché dans la machine à pop-corn ? Tyrell est aux abonnés absents dans ce début de saison 2... Le montage, toujours aussi bon, enchaîne sur la chute d'Elliot après que son père l'ait poussé par la fenêtre... Tous les doutes sont permis. Le spectateur ne peut plus faire confiance à personne. Ça tombe bien, Elliot ne fait plus confiance au spectateur non plus...

 

 

La nouvelle vie d'Elliot

 

Mr. Robot n'a jamais porté aussi bien son nom. Sam Esmail a voulu combiner dans une seule formule la technologie et l'humanité. Pour se débarrasser de Mr. Robot, Elliot va pousser à l'extrême l'aspect mécanique de sa vie, la transformant en une boucle infinie. Dans sa tentative de mécanisation, ne risque-t-il pas de perdre son humanité en cédant à la technologie ?

La journée d'Elliot commence par un petit-déjeuner avec Léon. Arrêtons-nous deux minutes sur ce personnage. J'ai toujours ma casquette de spectateur méfiant. Elliot ne me fait plus confiance, très bien, mais je suis d'autant plus attentif. Léon, un personnage au caractère sociable, très bavard, nouvellement fan de Seinfeld, qui pousse Elliot à assister à des matchs de basket de rue ? Tout cela me paraît louche... Léon apparaît potentiellement comme une nouvelle identité d'Elliot, une identité construite en porte-à-faux par rapport à Mr. Robot.

 

Elliot et Leon discutant à table

 

Dans la boucle infinie que se construit Elliot, censée le libérer de Mr. Robot, le caractère machinal pousse paradoxalement à la création d'une nouvelle identité. Tout cela n'est que pure théorie, mais les scènes du match de basket ou du repas dans lequel surgit Mr. Robot le laissent fortement penser. Non seulement dans le comportement d'Elliot, mais aussi dans la mise en scène. Lorsque Elliot s'entretient dans le restaurant avec Mr. Robot, Leon semble mystérieusement disparaître, comme s'il n'avait jamais été là. Ce personnage est en tout cas attachant, et s'il se revèle en effet être une création d'Elliot, sa personnalité peut se comprendre.

 

 

La relation entre Elliot et Mr. Robot

 

La relation entre Elliot et Mr. Robot ne peut se comprendre sans la relation entre Elliot et le spectateur. La confiance, comme le leurre dont elle peut être considérée comme opposée, va également être une question centrale dans cette saison. On comprend au fur et à mesure de la première saison que nous sommes dans la tête d'Elliot, tout du moins que nous voyons tout l'univers par le prisme de pensée d'Elliot. C'est toujours le cas : en effet, il est impossible pour le spectateur de savoir ce qu'Elliot révèle à sa psychiatre, puisque que celui-ci ne nous fait pas assez confiance pour nous le montrer. Sam Esmail pousse de plus en plus cette démarche d'identification au personnage, au point que l'on peut avoir l'impression de devenir nous-même une personnalité d'Elliot.

Cette sensation de devenir une nouvelle personnalité d'Elliot nous pousse à nous poser une question simple. Qui est ce vrai "moi" que recherche tant Elliot ? Comme Mr. Robot le rappelle lui-même dans cette excellente scène de confrontation entre Elliot et Gideon, l'ex-patron d'Allsafe, si c'est lui qui fait quelque chose, c'est Elliot qui le fait. La pomme qu'épluche Mr. Robot sert ici de totem au sens d'Inception. Si c'est Mr. Robot qui épluche la pomme, pourquoi la camera s'attarde sur les restes ? Le flou le plus total règne entre la réalité et l'illusion, Elliot a tout sauf le contrôle de la situation.

 

Dialogue entre Mr. Robot et Elliot

 

L'opposition entre Elliot et Mr. Robot ne les aura jamais autant rapprochés de Docteur Jekyll et Mr. Hyde. Plus Elliot tente de séparer sa "mauvaise" personnalité, Mr. Robot, de sa "bonne" personnalité, plus cette première prend le pas sur la dernière. Paradoxalement, plus Elliot machinalise sa vie, plus il perd ce côté humain qui pourrait éloigner Mr. Robot. Cette balle que tire Mr. Robot dans la tête d'Elliot semble être un compte à rebours pour la perte totale de contrôle sur son esprit, si ce n'est qu'elle pourrait symboliser une tumeur. Mr. Robot souligne en effet qu'il n'est pas une tumeur que l'on peut supprimer... Cette tumeur serait-elle une explication de la perte de contrôle d'Elliot ?

