Suite à des soucis techniques indépendants de sa volonté, je remplace Chuck44 le temps d'une critique pour Person of Interest.
Deus ex machina
John Reese est un homme secret, un ancien soldat qui a tout perdu et traine maintenant dans les rues de New-York, comme un sans-abri se noyant dans la boisson. Jusqu'au jour où, en se défendant contre un groupe de voyous, il attire l'attention d'un certain Mr Finch qui lui propose une mission. Il lui fournit un nom d'une personne qui sera victime, témoin ou responsable d'un incident grave, le laissant identifier et empêcher ce péril d'avoir lieu.
Résumé de la critique
Un épisode correct que l'on peut détailler ainsi :
- un univers particulier incarné par un Michael Emerson mystérieux
- les motivations du héros qui manquent de clarté
- un scénario qui cherche trop à surprendre et commet une erreur
- la difficulté d'être un héros après le 11 septembre
Person of Interest, le fantasme de la sécurité
Très marqué par le 11 septembre qui vit la fin du mythe du héros américain classique, Person of Interest est un conceptual show comme "Le Caméléon" ou "Burn Notice" centré sur un héros qui doit accomplir sa mission du jour. Pour lui fournir l'identité de sa cible, un homme mystérieux, Mr Finch, incarné par Michael Emerson, placé ici pour donner de l'épaisseur à une mythologie plutôt vague. Seulement, malgré le talent du comédien et son air sérieux et impliqué, ce point du récit va s'avérer peu convaincant, même s'il justifie le style visuel et narratif particulier de la série.
Entre les caméras vidéos, le réseau d'écoute Echelon et les autres gadgets dont le public n'a pas encore connaissance, le monde est devenu si quadrillé qu'une machine peut commencer à calculer, grâce à la collecte d'informations, l'avenir. A partir de ces prédictions, la machine envoie un simple numéro de sécurité sociale, désignant ainsi une personne qui pourrait être liée à un évènement tragique à venir. Le but de John Reese est de découvrir la nature de cette menace par le biais de l'espionnage technologique et d'intervenir pour empêcher ce drame d'avoir lieu.
Malgré son style très théâtral, PoI est une série tout ce qu'il y a de plus classique, un concept show entre le thriller et le film d'action, mais qui se prend un peu trop au sérieux. Là où les séries conceptuelles offrent des héros humains qui partagent une relation particulière avec le spectateur (Michael Westen par le biais de la voix off), John Reese reste un peu trop une énigme et se montre finalement plutôt passif face aux évènements en cours.
Un héros qui pose problème
Premier point à souligner, j'ai toujours beaucoup aimé, malgré sa réputation sulfureuse, l'acteur Jim Caviezel, incarnant parfaitement dans plusieurs films comme "La Ligne Rouge" ou "La Passion" la complexité de l'homme pris au piège entre la foi et la peur. Pour incarner un héros ayant perdu toute foi en lui-même, l'acteur était le choix idéal. Son personnage est un homme faible, ruiné, à la recherche d'une destinée qui lui a échappé. Seulement la série va décevoir sur ce point, ne nous laissant jamais pénétrer derrière le masque impassible de Reese et empêchant du coup tout processus d'identification.
En construisant ces personnages comme des mystères impénétrables, Jonathan Nolan oublie le côté humain indispensable aux héros de séries télévisées, se plaçant à l'opposé des productions actuelles. Froid et cynique, préférant l'observation à distance au contact humain, PoI repose sur son concept et montre l'homme comme une créature prévisible. A l'opposé d'Annie Walker de Covert Affairs, Jim Caviezel se place uniquement dans le rôle du témoin, n'intervenant qu'en cas d'extrêmes nécessités avec un style plutôt viril et monolithique sorti tout droit des films d'arts martiaux.
Mais contrairement au héros classique de série qui partage sa vie avec le spectateur, Reese ne nous offre que quelques maigres flash-back sans grand intérêt. Froid et hermétique, ce personnage risque de rendre répétitif un show qui a du potentiel, mais manque dramatiquement d'humanité, perdu dans un univers où la technologie est omniprésente et surtout étouffante.
Un scénario qui cherche à surprendre beaucoup trop tôt
Si Person of Interest déçoit légèrement par son manque d'humanité, elle possède une efficacité indéniable et une esthétique très soignée qui apporte une certaine crédibilité aux scènes d'actions. Certains plans s'appuyant sur le charisme de Caviezel sont très beaux, fortement influencés par le travail de Christopher Nolan ou de Michael Mann. Réalisé par David Semel, grand spécialiste des épisodes pilot (Heroes, Life, The Cleaner), PoI est le fruit d'un travail soigné qui manque sa cible à cause d'un scénario qui commet l'erreur de vouloir trop en faire.
S'il y a un point que la saison un de Human Target avait bien compris (avant l'horrible saison deux), c'est que rien ne fonctionne mieux qu'un héros qui vient à la rescousse d'une femme en détresse. Se fondant sur ce principe, le scénario profite du charme de Nathalie Zea, jeune avocate en prise avec des flics corrompus, victime parfaite pour construire l'image d'un héros chevaleresque. Seulement, au lieu de verser dans la simplicité, les auteurs choisissent de tout compliquer et grille une cartouche en perdant un effet de surprise qui aurait eu pleinement sa place au quatrième épisode pour briser la routine.
C'est une erreur étrange pour une production aussi soignée que de laisser passer un final certes plutôt malin, mais qui risque avoir un effet dramatique sur la suite de la saison, en contraignant les scénaristes à offrir un twist à chaque fin d'épisode. En cherchant à trop bien faire, PoI en met peut-être plein la vue, mais délaisse les éléments indispensables à la construction du show.
L'obsession 09/11
Depuis Alias et Fringe, le producteur J.J. Abrams aura beaucoup travaillé sur la réaction des héros américains aux évènements liés à l'effondrement des tours du World Trade Center. Chassant des écrans toute une catégorie de héros devenu obsolète, cet attentat marque encore durablement la télévision américaine, servant ici à justifier l'adhésion de Reeser à la cause de Finch. En sauvant une personne à la fois, John Reese tente de regagner la foi dans une certaine idée du bien.
En conclusion, un épisode pas totalement convaincant malgré un visuel soigné, un casting des plus solides et un mélange efficace entre thriller et film d'action. Sans véritable âme et gâché par un final inutilement complexe, Person of Interest se montre trop fasciné par la technologie, construisant des personnages monolithiques dont les motivations restent étonnamment floues. Difficile de se passionner pour un héros qui semble n'avoir aucun objectif réel, faisant passer l'argument du 11 septembre comme une mauvaise excuse pour lancer l'intrigue.
J'aime :
- le duo Caviezel - Emerson
- le visuel très soigné
- un sens du timing indéniable pour un récit efficace
Je n'aime pas :
- un personnage principal sans réelle motivation
- une mythologie floue et sans enjeu précis
- un final qui cherche un peu trop à épater pour un premier épisode
- le manque d'humanité
Note : 11 / 20
Bien que l'épisode soit assez agréable à regarder, Person of Interest ne parvient pas à convaincre, la faute à des personnages manquant cruellement de caractère. Incapable de comprendre les motivations du héros, l'épisode se suit comme un récit pop corn, suite de scènes musclées sans la moindre intensité dramatique. Dans ce registre, on préfèrera pour l'instant largement la saison un de "Human Target".