 

 

La difficile suite de la révolution

 

Le côté techos de la série est mis en retrait par rapport à la première saison. Néanmoins, elle est toujours dans l'air du temps. La première saison aura permis d'avertir sur les dangers et la nécessité de bonnes pratiques informatiques pour assurer une certaine sécurité. Dans cet épisode, c'est le fameux Internet of Things (IOT) qui est sur le devant de la scène. La multi-millionnaire responsable juridique d'E Corp. possède une maison dont les installations domotiques feraient pâlir n'importe quel exposant des salons de Las Vegas. Passons outre le fait qu'E Corp. ne semble pas s'inquiéter le moins du monde que la maison de sa responsable juridique se fasse hacker après les événements qu'ils ont connus, nous avons le droit à une véritable symphonie technologique léchée.

 

Darlene pendant le hack de la responsable juridique

 

Faute du suivi d'Elliot, Darlene a repris le rôle de leader de la révolution. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est couillue dans ce rôle (Bam Dum Tss). Dans cet épisode très centré sur le personnage d'Elliot, le côté politique qui avait une place prédominante dans la saison précédente a été mis un peu de côté. Plusieurs mois après l'attaque de la FSociety, E Corp. est toujours debout et règne toujours sur le monde. Se pose alors la question de la pérennité du mouvement révolutionnaire. La série semble se diriger vers une réflexion très intéressante de ce côté.

La lancinante opposition entre la fin et les moyens se retrouve dans le succulent dialogue entre Darlene et Mobley. Le discours que tient Darlene pour remettre ses troupes au travail est comparé à un discours de Bush, modélisant l'omniprésence de l'état de guerre. On peut d'ailleurs distinguer sur la veste de Darlene des simili galons, renforçant cet écart avec les moyens habituellement déployés par la FSociety. Nulle doute qu'avec la dualité de plus en plus présente dans l'esprit d'Elliot, la série aura quelques réflexions poussées à nous proposer.

 

Bref, je coupe court, comme ce début de saison, je laisse place à la pause et je vous propose de retrouver la suite de cette critique pour l'épisode 2. L'épisode nous laisse dans une espèce de statu quo où E Corp. est de nouveau menacé par un hack d'ampleur suite à l'intrusion chez sa responsable juridique. Phillip Price ne semble toujours pas plus inquiété que ça... Les masques vont-ils tomber ?

Je vous laisse avec une citation de Gramsci qui me semble convenir à cet état flottant de révolution dans lequel nous laisse l'épisode : « La crise consiste justement dans le fait que l'ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne, on observe les phénomènes morbides les plus variés ».

 

J'ai aimé :


  • On ne va pas s'étaler sur le jeu d'acteur de Rami Malek et de Christian Slater ?
  • L'indicibilité : on ne sait jamais si ce qu'on voit est la réalité ou une illusion.
  • La difficile suite de la révolution.
  • Mais où est Tyrell ?

 

Je n'ai pas aimé :

 

  • Le statu quo qui ne laisse pas assez d'enjeux pour la suite.

  • L'intermission qui nous fait languir. :(

 

Ma note : 14/20.

L'auteur

Commentaires

Avatar Galax
Galax
Top critique ! :) Je suis d'accord sur tous les points. "Léon apparaît potentiellement comme une nouvelle identité d'Elliot, une identité construite en porte-à-faux par rapport à Mr. Robot." Mind blown ! (je n'y ai pas pensé une seule seconde...) C'est très probable. Je ne pense pas que les gens s'attendent à un twist Fight Club 2.0 en saison 2. Je ne suis pas trop chaud pour la théorie tumeur en revanche. Le symbole est là, mais je ne pense pas qu'il faille l'interpréter au sens propre pour la santé d'Elliot.

Avatar Koss
Koss
PuckyPotts is Mr. Robot

Derniers articles sur la saison

Critique : Mr. Robot 2.06

Mr. Robot nous livre son meilleur épisode à l'heure actuelle et nous rappelle pourquoi elle fait toujours office d’OVNI télévisuel.

Critique : Mr. Robot 2.04

Mais qu'est-ce que Mr. Robot est en train de devenir ? Un véritable objet télévisuel inconnu, quelque chose de totalement nouveau qui se plaît à briser plusieurs codes pourtant bien ancrés dans le milieu.

Critique : Mr. Robot 2.03

Loin de répondre à nos nombreuses questions, les deux premiers épisodes, en fait les deux parties d'une même histoire, nous ont proposé des pistes de résolution à n'en plus finir. La tension entre l'illusion et la réalité n'aura jamais été aussi prononcée que maintenant.